• Antoine Jean Letronne to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Paris · Place of Destination: Paris · Date: 04.12.1831
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Antoine Jean Letronne
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Paris
  • Place of Destination: Paris
  • Date: 04.12.1831
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: 478137443
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,LIX,B,Nr.1
  • Number of Pages: 2 1/2 S.
  • Incipit: „[1] Monsieur,
    Veuillez recevoir le Mémoire ci-joint qui fait partie du volume non publié de notre Collection Académique. Il a pour [...]“
    Language
  • French
  • Greek
  • Latin
    Editors
  • Dänekas, Laura
  • Golyschkin, Ruth
[1] Monsieur,
Veuillez recevoir le
Mémoire ci-joint qui fait partie du volume non publié de notre Collection Académique. Il a pour objet de bannir de l’histoire un de ces récits romanesques qu’on y conserve encore. M. de Heeren persiste à le considérer comme historique; mais il est resté à la superficie du sujet. Je désire qu’un aussi bon juge que vous trouve que le nœud a été délié par la critique, et non violemment coupé par le scepticisme.
En revenant chez moi hier soir, et pendant la route, j’ai pensé à la question que vous faisiez hier à
M. Valenciennes sur le Mirage. Il est en effet de deux espèces; l’un, comme celui de la Fata Morgana, fait a lieu en mer, et sur les côtes rapprochées les unes des autres; sur mer, il fait paraître des écueils, des rochers, des îles, à une distance plus ou moins grande; ou bien, au dessus de l’horison, des palais, des maisons, des vaisseaux, dans une situation renversée. On l’a observé souvent dans le détroit du Pas de Calais, en Suède, entre les îles Aland et les côtes d’Upsal, mais surtout, comme nous le disions hier, entre la Sicile et l’Italie. L’autre est celui qui se manifeste dans les déserts sablonneux et sans eau, en Afrique et en Arabie &c. C’est justement votre soif de gaselle. Monge est le premier qui l’ait expliqué, après une observation faite souvent en Egypte; mais il est impossible qu’on ne l’ait pas observé avant lui. Je n’ai sous les yeux ni Nieb Schaw, ni Niebuhr; mais je crois me souvenir qu’ils en parlent. Au reste, cette question est peu d’ importante; puis que les Anciens l’avaient observé; du moins ce passage de Quinte-Curce s’y rapporte bien probablement: Ipse, cum expedito agmine loca deserta Sogdianorum intrat, nocturno itinere [2] exercitum ducens. Aquarum,... penuria, prius desperatione; quam desiderio bibendi sitim accendit. Per cccc stadia, ne modicus quidem humor exstitit. Arenas vapor aestici solis accendit, quae ubi flagrare coeperunt, haud secus quam continenti incendio torrentur. Caligo deinde immodico terrae fervore excitata, lucem tegit: camporum non alia quam vasti et profundi aequoris species est. (VII, 5. init.). Je conviens qu’il serait à désirer que Quinte-Curce eût parlé de l’effet que produit sur les hommes attirés l’apparence de cette plaine liquide. Cette omission empêche qu’on ne puisse prendre pour un fait certain qu’il parle de mirage. Cela pourtant est bien probable.
Quant à l’autre espèce de mirage, à la
Fata Morgana Diodore la décrit assez clairement dans ce passage que je trouvais, parceque vous n’avez peut-être pas sous la main le texte de cet auteur. γίνεται δέ τι θαυμάσιον περί τε ταύτην​ τὴν χέρσον [τῆς Αἰγύπτου], καὶ τὴν ἐπέκεινα τῆς Σύρτεως Λιβύην. περὶ γάρ τινας καιρούς, καὶ μάλιστα κατὰ τὰς νηνεμίας, συστάσεις ὁρῶνται κατὰ. Γὸν ἀέρα παντοίων ζῴων ἰδέας ἐμφαίνουσαι. τούτων δ’αἱ μὲν ἠρεμοῦσιν, αἱ δὲ κίνησιν λαμβάνουσι, καὶ ποτὲ μὲν ὑποφεύγουσι, ποτὲ δὲ διώκουσι. πᾶσαι δὲ τὸ μέγεθος ἄπλετον ἔχουσαι, θαυμαστὴν κατάπληξιν καὶ ταραχὴν παρασκευάζουσι τοῖς ἀπείροις. αἱ γὰρ ἐπιδιώκουσαι τοὺς ἀνθρώπους, ἐπειδὰν καταλάβωνται, περιχέονται τοῖς σώμασι, ψυχραὶ καὶ παλμώδεις. (Diod. Sic. III, 49. T. II, p. 308, 309. Bipont.)
[3] L’étymologie improvisée de Neptunus que je hasardais hier n’est peut-être pas mauvaise. Νίπτω, baigner laver, qui est de la même famille que νάω, couler, sourdre, d’où le mot ναρὸς ou νηρὸς (humide, liquide, coulant, ou qui nage) qui a formé Νηρεὺς et Νηρηιδες). Quand vous retranchez la terminaison unus; pure désinence comme dans Portunus, (dieu des ports), il reste Nept, bien voisin de νίπτω. Le Neptunus des Latins, aurait donc radicalement un sens tout a fait analogue au nom grec de Nérée. Au reste, je soumits cette conjecture au grand étymologiste.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance des sentimens de profonde estime et d’admiration que vous a voués, Votre très humble & très obeissant serviteur
Letronne
Ce 4 décembre 1831.
[4] [leer]
[1] Monsieur,
Veuillez recevoir le
Mémoire ci-joint qui fait partie du volume non publié de notre Collection Académique. Il a pour objet de bannir de l’histoire un de ces récits romanesques qu’on y conserve encore. M. de Heeren persiste à le considérer comme historique; mais il est resté à la superficie du sujet. Je désire qu’un aussi bon juge que vous trouve que le nœud a été délié par la critique, et non violemment coupé par le scepticisme.
En revenant chez moi hier soir, et pendant la route, j’ai pensé à la question que vous faisiez hier à
M. Valenciennes sur le Mirage. Il est en effet de deux espèces; l’un, comme celui de la Fata Morgana, fait a lieu en mer, et sur les côtes rapprochées les unes des autres; sur mer, il fait paraître des écueils, des rochers, des îles, à une distance plus ou moins grande; ou bien, au dessus de l’horison, des palais, des maisons, des vaisseaux, dans une situation renversée. On l’a observé souvent dans le détroit du Pas de Calais, en Suède, entre les îles Aland et les côtes d’Upsal, mais surtout, comme nous le disions hier, entre la Sicile et l’Italie. L’autre est celui qui se manifeste dans les déserts sablonneux et sans eau, en Afrique et en Arabie &c. C’est justement votre soif de gaselle. Monge est le premier qui l’ait expliqué, après une observation faite souvent en Egypte; mais il est impossible qu’on ne l’ait pas observé avant lui. Je n’ai sous les yeux ni Nieb Schaw, ni Niebuhr; mais je crois me souvenir qu’ils en parlent. Au reste, cette question est peu d’ importante; puis que les Anciens l’avaient observé; du moins ce passage de Quinte-Curce s’y rapporte bien probablement: Ipse, cum expedito agmine loca deserta Sogdianorum intrat, nocturno itinere [2] exercitum ducens. Aquarum,... penuria, prius desperatione; quam desiderio bibendi sitim accendit. Per cccc stadia, ne modicus quidem humor exstitit. Arenas vapor aestici solis accendit, quae ubi flagrare coeperunt, haud secus quam continenti incendio torrentur. Caligo deinde immodico terrae fervore excitata, lucem tegit: camporum non alia quam vasti et profundi aequoris species est. (VII, 5. init.). Je conviens qu’il serait à désirer que Quinte-Curce eût parlé de l’effet que produit sur les hommes attirés l’apparence de cette plaine liquide. Cette omission empêche qu’on ne puisse prendre pour un fait certain qu’il parle de mirage. Cela pourtant est bien probable.
Quant à l’autre espèce de mirage, à la
Fata Morgana Diodore la décrit assez clairement dans ce passage que je trouvais, parceque vous n’avez peut-être pas sous la main le texte de cet auteur. γίνεται δέ τι θαυμάσιον περί τε ταύτην​ τὴν χέρσον [τῆς Αἰγύπτου], καὶ τὴν ἐπέκεινα τῆς Σύρτεως Λιβύην. περὶ γάρ τινας καιρούς, καὶ μάλιστα κατὰ τὰς νηνεμίας, συστάσεις ὁρῶνται κατὰ. Γὸν ἀέρα παντοίων ζῴων ἰδέας ἐμφαίνουσαι. τούτων δ’αἱ μὲν ἠρεμοῦσιν, αἱ δὲ κίνησιν λαμβάνουσι, καὶ ποτὲ μὲν ὑποφεύγουσι, ποτὲ δὲ διώκουσι. πᾶσαι δὲ τὸ μέγεθος ἄπλετον ἔχουσαι, θαυμαστὴν κατάπληξιν καὶ ταραχὴν παρασκευάζουσι τοῖς ἀπείροις. αἱ γὰρ ἐπιδιώκουσαι τοὺς ἀνθρώπους, ἐπειδὰν καταλάβωνται, περιχέονται τοῖς σώμασι, ψυχραὶ καὶ παλμώδεις. (Diod. Sic. III, 49. T. II, p. 308, 309. Bipont.)
[3] L’étymologie improvisée de Neptunus que je hasardais hier n’est peut-être pas mauvaise. Νίπτω, baigner laver, qui est de la même famille que νάω, couler, sourdre, d’où le mot ναρὸς ou νηρὸς (humide, liquide, coulant, ou qui nage) qui a formé Νηρεὺς et Νηρηιδες). Quand vous retranchez la terminaison unus; pure désinence comme dans Portunus, (dieu des ports), il reste Nept, bien voisin de νίπτω. Le Neptunus des Latins, aurait donc radicalement un sens tout a fait analogue au nom grec de Nérée. Au reste, je soumits cette conjecture au grand étymologiste.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance des sentimens de profonde estime et d’admiration que vous a voués, Votre très humble & très obeissant serviteur
Letronne
Ce 4 décembre 1831.
[4] [leer]
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