• August Wilhelm von Schlegel to Guillaume Favre

  • Place of Dispatch: Coppet · Place of Destination: Genf · Date: 20.03.1815
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Guillaume Favre
  • Place of Dispatch: Coppet
  • Place of Destination: Genf
  • Date: 20.03.1815
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Adert, Jules: Mélanges dʼhistoire littéraire par Guillaume Favre. Avec des lettres inédites dʼAuguste-Guillaume Schlegel et dʼAngelo Mai. Bd. 1. Genf 1856, S. LXXVII‒LXXVIII.
  • Incipit: „[1] Coppet, 20 mars 1815
    Je dois paraître inexusable à vos yeux, puisque vous nʼavez reçu aucun signe de vie de ma [...]“
    Manuscript
  • Provider: Genf, Bibliothèque de Genève
  • Classification Number: Ms. suppl. 968, f. 23r-24v
  • Number of Pages: 2 S., hs. m. U.
    Language
  • French
[1] Coppet, 20 mars 1815
Je dois paraître inexusable à vos yeux, puisque vous nʼavez reçu aucun signe de vie de ma part depuis mon séjour à Paris. Je vous ai pourtant écrit, et même deux fois Dʼabord de Clichy, en réponse à la lettre par laquelle vous me demandâtes une adresse pour Weimar. Je croyais avoir envoyé à la poste cette lettre qui en renfermait une pour mon ancien ami Gœthe; mais, soit par la négligence du domestique, soit par ma propre distraction, elle nʼest pas partie, et dernièrement, en fouillant dans mes papiers que je voulais mettre en ordre pour notre prochain départ, je lʼai retrouvée à ma grande surprise. Alors, je vous ai écrit de nouveau pour excuser ce retard. Je vous rendais compte dans cette lettre de mes paisibles études, lorsque tout à coup sont survenues les nouvelles qui ont depuis agité tous les esprits. Cela mʼa engagé à suspendre [2] lʼenvoi de ma lettre, qui ne pouvait guère vous intéresser dans un pareil moment. Je prévoyais dʼailleurs que je reviendrais incessamment dans ce pays-ci. Je suis venu à la légère; ces lettres arriveront avec mes papiers, mais, en effet, elles ne sont plus bonnes à rien quʼà me servir dʼexcuse et à vous prouver mon souvenir, malgré ce silence en apparence impardonnable.
Je mʼétais fait une vraie fête de vous revoir, de vous rendre compte en pleine tranquillité des résultats de mes recherches, et de reprendre nos anciens entretiens, souvent si instructifs, toujours si agréables pour moi. Mais voilà un horizon bien rembruni. Lʼorage gronde en approchant, et chacun se tient tapi dans son coin. Malheureusement, nous en avons trop vu pour ne pas croire à la possibilité de toutes les calamités et de tous les bouleversements. Personne ne peut savoir ce quʼil deviendra, ni quels devoirs il sera appelé à remplir. Je ne partageais pas la sécurité générale; cependant, je ne croyais pas le danger si prochain, et je mʼattendais à voir éclater [3] cette éruption volcanique dʼabord en Italie. Tout le monde a été dans un funeste aveuglement. Je nʼai pas besoin de vous dire combien je mʼintéresse au repos et à la conversation de votre patrie au milieu de tout cela.
Vous jugerez, par mes occupations à Paris, combien jʼétais éloigné de me mêler du monde réel et de la politique du moment. Je copiais des poésies provençales sur les manuscrits originaux avec une exactitude philologique, dans lʼidée dʼen publier peut-être dans la suite un recueil. Jʼavais en outre commencé lʼétude de la langue sanscritane, et jʼavais fait des progrès assez considérables pour deux mois de temps. Maintenant on est toute la journée à demander avec anxiété les nouvelles qui peuvent décider du sort de toutes les personnes auxquelles on sʼintéresse. On ne commande plus son attention pour aucune autre chose.
Jʼespère vous voir bientôt. Je vous prie de présenter mes respects à Mme Favre.
Veuillez agréer lʼassurance de mon attachement le plus sincère.
SCHLEGEL.
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[1] Coppet, 20 mars 1815
Je dois paraître inexusable à vos yeux, puisque vous nʼavez reçu aucun signe de vie de ma part depuis mon séjour à Paris. Je vous ai pourtant écrit, et même deux fois Dʼabord de Clichy, en réponse à la lettre par laquelle vous me demandâtes une adresse pour Weimar. Je croyais avoir envoyé à la poste cette lettre qui en renfermait une pour mon ancien ami Gœthe; mais, soit par la négligence du domestique, soit par ma propre distraction, elle nʼest pas partie, et dernièrement, en fouillant dans mes papiers que je voulais mettre en ordre pour notre prochain départ, je lʼai retrouvée à ma grande surprise. Alors, je vous ai écrit de nouveau pour excuser ce retard. Je vous rendais compte dans cette lettre de mes paisibles études, lorsque tout à coup sont survenues les nouvelles qui ont depuis agité tous les esprits. Cela mʼa engagé à suspendre [2] lʼenvoi de ma lettre, qui ne pouvait guère vous intéresser dans un pareil moment. Je prévoyais dʼailleurs que je reviendrais incessamment dans ce pays-ci. Je suis venu à la légère; ces lettres arriveront avec mes papiers, mais, en effet, elles ne sont plus bonnes à rien quʼà me servir dʼexcuse et à vous prouver mon souvenir, malgré ce silence en apparence impardonnable.
Je mʼétais fait une vraie fête de vous revoir, de vous rendre compte en pleine tranquillité des résultats de mes recherches, et de reprendre nos anciens entretiens, souvent si instructifs, toujours si agréables pour moi. Mais voilà un horizon bien rembruni. Lʼorage gronde en approchant, et chacun se tient tapi dans son coin. Malheureusement, nous en avons trop vu pour ne pas croire à la possibilité de toutes les calamités et de tous les bouleversements. Personne ne peut savoir ce quʼil deviendra, ni quels devoirs il sera appelé à remplir. Je ne partageais pas la sécurité générale; cependant, je ne croyais pas le danger si prochain, et je mʼattendais à voir éclater [3] cette éruption volcanique dʼabord en Italie. Tout le monde a été dans un funeste aveuglement. Je nʼai pas besoin de vous dire combien je mʼintéresse au repos et à la conversation de votre patrie au milieu de tout cela.
Vous jugerez, par mes occupations à Paris, combien jʼétais éloigné de me mêler du monde réel et de la politique du moment. Je copiais des poésies provençales sur les manuscrits originaux avec une exactitude philologique, dans lʼidée dʼen publier peut-être dans la suite un recueil. Jʼavais en outre commencé lʼétude de la langue sanscritane, et jʼavais fait des progrès assez considérables pour deux mois de temps. Maintenant on est toute la journée à demander avec anxiété les nouvelles qui peuvent décider du sort de toutes les personnes auxquelles on sʼintéresse. On ne commande plus son attention pour aucune autre chose.
Jʼespère vous voir bientôt. Je vous prie de présenter mes respects à Mme Favre.
Veuillez agréer lʼassurance de mon attachement le plus sincère.
SCHLEGEL.
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