• August Wilhelm von Schlegel to John G. Lockhart

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: London · Date: 17.01.1826
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: John G. Lockhart
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: London
  • Date: 17.01.1826
  • Notations: Konzept. Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: 343347008
  • Bibliography: Briefe von und an August Wilhelm Schlegel. Gesammelt und erläutert durch Josef Körner. Bd. 1. Zürich u.a. 1930, S. 633‒635.
  • Incipit: „[1] Bonn 17 Janvier [18]26
    Monsieur
    La lettre que Vous mʼavez fait lʼhonneur de mʼadresser le 31 Dec. ne mʼest parvenue quʼhier, en [...]“
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,L,Bd.2,Nr.8
  • Number of Pages: 6 S. auf Doppelbl.
    Language
  • French
[1] Bonn 17 Janvier [18]26
Monsieur
La lettre que Vous mʼavez fait lʼhonneur de mʼadresser le 31 Dec. ne mʼest parvenue quʼhier, en même temps avec une autre, relative au même sujet, de mon digne et respectable ami S.[ir] Alexandre Johnston, en date du 1 Janvier. Il paroît donc quʼune circonstance accidentelle a causé le retard de ces deux lettres puisque dʼordinaire celles de Londres nous arrivent ici en sept jours.
Jʼai reçu également une lettre
de Mr Murray du 25 Novembre. Une indisposition, et un accident qui mʼa privé pendant quelques semaines de lʼusage de ma main droite, mʼont empêché de lui répondre plutôt. Je nʼy manquerai pas par le courrier dʼaujourdʼhui.
Je suis extrêmement flatté, Monsieur, de Votre invitation, cependant je ne puis lʼaccepter que dʼune manière très-limitée. Vous nʼignorez peut-être pas quʼoutre les fonctions de mon emploi je suis engagé dans une vaste entreprise de littérature Sanscrite,
lʼédition du Ramayana, dont le prospectus se trouve chez MM. Treuttel fils et Richter à Londres. Dʼailleurs mes recherches favorites mʼentraînent continuellement dans de nouvelles études, et je suis plus [2] empressé de mʼinstruire que dʼenseigner. Mes forces et mon temps me permettront donc tout au plus de contribuer à votre journal deux ou trois morceaux par an.
Voici les conditions que je propose.

1. La redaction ne pourra rien changer à mes articles nʼy en retrancher des passages; elle pourra en refuser lʼinsertion en total, sʼils sont contraires à ses vues, mais dans ce cas là le libraire auroit à me dédommager comme si lʼinsertion avoit eu lieu.
2. Quʼil me soit permis dʼapposer au bas de mes articles le chiffre de mon nom: AWS ou telle autre marque. Mon motif est que je nʼaime ni lʼanonyme, ni la responsabilité solidaire que le public impose volontiers aux collaborateurs dʼun ouvrage périodique.
3. Que jʼaye le droit de réimprimer après un intervalle de temps fixé mes articles en Allemagne, en langue françoise ou allemande, et de les insérer dans une collection
de mes œuvres.

Si vous pouvez accéder à ces conditions, Monsieur, je pense que nous nous entendrons facilement sur le reste. Je sais que
Votre journal nʼest pas destiné aux érudits, mais aux lecteurs dʼun esprit cultivé possédant une instruction générale, et quʼil faut traiter les matières en conséquence.
Je ne me fie pas à la correction de mon style anglois quoique je parle cette langue avec facilité. Jʼécrirai de préférence en françois
[3] me croyant plus sûr de cette manière dʼêtre traduit exactement. Lʼallemand est par sa construction une langue très-difficile pour vos compatriotes et jʼai quelque fois fait lʼexpérience que des traducteurs fort habiles ont manqué le sens de mes phrases.
Mr Murray mʼa déjà proposé un sujet que jʼentreprends volontiers parce quʼil se trouve par hasard que jʼai fait là-dessus de recherches particulières: le supplément des Mille et une nuits donné par le célèbre Mr de Hammer. Jʼy joindrai la nouvelle édition du même livre faite par trois savans à Breslau dʼaprès un M[anu]sc[rip]t tunisien. Je passerai en revue ce qui a été fait par MM. Caussin de Perceval, Jon. Scott et Gaultier, je traiterai ensuite des Contes Orientaux en général, de leur antiquité, de leur patrie et des voyes par lesquelles ils se sont repandus dʼun bout du monde à lʼautre. Je pense que cela pourra former un morceau intéressant. Si vous agréez cette proposition je tâcherai de fournir cet article en deux mois dʼici.
Permettez-moi, Monsieur, en entrant avec Vous dans une relation littéraire de Vous parler avec une entière franchise. Je trouve tout simple que dans un pays tel que le Vôtre les journaux littéraires ayent une couleur prononcée en fait de politique. Je conviens aussi que les opinions sur les sujets littéraires, histo
[4]riques, philosophiques se rattachent indirectement à la manière dont on envisage les intérêts de la société humaine. Je pense néanmoins que lʼesprit de parti ne devroit point altérer les jugemens purement littéraires et scientifiques, et je crois avoir observé que le contraire a souvent lieu en Angleterre. Tel journal se met en devoir de blâmer un auteur précisément parce quʼil a été loué dans tel autre. Mon illustre ami, Mr Alex. de Humboldt, après avoir été porté aux nues dans le Edinburgh Review a été horriblement maltraité dans le Quarterly Review. Par quel motif? Peut-on, de bonne foi, contester son grand mérite, lʼuniversalité de ses connoissances, la supériorité de ses vues? – Je nʼai pas à me plaindre personnellement, puisque jʼai eu le rare bonheur dʼêtre également accueilli par les deux journaux que je viens de citer. En France le contraire mʼarrive: les journaux des ultra et des libéraux font cause commune contre moi, pour avoir attaqué la vieille orthodoxie de la littérature françoise. Je mʼen console; cʼest une preuve que mes écrits ont produit quelque effet.
Je Vous invite, Monsieur, à lire
une esquisse de la littérature allemande et de ses rapports Européens, que jʼai mise comme préface à la tête dʼun repertoire de livres Allemands, imprimé à Londres par feu Mr Bohte libraire Allemand. Jʼy ai touché à certains points [5] délicats, il est vrai, sous des formes infiniment menagées, mais en pesant les expressions, Vous verrez que les conséquences de mes thèses mènent fort loin. En supposant que ce morceau Vous eût été offert pour le Qu.[arterly] Rev.[iew], lʼauriez Vous inséré sans hésiter, sans craindre de choquer soit des préjugés nationaux, soit les opinions dʼun parti ou dʼune secte? Votre réponse à cette question me donnera la mesure de la latitude que Vous Vous proposez dʼaccorder à la discussion dans lʼouvrage périodique que Vous dirigez.
Veuillez

[6]
[1] Bonn 17 Janvier [18]26
Monsieur
La lettre que Vous mʼavez fait lʼhonneur de mʼadresser le 31 Dec. ne mʼest parvenue quʼhier, en même temps avec une autre, relative au même sujet, de mon digne et respectable ami S.[ir] Alexandre Johnston, en date du 1 Janvier. Il paroît donc quʼune circonstance accidentelle a causé le retard de ces deux lettres puisque dʼordinaire celles de Londres nous arrivent ici en sept jours.
Jʼai reçu également une lettre
de Mr Murray du 25 Novembre. Une indisposition, et un accident qui mʼa privé pendant quelques semaines de lʼusage de ma main droite, mʼont empêché de lui répondre plutôt. Je nʼy manquerai pas par le courrier dʼaujourdʼhui.
Je suis extrêmement flatté, Monsieur, de Votre invitation, cependant je ne puis lʼaccepter que dʼune manière très-limitée. Vous nʼignorez peut-être pas quʼoutre les fonctions de mon emploi je suis engagé dans une vaste entreprise de littérature Sanscrite,
lʼédition du Ramayana, dont le prospectus se trouve chez MM. Treuttel fils et Richter à Londres. Dʼailleurs mes recherches favorites mʼentraînent continuellement dans de nouvelles études, et je suis plus [2] empressé de mʼinstruire que dʼenseigner. Mes forces et mon temps me permettront donc tout au plus de contribuer à votre journal deux ou trois morceaux par an.
Voici les conditions que je propose.

1. La redaction ne pourra rien changer à mes articles nʼy en retrancher des passages; elle pourra en refuser lʼinsertion en total, sʼils sont contraires à ses vues, mais dans ce cas là le libraire auroit à me dédommager comme si lʼinsertion avoit eu lieu.
2. Quʼil me soit permis dʼapposer au bas de mes articles le chiffre de mon nom: AWS ou telle autre marque. Mon motif est que je nʼaime ni lʼanonyme, ni la responsabilité solidaire que le public impose volontiers aux collaborateurs dʼun ouvrage périodique.
3. Que jʼaye le droit de réimprimer après un intervalle de temps fixé mes articles en Allemagne, en langue françoise ou allemande, et de les insérer dans une collection
de mes œuvres.

Si vous pouvez accéder à ces conditions, Monsieur, je pense que nous nous entendrons facilement sur le reste. Je sais que
Votre journal nʼest pas destiné aux érudits, mais aux lecteurs dʼun esprit cultivé possédant une instruction générale, et quʼil faut traiter les matières en conséquence.
Je ne me fie pas à la correction de mon style anglois quoique je parle cette langue avec facilité. Jʼécrirai de préférence en françois
[3] me croyant plus sûr de cette manière dʼêtre traduit exactement. Lʼallemand est par sa construction une langue très-difficile pour vos compatriotes et jʼai quelque fois fait lʼexpérience que des traducteurs fort habiles ont manqué le sens de mes phrases.
Mr Murray mʼa déjà proposé un sujet que jʼentreprends volontiers parce quʼil se trouve par hasard que jʼai fait là-dessus de recherches particulières: le supplément des Mille et une nuits donné par le célèbre Mr de Hammer. Jʼy joindrai la nouvelle édition du même livre faite par trois savans à Breslau dʼaprès un M[anu]sc[rip]t tunisien. Je passerai en revue ce qui a été fait par MM. Caussin de Perceval, Jon. Scott et Gaultier, je traiterai ensuite des Contes Orientaux en général, de leur antiquité, de leur patrie et des voyes par lesquelles ils se sont repandus dʼun bout du monde à lʼautre. Je pense que cela pourra former un morceau intéressant. Si vous agréez cette proposition je tâcherai de fournir cet article en deux mois dʼici.
Permettez-moi, Monsieur, en entrant avec Vous dans une relation littéraire de Vous parler avec une entière franchise. Je trouve tout simple que dans un pays tel que le Vôtre les journaux littéraires ayent une couleur prononcée en fait de politique. Je conviens aussi que les opinions sur les sujets littéraires, histo
[4]riques, philosophiques se rattachent indirectement à la manière dont on envisage les intérêts de la société humaine. Je pense néanmoins que lʼesprit de parti ne devroit point altérer les jugemens purement littéraires et scientifiques, et je crois avoir observé que le contraire a souvent lieu en Angleterre. Tel journal se met en devoir de blâmer un auteur précisément parce quʼil a été loué dans tel autre. Mon illustre ami, Mr Alex. de Humboldt, après avoir été porté aux nues dans le Edinburgh Review a été horriblement maltraité dans le Quarterly Review. Par quel motif? Peut-on, de bonne foi, contester son grand mérite, lʼuniversalité de ses connoissances, la supériorité de ses vues? – Je nʼai pas à me plaindre personnellement, puisque jʼai eu le rare bonheur dʼêtre également accueilli par les deux journaux que je viens de citer. En France le contraire mʼarrive: les journaux des ultra et des libéraux font cause commune contre moi, pour avoir attaqué la vieille orthodoxie de la littérature françoise. Je mʼen console; cʼest une preuve que mes écrits ont produit quelque effet.
Je Vous invite, Monsieur, à lire
une esquisse de la littérature allemande et de ses rapports Européens, que jʼai mise comme préface à la tête dʼun repertoire de livres Allemands, imprimé à Londres par feu Mr Bohte libraire Allemand. Jʼy ai touché à certains points [5] délicats, il est vrai, sous des formes infiniment menagées, mais en pesant les expressions, Vous verrez que les conséquences de mes thèses mènent fort loin. En supposant que ce morceau Vous eût été offert pour le Qu.[arterly] Rev.[iew], lʼauriez Vous inséré sans hésiter, sans craindre de choquer soit des préjugés nationaux, soit les opinions dʼun parti ou dʼune secte? Votre réponse à cette question me donnera la mesure de la latitude que Vous Vous proposez dʼaccorder à la discussion dans lʼouvrage périodique que Vous dirigez.
Veuillez

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· Original , 17.01.1826
· Edinburgh, National Library of Scotland
· MS.935, folios 126r-127v
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