• Albert de Broglie to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Paris · Place of Destination: Bonn · Date: 7. Juli [1840]
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Albert de Broglie
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Paris
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 7. Juli [1840]
  • Notations: Datum (Jahr) sowie Empfangsort erschlossen. – Datierung durch archivalische Notiz auf der Handschrift. Der 7. Juli fiel 1840 außerdem auf einen Dienstag.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-611-38973
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.4(3),Nr.14
  • Number of Pages: 4 S. auf Doppelbl. u. 1 S., hs. m. U.
  • Format: 20,8 x 13,6 cm
  • Incipit: „[1] Paris Mardi 7 Juillet
    Vous m’accablez de vos bontés, Monsieur, et je ne puis vous dire combien indépendamment des plbontés [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Bonnaire, Julie
  • Müller, Olaf
  • Varwig, Olivia
  • Vielmetter, Iska-Maria
  • Zollna, Isabel
[1] Paris Mardi 7 Juillet
Vous m’accablez de vos bontés, Monsieur, et je ne puis vous dire combien indépendamment des
plbontés plaisir que tous vos envois me procurent, j’eprouve de reconnaissance pour tant d’attentions. J’avoue que mon imagination était au dépourvu à l’endroit de l’orateur Madécasse, même pour saisir l’allusion J’attends encore que vous veuilliez bien me l’expliquer. – . Je ne sais si vous ne blamez pas trop sévérement le pauvre Monsieur Cousin, ou du moins si vous ne devriez pas reverser une partie de votre blame sur ce xxxxxxx le reste de la nation qui avait fait des examens de droit une véritable comédie. C’ètait le regne de cette corruption des mots techniques dont vous parlez si bien; chacun y apportait sa contribution en d’expressions forgées, comme des médisants prètendent [2] qu’on peut faire, même depuis Leibnitz dans la langue tudesque. Je sais bien que c’est une triste ressource de céder au mal, et de le légaliser au lieu de l’arrêter, mais chacun agit dans la puissance de ses forces, et le moyen, comme vous dites, que ceux qui ne savent pas croient à la possibilité du savoir? c’est aussi trop exiger de la modestie d’un grand maitre de l’université. – Il y a long temps que j’ose timidement être de l’avis que vous m’encouragez à exprimer, c’est qu’en fait d’instruction, il faut toujours surfaire, se fiant pour rabattre à l’insuffisance humaine. On a fait une belle phrase qui me parait radicalement fausse, mais qui a auprés des esprits médiocres, tout le succés d’une bêtise d’abord, d’un lieu commun ensuite, et, en dernier lieu, d’un conseil fort agréable á la paresse: c’est que l’Instruction gagne en profondeur ce qu’elle perd en superficie, et qu’ainsi on sait mieux le français, quand on n’apprend pas le latin. En attendant nos savants qui se consacrent à [3] des études spéciales, parlent Français comme s’ils n’avaient jamais appris que le latin, et leur esprit se retrécit à tel point, que leurs sciences même y perdent Leibnitz, dont vous avez si heureusement rappelé le nom, est une grande réponse à cet argument de pédant où de paresseux. -
Je tache de mettre mes actions de pair avec mes paroles: aussi aije lu cette année, même avant votre excellente lettre, et me guidant d’aprés les inspirations de mon simple bon sens,
Pindare et Eschyle. Je ne sais si c’était mon bon sens, xxx ma nonchalance qui m’inspirait, mais j’avoue que j’avais déjà imaginé que la connaissance de l’auteur perdait a des recherches trop longues sur un passage en particulier, et que je me suis donné rarement la peine de comprendre le latin baroque des commentateurs. Il faut en savoir assez le grec pour jouir du style, et comprendre que les traductions sont des mensonges; mais la philologie proprement dite (j’ose à peine envoyer cela sur les rives du Rhin) me parait plus faite pour préparer [4] les plaisirs que pour les procurer. Un paragraphe d’un cours de littérature, comme il n’y en a qu’un, valent quelquefois mieux qu’un volume de Commentaires.
Vous avez, je crois, trop mauvaise idée de
mon père; je l’ai toujours vu au contraire m’exciter à m’entretenir dans dl habitude d’écrire en latin, et je dois confesser que je ne l’ai pas fait. Il me semble bien bon, en effet, qu’il y ait, dans la circulation du monde savant, une langue commune, à coté des langues particulières, qui sont bonnes aussi pour traduire les différentes nuances de pensées. L’étude d’une langue morte met en commun avec toutes les nations, tandis que celle d’une langue vivante fait entrer dans le génie d’une seule: il y a à profiter pour l’esprit il me semble, dans toutes les deux cas l’esprit profite de tout: et c’est cette grande utilité, que ne me paraissent pas comprendre ceux qui professent dans l’éducation une système d’utilité pratique et mesquine dont la premiére application serait de faire apprendre la cuisine aux enfants, vu que le premier besoin de l’homme est de manger.
Je ne sais si mon esprit aura profité des efforts nombreux
[5] que j’ai faits pour me tirer des casse-tete que dont j’avais envoyée si malencontreusement une explication erronnée. Maintenant que me voilà hors de peine, je m’etonne de ma bêtise, et je vous en demande pardon, en meme temps que je me recommande toujours à votre souvenir, et que je vous prie respectueusement, de ne pas oublier votre serviteur indigne, et de le gratifier encore de quelques envois, sérieux ou comiques, disposé qu’il est, à faire profit de tout, et s’en acquittant avec soin, mais sans peine.
Broglie
[6] [leer]
[1] Paris Mardi 7 Juillet
Vous m’accablez de vos bontés, Monsieur, et je ne puis vous dire combien indépendamment des
plbontés plaisir que tous vos envois me procurent, j’eprouve de reconnaissance pour tant d’attentions. J’avoue que mon imagination était au dépourvu à l’endroit de l’orateur Madécasse, même pour saisir l’allusion J’attends encore que vous veuilliez bien me l’expliquer. – . Je ne sais si vous ne blamez pas trop sévérement le pauvre Monsieur Cousin, ou du moins si vous ne devriez pas reverser une partie de votre blame sur ce xxxxxxx le reste de la nation qui avait fait des examens de droit une véritable comédie. C’ètait le regne de cette corruption des mots techniques dont vous parlez si bien; chacun y apportait sa contribution en d’expressions forgées, comme des médisants prètendent [2] qu’on peut faire, même depuis Leibnitz dans la langue tudesque. Je sais bien que c’est une triste ressource de céder au mal, et de le légaliser au lieu de l’arrêter, mais chacun agit dans la puissance de ses forces, et le moyen, comme vous dites, que ceux qui ne savent pas croient à la possibilité du savoir? c’est aussi trop exiger de la modestie d’un grand maitre de l’université. – Il y a long temps que j’ose timidement être de l’avis que vous m’encouragez à exprimer, c’est qu’en fait d’instruction, il faut toujours surfaire, se fiant pour rabattre à l’insuffisance humaine. On a fait une belle phrase qui me parait radicalement fausse, mais qui a auprés des esprits médiocres, tout le succés d’une bêtise d’abord, d’un lieu commun ensuite, et, en dernier lieu, d’un conseil fort agréable á la paresse: c’est que l’Instruction gagne en profondeur ce qu’elle perd en superficie, et qu’ainsi on sait mieux le français, quand on n’apprend pas le latin. En attendant nos savants qui se consacrent à [3] des études spéciales, parlent Français comme s’ils n’avaient jamais appris que le latin, et leur esprit se retrécit à tel point, que leurs sciences même y perdent Leibnitz, dont vous avez si heureusement rappelé le nom, est une grande réponse à cet argument de pédant où de paresseux. -
Je tache de mettre mes actions de pair avec mes paroles: aussi aije lu cette année, même avant votre excellente lettre, et me guidant d’aprés les inspirations de mon simple bon sens,
Pindare et Eschyle. Je ne sais si c’était mon bon sens, xxx ma nonchalance qui m’inspirait, mais j’avoue que j’avais déjà imaginé que la connaissance de l’auteur perdait a des recherches trop longues sur un passage en particulier, et que je me suis donné rarement la peine de comprendre le latin baroque des commentateurs. Il faut en savoir assez le grec pour jouir du style, et comprendre que les traductions sont des mensonges; mais la philologie proprement dite (j’ose à peine envoyer cela sur les rives du Rhin) me parait plus faite pour préparer [4] les plaisirs que pour les procurer. Un paragraphe d’un cours de littérature, comme il n’y en a qu’un, valent quelquefois mieux qu’un volume de Commentaires.
Vous avez, je crois, trop mauvaise idée de
mon père; je l’ai toujours vu au contraire m’exciter à m’entretenir dans dl habitude d’écrire en latin, et je dois confesser que je ne l’ai pas fait. Il me semble bien bon, en effet, qu’il y ait, dans la circulation du monde savant, une langue commune, à coté des langues particulières, qui sont bonnes aussi pour traduire les différentes nuances de pensées. L’étude d’une langue morte met en commun avec toutes les nations, tandis que celle d’une langue vivante fait entrer dans le génie d’une seule: il y a à profiter pour l’esprit il me semble, dans toutes les deux cas l’esprit profite de tout: et c’est cette grande utilité, que ne me paraissent pas comprendre ceux qui professent dans l’éducation une système d’utilité pratique et mesquine dont la premiére application serait de faire apprendre la cuisine aux enfants, vu que le premier besoin de l’homme est de manger.
Je ne sais si mon esprit aura profité des efforts nombreux
[5] que j’ai faits pour me tirer des casse-tete que dont j’avais envoyée si malencontreusement une explication erronnée. Maintenant que me voilà hors de peine, je m’etonne de ma bêtise, et je vous en demande pardon, en meme temps que je me recommande toujours à votre souvenir, et que je vous prie respectueusement, de ne pas oublier votre serviteur indigne, et de le gratifier encore de quelques envois, sérieux ou comiques, disposé qu’il est, à faire profit de tout, et s’en acquittant avec soin, mais sans peine.
Broglie
[6] [leer]
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