• Albertine Ida Gustavine de Broglie to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Coppet · Place of Destination: Bonn · Date: 11. Juni [1819]
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Albertine Ida Gustavine de Broglie
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Coppet
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 11. Juni [1819]
  • Notations: Empfangsort und Datum (Jahr) erschlossen. − Datierung durch Schlegels Ehe.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-611-38973
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.4(1),Nr.20
  • Number of Pages: 5 S. auf Doppelbl., hs. m. Adresse
  • Format: 19,1 x 12,2 cm
  • Incipit: „[1] le 11e Juin
    Cher ami me voici à Coppet jʼai passé dʼune vie bien agitée à une assez profonde solitude [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Golyschkin, Ruth
  • Stieglitz, Clara
[1] le 11e Juin
Cher ami me voici à
Coppet jʼai passé dʼune vie bien agitée à une assez profonde solitude mais je me trouve pourtant assez bien, mes enfants animent beaucoup lʼexistence par leur gentillesse, et je mʼoccupe assez, il faut que je me justifie vis à vis de vous de mes immenses plans dʼétud.. Je ne suis pas blasée sur la litterature et la poesie, Dieu mʼen preserve!, mais je me tourmente si souvent par des incertitudes religieuses de tant [2] genre que jʼai enfin pris le parti dʼétudier les preuves et la nature de la religion Chretienne je crois même que cela est un devoir de suivre cette impulsion, puisque jʼen ai le tems. Ce nʼest pas lʼétude la plus attrayante, quoique cependant elle soit vaste et que toute étude faite avec attention aggrandisse lʼesprit, mais je ne serois pas en étât de me livrer à une autre si je ne donnois pas quelques heures à celle là. Voilà ma justification. Jʼai [3] entrepris lʼhistoire universelle de Muller comme premier plan, après avoir lu celle de Bossuet dites moi ce que vous pensez de celle de Bossuet cʼest un magnifique plaidoyer religieux ce sont des vues profondes perpendiculairement si je puis dire, mais non pas etendues il est borné par la foi il ne creuse quʼune seule idée mais il va jusquʼau fond. Jʼai aussi lu (quoique cela nʼest plus de rapport) Vauvenargues, jʼen ai été très enchantée lʼaimez vous? je ne sais pas. Je tache de lire du latin mais jʼéprouve des terribles difficultés et je crois [4] quelque fois que si je le savois de routine comme les autres langues jʼirois plus facilement. Pardonnez moi cette heresie grammaticalement Cher ami je vous parle de mes études comme si vous y etiez, il est vrai que je pense beaucoup plus à vous quand je mʼoccupe de pensées fortes et serieuses. Cʼest un guignon que je nʼaye rien fait pendant que vous etiez près de moi mais jʼétois distraite par la jeunesse ou absorbée par la douleur. Au reste il ne faut pas trop se vanter je suis dans une [5] bonne veine depuis quinze jours mais il ne faudroit quʼune inquietude et une idée vaporeuse pour me rendre incapable de tout. Parlez moi de vous à votre tour cher ami. Je suis bien fachée que votre affaire ne sʼarrange pas. Un bruit confus étoit arrivé jusquʼici mais je lʼai fait tomber en néant tout. Racontez moi lʼAllemagne aussi, on dit que la fermentation y est grande, je ne suis pas surprise du succès de votre cours. La statue est arrivée, elle est très belle mais elle doit être dans un coin sans cela on la voit pas. la tête est trop petite seulement, mais lʼexpression est et la pose sont fort belles
Adieu bien cher ami aimez moi et écrivez moi toujours.
Victor et Auguste ne sont pas ici encore
[6] Monsieur
Aug. W. de Schlegel
à
Bonn
Province Prussiene du
Rhin
[1] le 11e Juin
Cher ami me voici à
Coppet jʼai passé dʼune vie bien agitée à une assez profonde solitude mais je me trouve pourtant assez bien, mes enfants animent beaucoup lʼexistence par leur gentillesse, et je mʼoccupe assez, il faut que je me justifie vis à vis de vous de mes immenses plans dʼétud.. Je ne suis pas blasée sur la litterature et la poesie, Dieu mʼen preserve!, mais je me tourmente si souvent par des incertitudes religieuses de tant [2] genre que jʼai enfin pris le parti dʼétudier les preuves et la nature de la religion Chretienne je crois même que cela est un devoir de suivre cette impulsion, puisque jʼen ai le tems. Ce nʼest pas lʼétude la plus attrayante, quoique cependant elle soit vaste et que toute étude faite avec attention aggrandisse lʼesprit, mais je ne serois pas en étât de me livrer à une autre si je ne donnois pas quelques heures à celle là. Voilà ma justification. Jʼai [3] entrepris lʼhistoire universelle de Muller comme premier plan, après avoir lu celle de Bossuet dites moi ce que vous pensez de celle de Bossuet cʼest un magnifique plaidoyer religieux ce sont des vues profondes perpendiculairement si je puis dire, mais non pas etendues il est borné par la foi il ne creuse quʼune seule idée mais il va jusquʼau fond. Jʼai aussi lu (quoique cela nʼest plus de rapport) Vauvenargues, jʼen ai été très enchantée lʼaimez vous? je ne sais pas. Je tache de lire du latin mais jʼéprouve des terribles difficultés et je crois [4] quelque fois que si je le savois de routine comme les autres langues jʼirois plus facilement. Pardonnez moi cette heresie grammaticalement Cher ami je vous parle de mes études comme si vous y etiez, il est vrai que je pense beaucoup plus à vous quand je mʼoccupe de pensées fortes et serieuses. Cʼest un guignon que je nʼaye rien fait pendant que vous etiez près de moi mais jʼétois distraite par la jeunesse ou absorbée par la douleur. Au reste il ne faut pas trop se vanter je suis dans une [5] bonne veine depuis quinze jours mais il ne faudroit quʼune inquietude et une idée vaporeuse pour me rendre incapable de tout. Parlez moi de vous à votre tour cher ami. Je suis bien fachée que votre affaire ne sʼarrange pas. Un bruit confus étoit arrivé jusquʼici mais je lʼai fait tomber en néant tout. Racontez moi lʼAllemagne aussi, on dit que la fermentation y est grande, je ne suis pas surprise du succès de votre cours. La statue est arrivée, elle est très belle mais elle doit être dans un coin sans cela on la voit pas. la tête est trop petite seulement, mais lʼexpression est et la pose sont fort belles
Adieu bien cher ami aimez moi et écrivez moi toujours.
Victor et Auguste ne sont pas ici encore
[6] Monsieur
Aug. W. de Schlegel
à
Bonn
Province Prussiene du
Rhin
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