• Antoine Jean Letronne to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Paris · Place of Destination: Bonn · Date: 10.11.1833
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Antoine Jean Letronne
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Paris
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 10.11.1833
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: 478137443
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,LIX,B,Nr.4
  • Number of Pages: 4 S.
  • Incipit: „[1] Bibliothèque Royale.
    Paris, le 10 novembre 1833.
    Monsieur,
    Lorsque votre aimable lettre m’est arrivée, M. de Golbéry se trouvait par hasard à [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Dänekas, Laura
  • Golyschkin, Ruth
[1] Bibliothèque Royale.
Paris, le 10 novembre 1833.
Monsieur,
Lorsque votre aimable lettre m’est arrivée,
M. de Golbéry se trouvait par hasard à Paris; j’ai pu lui remettre celle qui était renfermée dans la mienne. Vous êtes bien bon de vous souvenir de nos entretiens: c’est à moi seulement d’en garder la mémoire, puisque je ne me rappelle pas d’y avoir rien apporté que le désir de m’instruire de choses que j’ignore et que vous savez si bien. C’est vous qui en faisiez les frais; avec vous, mon rôle ne peut être que celui d’un disciple à l’égard d’un maître accompli. Toutes les choses obligeantes que vous me dites, venant d’un tel homme, me flattent infiniment; et pour n’en pas éprouver trop d’orgueil j’ai besoin de me dire que votre extrème bienveillance envers moi vous fait estimer mes faibles travaux bien au dessus de ce qu’ils vallent. Mais de cette bienveillance elle-même, je ne puis, je l’avoue, m’empêcher d’être fier.
Je vous remercie beaucoup de m’avoir fait remarquer une inexactitude dans ma Citation de
Strabon. Je me suis [2] empressé de la corriger dans l’errata du volume de l’Académie, où le Mémoire se retrouve. Vous avez ebranlé mon scepticisme sur l’ambassade des Auguste Indiens à Auguste. Je n’ai point dit qu’elle fut impossible: je ne la trouvais guères vraisemblable; vous pensez autrement; peut-être avez-vous raison. Vous ne croyez pas au peuple Dive; ni moi non plus; je ne crois qu’à une chose, c’est que les Géographes des 3. et 4e siècles admettaient l’existence d’un peuple de ce nom, dans la partie méridionale de l’Hindoustan; mais ce nom, comme je l’ai dit, provenait, ainsi que tant d’autres, de la Géographie des Grecs, de quelque dénomination locale qu’ils étendaient outre mesure. Je n’ai pas dit autre chose; et, dans ces limites, vous serez, je pense de mon avis. Votre précieux renseignemens, sur Dvîpa (Djambou Dvîpa) appliqué à l’Inde même, me semble expliquer très bien l’erreur des Anciens géographes.
Cette lettre précédera sans doute un envoi dont
M. Maze le libraire s’est chargé: c’est un exemplaire de mon ouvrage sur la statue de Memnon; ouvrage est le mot; car il ne s’agit de rien moins que de 300 p. in 4°. En vérité, j’en suis tout honteux; et je crains d’être qualifié Mathanasius [3] second. Je n’ai pas pu le faire plus court; et cependant j’y ai beaucoup pensé. C’est une des choses que j’ai le plus travaillées, ce qui m’a le plus amusé à faire. Je crains bien de m’être amusé tout seul. Mon ami Creuzer va se fâcher contre moi; car je ne suis guères symbolique, et je me moque un peu des rêves ingénieux de ce savant homme. Je vous recommande les voyages de Memnon d’Asie en Ethiopie. Si j’ai raison, comme je le crois; cela peut avoir plus d’une application utile. Votre avis et vos Conseils sur ce point me seraient bien précieux.
Par erreur, l’exemplaire qui portait votre nom est resté ici; le nom est en blanc sur celui qui vous sera remis; veuillez le remplir. Ci-joint, un carton pour les p. 103-106.
Vous recevrez aussi un exemplaire de
ma Dissertation sur un papyrus grec. Ce qu’elle renferme de plus curieux, est un essai sur l’évaluation des monnaies des Lagides.
Je ne puis faire que de petites choses, occupé, comme je le suis, de remettre l’ordre dans notre grande
Bibliothèque. Je compte y parvenir; & déja de grandes améliorations ont été faites. Mais [4] il y a tant à faire! J’ai accepté ce poste, parceque j’ai cru y être utile. Mais mon temps est perdu pour la science; et, au train des choses, je crains que bien des choses que j’ai dans la tête et qui auraient bien autrement d’importance scientifique que ce que j’ai fait jusqu’ici, restent dans mon Cerveau, & meurent avec moi. Au reste, peut-être que je m’abuse, & qu’on n’y perdrait pas beaucoup. Toute mon ambition serait de n’être rien, & de me consacrer entièrement à la science. Mais je ne suis pas assez riche pour cela; et je me dois à ma famille. Ce n’est pas avec le produit des Dissertations qu’on établis ses enfans.
Je me suis procuré, & j’ai lu avec un nouveau plaisir, car vous me l’aviez communiqué en MSS. votre lettre
sur l’étude des langues Orientales.
Cela n’a pas plu beaucoup à nos
Orientalistes Araméens. Mais peu importe. Je crois que vous avez raison de tout point.
Veuillez, Monsieur, agréer l’assurance de ma Considération la plus distinguée et de mon bien sincère attachement,
V.T.h.& très ob. Serviteur
Letronne
[1] répondu le 17 Nov. 33
[1] Bibliothèque Royale.
Paris, le 10 novembre 1833.
Monsieur,
Lorsque votre aimable lettre m’est arrivée,
M. de Golbéry se trouvait par hasard à Paris; j’ai pu lui remettre celle qui était renfermée dans la mienne. Vous êtes bien bon de vous souvenir de nos entretiens: c’est à moi seulement d’en garder la mémoire, puisque je ne me rappelle pas d’y avoir rien apporté que le désir de m’instruire de choses que j’ignore et que vous savez si bien. C’est vous qui en faisiez les frais; avec vous, mon rôle ne peut être que celui d’un disciple à l’égard d’un maître accompli. Toutes les choses obligeantes que vous me dites, venant d’un tel homme, me flattent infiniment; et pour n’en pas éprouver trop d’orgueil j’ai besoin de me dire que votre extrème bienveillance envers moi vous fait estimer mes faibles travaux bien au dessus de ce qu’ils vallent. Mais de cette bienveillance elle-même, je ne puis, je l’avoue, m’empêcher d’être fier.
Je vous remercie beaucoup de m’avoir fait remarquer une inexactitude dans ma Citation de
Strabon. Je me suis [2] empressé de la corriger dans l’errata du volume de l’Académie, où le Mémoire se retrouve. Vous avez ebranlé mon scepticisme sur l’ambassade des Auguste Indiens à Auguste. Je n’ai point dit qu’elle fut impossible: je ne la trouvais guères vraisemblable; vous pensez autrement; peut-être avez-vous raison. Vous ne croyez pas au peuple Dive; ni moi non plus; je ne crois qu’à une chose, c’est que les Géographes des 3. et 4e siècles admettaient l’existence d’un peuple de ce nom, dans la partie méridionale de l’Hindoustan; mais ce nom, comme je l’ai dit, provenait, ainsi que tant d’autres, de la Géographie des Grecs, de quelque dénomination locale qu’ils étendaient outre mesure. Je n’ai pas dit autre chose; et, dans ces limites, vous serez, je pense de mon avis. Votre précieux renseignemens, sur Dvîpa (Djambou Dvîpa) appliqué à l’Inde même, me semble expliquer très bien l’erreur des Anciens géographes.
Cette lettre précédera sans doute un envoi dont
M. Maze le libraire s’est chargé: c’est un exemplaire de mon ouvrage sur la statue de Memnon; ouvrage est le mot; car il ne s’agit de rien moins que de 300 p. in 4°. En vérité, j’en suis tout honteux; et je crains d’être qualifié Mathanasius [3] second. Je n’ai pas pu le faire plus court; et cependant j’y ai beaucoup pensé. C’est une des choses que j’ai le plus travaillées, ce qui m’a le plus amusé à faire. Je crains bien de m’être amusé tout seul. Mon ami Creuzer va se fâcher contre moi; car je ne suis guères symbolique, et je me moque un peu des rêves ingénieux de ce savant homme. Je vous recommande les voyages de Memnon d’Asie en Ethiopie. Si j’ai raison, comme je le crois; cela peut avoir plus d’une application utile. Votre avis et vos Conseils sur ce point me seraient bien précieux.
Par erreur, l’exemplaire qui portait votre nom est resté ici; le nom est en blanc sur celui qui vous sera remis; veuillez le remplir. Ci-joint, un carton pour les p. 103-106.
Vous recevrez aussi un exemplaire de
ma Dissertation sur un papyrus grec. Ce qu’elle renferme de plus curieux, est un essai sur l’évaluation des monnaies des Lagides.
Je ne puis faire que de petites choses, occupé, comme je le suis, de remettre l’ordre dans notre grande
Bibliothèque. Je compte y parvenir; & déja de grandes améliorations ont été faites. Mais [4] il y a tant à faire! J’ai accepté ce poste, parceque j’ai cru y être utile. Mais mon temps est perdu pour la science; et, au train des choses, je crains que bien des choses que j’ai dans la tête et qui auraient bien autrement d’importance scientifique que ce que j’ai fait jusqu’ici, restent dans mon Cerveau, & meurent avec moi. Au reste, peut-être que je m’abuse, & qu’on n’y perdrait pas beaucoup. Toute mon ambition serait de n’être rien, & de me consacrer entièrement à la science. Mais je ne suis pas assez riche pour cela; et je me dois à ma famille. Ce n’est pas avec le produit des Dissertations qu’on établis ses enfans.
Je me suis procuré, & j’ai lu avec un nouveau plaisir, car vous me l’aviez communiqué en MSS. votre lettre
sur l’étude des langues Orientales.
Cela n’a pas plu beaucoup à nos
Orientalistes Araméens. Mais peu importe. Je crois que vous avez raison de tout point.
Veuillez, Monsieur, agréer l’assurance de ma Considération la plus distinguée et de mon bien sincère attachement,
V.T.h.& très ob. Serviteur
Letronne
[1] répondu le 17 Nov. 33
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