• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Kiel · Place of Destination: London · Date: 18.01.1814
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Kiel
  • Place of Destination: London
  • Date: 18.01.1814
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 487‒488.
  • Incipit: „Kiel ce 18 janvier 1814.
    Je n’ai pas eu le temps de mettre au net plus tôt le brouillon de la pièce [...]“
    Language
  • French
Kiel ce 18 janvier 1814.
Je n’ai pas eu le temps de mettre au net plus tôt le brouillon de la pièce ci-jointe que j’avais apporté d’Hanovre. Elle est de M. B[enjamin] C[onstant]; mais il faut strictement garder l’incognito pour lui. Faites-la imprimer, je vous en prie, sur une feuille volante, dans l’Ambigu, enfin répandez-la de toutes les façons. C’est une de ces fusées qu’il faut lancer jusqu’au sein de la France, si l’on peut, et une fusée très brillante. Elle a un peu vieilli, mais on pourrait l’antidater dans l’impression pour l’année et le mois. Il faudrait aussi mettre à la tête l’adresse de la députation du Sénat et la réponse, et peut-être rendre plus exactes les citations, car M. C[onstant] a cité de mémoire. Je n’ai pas pu le faire, n’ayant pas pu me procurer la feuille où ces pièces sont contenues. Mais ne confondez pas, il y a eu tant de discours depuis – celui-ci eut lieu en novembre, peu de temps après le retour de Buonaparte à Paris; je pense que c’est le tout premier. La phrase citée vous indiquera ce discours, de façon à ne pas pouvoir vous y méprendre.
Ce n’est qu’hier au soir que j’ai appris que le Cte de Bouillé partait ce matin de bonne heure. Je comptais vous écrire plus longuement par cette occasion. Cependant je viens de donner des lettres pour vous et pour Auguste à notre marquis. Il y a plus de trois semaines que je n’ai rien de votre part. Chère amie, usez de la plus grande prudence – cela est doublement nécessaire, précisément parce que vous êtes dans un pays où l’on peut tout dire. L’essentiel n’est pas de faire connaître son opinion, mais d’avancer vers son but. Comme on rapporte, et sans doute défigure souvent tout ce que vous dites et faites, on m’a assuré que vous aviez parlé hautement contre l’élévation du Pr[ince] d’Orange au rang de Prince souverain de la Hollande. Que vous aviez même occasionné la réclamation d’un membre du Parlement à cet égard que vous parlez aussi beaucoup contre le rétablissement des B[ourbo]ns. Pourquoi se faire des ennemis gratuitement? On ne peut pas savoir comment les événements tournent. Quant aux Hollandais, ils ont fait spontanément et d’un commun accord une chose très raisonnable; ils ont voulu couper court une fois pour toutes au retour de l’esprit de faction, dont ils ont éprouvé les suites funestes. J’y ai été avant 1795 – je les ai vus se miner, paralyser leur défense, se réjouir de leurs propres revers – les anti­oraniens s’entend – enfin ouvrir aux envahisseurs toutes les portes. Le gouvernement fédéral était trop faible pour des temps aussi pé­rilleux – ils l’ont changé en monarchie limitée: qu’y a-t-il à redire à cela?
Pour ce qui concerne le grand objet de nos voeux, je pense qu’on peut se figurer un terme intermédiaire. Un homme riche et ignorant peut posséder une grande bibliothèque, mais il a besoin d’un savant pour la mettre en ordre. La bibliothèque, comme de raison, passera aux héritiers du propriétaire, mais le savant bibliothécaire en aura l’usufruit sa vie durant – il ne se souciera pas beaucoup de la propriété, si son fils unique a déjà pris un autre état que celui de savant. Vous m’entendez. Aussi longtemps que le vent est favorable, me dit dernièrement ce savant spirituel, nous voguerons hardiment; s’il change nous carguerons les voiles.
Nous allons quitter les bords de la Baltique et nous rapprocher de vous. Voilà une paix de faite et qui ne laisse pas que d’être fort jolie. Jamais on n’a acheté aussi bon marché. Aussi les Suédois sont-ils aux nues. Pourvu que la grande paix ne soit pas prématurée! Quand on lit les discours sénatoriaux et impériaux des 27 et 30 déc[embre] cela fait trembler. Cependant tout cela est de l’hypocrisie vis-à-vis de la nation; si l’on tient bon et qu’on exige tout ce qu’on doit exiger il ne voudra jamais y consentir. Point d’armistice surtout! Il faut toujours marcher en avant. Il me tarde que nous soyons de la partie.
Je suis bien impatient de voir mes Dépêches interceptées imprimées.
Le Pr[ince] a envoyé C[am]ps à Stockholm avec un royaume dans sa poche, c’est-à-dire avec le traité de paix. C’est une bien insigne faveur pour un étranger – cela doit lui valoir de l’avancement – j’en vois débusquer quelque baron de Campenskiold.
Adieu, chère amie, si le départ de M. de B[ouillé] est retardé, je vous écrirai encore, je ne veux pas le manquer.
Kiel ce 18 janvier 1814.
Je n’ai pas eu le temps de mettre au net plus tôt le brouillon de la pièce ci-jointe que j’avais apporté d’Hanovre. Elle est de M. B[enjamin] C[onstant]; mais il faut strictement garder l’incognito pour lui. Faites-la imprimer, je vous en prie, sur une feuille volante, dans l’Ambigu, enfin répandez-la de toutes les façons. C’est une de ces fusées qu’il faut lancer jusqu’au sein de la France, si l’on peut, et une fusée très brillante. Elle a un peu vieilli, mais on pourrait l’antidater dans l’impression pour l’année et le mois. Il faudrait aussi mettre à la tête l’adresse de la députation du Sénat et la réponse, et peut-être rendre plus exactes les citations, car M. C[onstant] a cité de mémoire. Je n’ai pas pu le faire, n’ayant pas pu me procurer la feuille où ces pièces sont contenues. Mais ne confondez pas, il y a eu tant de discours depuis – celui-ci eut lieu en novembre, peu de temps après le retour de Buonaparte à Paris; je pense que c’est le tout premier. La phrase citée vous indiquera ce discours, de façon à ne pas pouvoir vous y méprendre.
Ce n’est qu’hier au soir que j’ai appris que le Cte de Bouillé partait ce matin de bonne heure. Je comptais vous écrire plus longuement par cette occasion. Cependant je viens de donner des lettres pour vous et pour Auguste à notre marquis. Il y a plus de trois semaines que je n’ai rien de votre part. Chère amie, usez de la plus grande prudence – cela est doublement nécessaire, précisément parce que vous êtes dans un pays où l’on peut tout dire. L’essentiel n’est pas de faire connaître son opinion, mais d’avancer vers son but. Comme on rapporte, et sans doute défigure souvent tout ce que vous dites et faites, on m’a assuré que vous aviez parlé hautement contre l’élévation du Pr[ince] d’Orange au rang de Prince souverain de la Hollande. Que vous aviez même occasionné la réclamation d’un membre du Parlement à cet égard que vous parlez aussi beaucoup contre le rétablissement des B[ourbo]ns. Pourquoi se faire des ennemis gratuitement? On ne peut pas savoir comment les événements tournent. Quant aux Hollandais, ils ont fait spontanément et d’un commun accord une chose très raisonnable; ils ont voulu couper court une fois pour toutes au retour de l’esprit de faction, dont ils ont éprouvé les suites funestes. J’y ai été avant 1795 – je les ai vus se miner, paralyser leur défense, se réjouir de leurs propres revers – les anti­oraniens s’entend – enfin ouvrir aux envahisseurs toutes les portes. Le gouvernement fédéral était trop faible pour des temps aussi pé­rilleux – ils l’ont changé en monarchie limitée: qu’y a-t-il à redire à cela?
Pour ce qui concerne le grand objet de nos voeux, je pense qu’on peut se figurer un terme intermédiaire. Un homme riche et ignorant peut posséder une grande bibliothèque, mais il a besoin d’un savant pour la mettre en ordre. La bibliothèque, comme de raison, passera aux héritiers du propriétaire, mais le savant bibliothécaire en aura l’usufruit sa vie durant – il ne se souciera pas beaucoup de la propriété, si son fils unique a déjà pris un autre état que celui de savant. Vous m’entendez. Aussi longtemps que le vent est favorable, me dit dernièrement ce savant spirituel, nous voguerons hardiment; s’il change nous carguerons les voiles.
Nous allons quitter les bords de la Baltique et nous rapprocher de vous. Voilà une paix de faite et qui ne laisse pas que d’être fort jolie. Jamais on n’a acheté aussi bon marché. Aussi les Suédois sont-ils aux nues. Pourvu que la grande paix ne soit pas prématurée! Quand on lit les discours sénatoriaux et impériaux des 27 et 30 déc[embre] cela fait trembler. Cependant tout cela est de l’hypocrisie vis-à-vis de la nation; si l’on tient bon et qu’on exige tout ce qu’on doit exiger il ne voudra jamais y consentir. Point d’armistice surtout! Il faut toujours marcher en avant. Il me tarde que nous soyons de la partie.
Je suis bien impatient de voir mes Dépêches interceptées imprimées.
Le Pr[ince] a envoyé C[am]ps à Stockholm avec un royaume dans sa poche, c’est-à-dire avec le traité de paix. C’est une bien insigne faveur pour un étranger – cela doit lui valoir de l’avancement – j’en vois débusquer quelque baron de Campenskiold.
Adieu, chère amie, si le départ de M. de B[ouillé] est retardé, je vous écrirai encore, je ne veux pas le manquer.
· Übersetzung , 18.01.1814
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 404–406.
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