• Albert de Broglie to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Broglie (Eure) · Place of Destination: Bonn · Date: 12.08.1840
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Albert de Broglie
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Broglie (Eure)
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 12.08.1840
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-611-38973
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.4(3),Nr.15
  • Number of Pages: 4 S. auf Doppelbl., hs. m. U.
  • Format: 20,8 x 15,9 cm
  • Incipit: „[1] Broglie, Mercredi 12 Août. 1840.
    Je tardais toujours, Monsieur, espérant pouvoir vous annoncer que vous me verriez descendre un beau [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Golyschkin, Ruth
  • Steffes, Franziska
[1] Broglie, Mercredi 12 Août. 1840.
Je tardais toujours, Monsieur, espérant pouvoir vous annoncer que vous me verriez descendre un beau matin du bateau à vapeur sous vos fenetres. Mais l’homme propose et Dieu dispose: depuis dix ans,
mon père n’a pas pu parvenir à passer un été tranquille, et celuici ne se prépare pas mieux. Entre la Cour des Pairs qu’on convoque sans lui donner le temps de respirer, et ma sœur qui revient d’Italie, il n’y a pas moyen de s’absenter un instant. Mais vous qui n’avez pas de Chambre des Pairs, et qui médisez de ceux qui en ont, que ne venez vous visiter Paris, à la barbe de tous ceux qui vous y déplaisent. Peut être ai je eu tort de prononcer en pareille occasion le mot de barbe, mais je n’admets ni l’injure ni l’excuse. Vous me direz que j’en parle à mon aise, et que c’est un mal dont je ne souffre guères. Raison de plus pour me faire désirer de vous voir afin de vous prouver le contraire.
[2] Nous sommes ici depuis trois semaines, et voilà qu’il en faut partir. Il y a beaucoup de bois dans ce lieu, et je m’y suis beaucoup promené: mais je dois dire que j’avais rarement Catulle ou Properce dans ma poche, et qu’il m’est arrivé plus rarement encore de réciter des vers latins, et d’en moduler la Cadence sur celle du galop de mon cheval. Vous voyez que j’exécute fort mal vos ordres, mais je prie que cela ne me vous décourage pas de m’en donner, au risque d’être désobéi.
Je laboure toujours dans
Eschyle; depuis que j’ai quitté Paris, où j’avais une traduction allemande, avec des notes, j’ai été obligé de recourir ici contre les difficultés à une traduction française, et j’ai Cessé de comprendre; le français est si clair, que le grec devient inintelligible. Il faut dire à l’honneur de notre génération, que maintenant l’on ne traduit plus avec autant d’aisance, c’est a dire qu’on prend moins de liberte avec les auteurs: mais en revanche, ce ne sont plus des traductions [3] du tout, où si l’on traduit en une langue quelconque ce n’est du moins pas en français. Je ne sais s’il vous est jamais tombé sous la main une traduction de Tacite, qui se recommande du nom considéré de Monsieur Burnouf. Le malheureux a fait des efforts inouis, pour laisser Tacite en latin, où du moins en un français qui y ressemble tout à fait. Tacite y était déjà, et n’a sans doute rien compris à la peine que M. Burnouf se donnait pour l’y mettre – Les luttes de l’Académie des Inscriptions font presque autant de bruit que les luttes politiques, et comme vous avez du voir les scrutins s’y multiplient, de manière à montrer que chacun y porte les mêmes sentimens qui animent d’ordinaire la Chambre des Députés, les petits intérêts personnels, la Crainte de se compromettre, et autres mouvemens aussi généreux. Mon père, qui est médisant des Académies, pres qu’autant que vous même, dit que les Académies ne sont bonnes qu’à cela et que la raison pour y être, c’est que cela fait plaisir. J’oublie [4] que vous m’avez recommandé de ne pas lire les journaux, même pour y lire les bruits de guerre, et me permettre de penser, que s’ils vrai lisaient, nous aurions peut être un jour, bien que M. Mauguin l’ait dit, à vous écrire, comme à un Compatriote. En attendant ce moment, je vous prie de croire que mon affection n’en est ni moins vive, ni moins respectueuse.
A. Broglie
[1] Broglie, Mercredi 12 Août. 1840.
Je tardais toujours, Monsieur, espérant pouvoir vous annoncer que vous me verriez descendre un beau matin du bateau à vapeur sous vos fenetres. Mais l’homme propose et Dieu dispose: depuis dix ans,
mon père n’a pas pu parvenir à passer un été tranquille, et celuici ne se prépare pas mieux. Entre la Cour des Pairs qu’on convoque sans lui donner le temps de respirer, et ma sœur qui revient d’Italie, il n’y a pas moyen de s’absenter un instant. Mais vous qui n’avez pas de Chambre des Pairs, et qui médisez de ceux qui en ont, que ne venez vous visiter Paris, à la barbe de tous ceux qui vous y déplaisent. Peut être ai je eu tort de prononcer en pareille occasion le mot de barbe, mais je n’admets ni l’injure ni l’excuse. Vous me direz que j’en parle à mon aise, et que c’est un mal dont je ne souffre guères. Raison de plus pour me faire désirer de vous voir afin de vous prouver le contraire.
[2] Nous sommes ici depuis trois semaines, et voilà qu’il en faut partir. Il y a beaucoup de bois dans ce lieu, et je m’y suis beaucoup promené: mais je dois dire que j’avais rarement Catulle ou Properce dans ma poche, et qu’il m’est arrivé plus rarement encore de réciter des vers latins, et d’en moduler la Cadence sur celle du galop de mon cheval. Vous voyez que j’exécute fort mal vos ordres, mais je prie que cela ne me vous décourage pas de m’en donner, au risque d’être désobéi.
Je laboure toujours dans
Eschyle; depuis que j’ai quitté Paris, où j’avais une traduction allemande, avec des notes, j’ai été obligé de recourir ici contre les difficultés à une traduction française, et j’ai Cessé de comprendre; le français est si clair, que le grec devient inintelligible. Il faut dire à l’honneur de notre génération, que maintenant l’on ne traduit plus avec autant d’aisance, c’est a dire qu’on prend moins de liberte avec les auteurs: mais en revanche, ce ne sont plus des traductions [3] du tout, où si l’on traduit en une langue quelconque ce n’est du moins pas en français. Je ne sais s’il vous est jamais tombé sous la main une traduction de Tacite, qui se recommande du nom considéré de Monsieur Burnouf. Le malheureux a fait des efforts inouis, pour laisser Tacite en latin, où du moins en un français qui y ressemble tout à fait. Tacite y était déjà, et n’a sans doute rien compris à la peine que M. Burnouf se donnait pour l’y mettre – Les luttes de l’Académie des Inscriptions font presque autant de bruit que les luttes politiques, et comme vous avez du voir les scrutins s’y multiplient, de manière à montrer que chacun y porte les mêmes sentimens qui animent d’ordinaire la Chambre des Députés, les petits intérêts personnels, la Crainte de se compromettre, et autres mouvemens aussi généreux. Mon père, qui est médisant des Académies, pres qu’autant que vous même, dit que les Académies ne sont bonnes qu’à cela et que la raison pour y être, c’est que cela fait plaisir. J’oublie [4] que vous m’avez recommandé de ne pas lire les journaux, même pour y lire les bruits de guerre, et me permettre de penser, que s’ils vrai lisaient, nous aurions peut être un jour, bien que M. Mauguin l’ait dit, à vous écrire, comme à un Compatriote. En attendant ce moment, je vous prie de croire que mon affection n’en est ni moins vive, ni moins respectueuse.
A. Broglie
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