• August Wilhelm von Schlegel to Claude C. Fauriel

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: Paris · Date: 16.04.1823
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Claude C. Fauriel
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: Paris
  • Date: 16.04.1823
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Manuscript
  • Provider: Kraków, Biblioteka Jagiellońska
  • Incipit: „[1] Bonn 16 Avril 1823.
    J’ai été tout joyeux, très-cher ami, de recevoir, il y a quelques jours, une lettre de [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Förtig, Christina
  • Varwig, Olivia
[1] Bonn 16 Avril 1823.
J’ai été tout joyeux, très-cher ami, de recevoir, il y a quelques jours, une lettre de Votre part, et je profite du premier moment libre pour Vous répondre.
Vous faites très-bien de voyager, mais si Vous n’avez pas de but déterminé, si l’air du midi n’est-pas nécessaire à votre santé, pourquoi ne pensez-Vous pas à l’Allemagne? Ce pays-ci est délicieux, on y arrive de Paris par le chemin le plus commode; il y a partout des malle postes à l’Angloise, je Vous arrangerois xxx une chambre d’étude dans ma petite bibliothèque, nous causerions, nous ferions des courses ensemble, et après être resté ici un mois ou aussi longtemps que cela ne Vous ennuyeroit pas, vous remonteriez le Rhin, où il y a partout de belles choses à voir. Pensez-y, je Vous-en prie.
Je recevrai de mon mieux la dame angloise dont vous me parlez, et je lui donnerai une lettre pour Mr Creuzer, le plus célèbre professeur de Heidelberg. Mais je ne sais pas, s’il y a grand-chose pour l’éducation des jeunes demoiselles Je ne puis pas lui fournir des renseignemens là-dessus. Vous ne savez peut-être pas que Heidelberg est un nom mal sonnant à mes oreilles, parce-[2]que c’est le sejour d’une personne qui porte mon nom, et qui, en suivant les conseils d’une mere insensée et peut-être son propre indomptable caprice, a rompu une union qu’elle avoit passionément désirée, et dont elle s’étoit declarée fort heureuse. Vo Cela s’est passé il y a plus de quatre ans, vous concevez bien que je m’en suis parfaitement consolé, j’ai oublié qui y a telle chose par le monde, au point qu’il faut une occasion particulière pour me le rappeler. Au reste Madame de Schl., sentant bien qu’elle a, elle même, anéanti toute son existence, vit chez ses parens dans la plus profonde retraite.
J’ai reçu votre annonce intéressante, je Vous prie de noter mon nom parmi les souscripteurs – MM. Treuttel et Würtz pourront garder mon exemplaire jusqu’au prochain envoi de livres, et je le payerai chez eux. Je tâcherai de Vous trouver d’autres souscripteurs, mais nous ne sommes pas ici dans un point central de la librairie. J’expédie quelques exemplaires de l’annonce à Berlin
Vous devez avoir le 4e Numéro de ma Bibl. Indienne, je serois heureux, si les mêlanges que j’y ai donnés, avoient pu Vous entretenir pendant quelques momens.
Mon Bhag. Gîtâ est imprimé depuis longtemps, ce sont les accessoires latins qui arrêtent [3] encore la publication – le tout paroîtra je pense en deux mois d’ici.
Je compte toujours aller en Angleterre pour quelques mois vers la mi-Août. J’ai eu le bonheur de former par mes soins assidus un écolier du Sanscrit – qui, à peine un an revolu depuis qu’il a commencé, est déjà en état de m’assister dans mes travaux. Je compte le prendre avec moi, pour m’aider à collationer et à copier des manuscrits; je le laisserai à Londres, et de retour ici je mettrai vigoureusement la main à l’oeuvre.
Dites-moi donc, je Vous en conjure, qui fait graver à Paris des caractères Devanagari à part la Soc. Asiatique et peut-être pour la prévenir? M. Langlès n’est-ce pas? Ayez m’en un échantillon s’il est possible.
En revanche je puis Vous annoncer, que M. Bernstein, prof. des langues Orientales à Breslau vient de faire un essai de lithographie, qui à mon gré, a parfaitement réussi. Je n’aurois pas cru que cela fût possible. Ce sont les premieres pages de l’Hitôpadêsa qu’il a choisies.
En general je pense que c’est l’Allemagne et particulièrement la Prusse qui fera le plus pour mettre la littérature Sanscrite au jour. Trois connoisseurs de cette langue se trouvent placés dans des universités Prussiennes, MM. Bopp, Bernstein et moi. Le quatrième qui [4] puisse compter, est Kosegarten à Jena. Mais il est denué des secours matériels. Pour Othmar Frank, il a le timbre félé. Vous aurez vu par ma Bibl. Ind. que l’un de nos ministres d’état, Mr de Humboldt, frere du voyageur, s’est voué tout de bon à cette étude.
Voici pour M. Lion. Si les moules sont faits, il n’a qu’à les présenter à Mr le Baron de Staël pour en recevoir le payement. – Il pourra ensuite garder les moules en depôt, en donnant un reçu à Mr de Staël.
Je voudrois faire regraver par M. Vibert quelques caractères qui ne me satisfont pas pleinement, et graver quelques groupes pour rendre la collection plus complète, quoique mon imprimerie soit déjà beaucoup plus riche que celle de Wilkins. Auriez-Vous la bonté de demander à Mr Vibert, s’il entreprend de faire cela pendant mon absence? Je lui enverrois mes dessins avec des remarques, il m’enverroit l’empreinte des ébauches au fumé, et les acheveroit d’après mes observations; et lorsque le tout seroit fini, j’enverrois une police à Mr Lion pour cette petite fonte supplémentaîre.
J’ai encore une autre pétition à Vous faire. J’ai collationné soigneusement les Manuscrits du Bhagavad-Gîtâ, mais il se peut que quelque bagatelle m’a échappé, et il m’est venu des [5] doutes sur trois ou quatre passages. Auriez Vous l’insigne bonté de vérifier à la Bibliothèque royale si tous les quatre manuscrits donnent la même leçon que l’édition de Calcutta? Dans ce cas là Vous me le marqueriez tout simplement; dans le cas contraire vous mettriez les variantes dessous.
Je me reserve l’explication philosophique du Bhag. Gîtâ pour l’avenir, ma version latîne a seulement le but de rendre clairement le sens grammatical. Cependant je me trouve quelquefois fort embarassé par des termes de metaphysique. J’ai copié à Paris le commentaire de la seconde leçon, ce qui m’est d’un grand secours. Chézy a ensuite redemandé ce livre, aussi bien j’étois trop occupé pour le copier en entîer. Mais il me seroit extrêmement précieux d’avoir seulement les definitions de quelques mots abstraits dans la VIIIe et la XIII leçon. Ce sont les suivans. Dans la VIIIe: adhyâtmã, adhibût adhibhûtã, adhidaivã, adhiyajṅa; ils se trouvent tous dans les premiers vers. Dans le XIIIe: Kshêtra, Kshêtrajṅa, prakṛiti, et purusha. Je n’ose pas Vous le demander, cependant Vous me rendriez un service héroïque, en copiant seulement ces définitions en caractères latins.
[6] Ecrivez-moi, cher ami, je Vous supplie. Si vous aviez quelque morceau à me donner pour la Bibliothèque Indienne, Vous seriez le bienvenu, et je le traduirois de mon mieux.
Conservez-moi votre bon souvenir. Mille tendres amitiés
Schlegel
[1] Bonn 16 Avril 1823.
J’ai été tout joyeux, très-cher ami, de recevoir, il y a quelques jours, une lettre de Votre part, et je profite du premier moment libre pour Vous répondre.
Vous faites très-bien de voyager, mais si Vous n’avez pas de but déterminé, si l’air du midi n’est-pas nécessaire à votre santé, pourquoi ne pensez-Vous pas à l’Allemagne? Ce pays-ci est délicieux, on y arrive de Paris par le chemin le plus commode; il y a partout des malle postes à l’Angloise, je Vous arrangerois xxx une chambre d’étude dans ma petite bibliothèque, nous causerions, nous ferions des courses ensemble, et après être resté ici un mois ou aussi longtemps que cela ne Vous ennuyeroit pas, vous remonteriez le Rhin, où il y a partout de belles choses à voir. Pensez-y, je Vous-en prie.
Je recevrai de mon mieux la dame angloise dont vous me parlez, et je lui donnerai une lettre pour Mr Creuzer, le plus célèbre professeur de Heidelberg. Mais je ne sais pas, s’il y a grand-chose pour l’éducation des jeunes demoiselles Je ne puis pas lui fournir des renseignemens là-dessus. Vous ne savez peut-être pas que Heidelberg est un nom mal sonnant à mes oreilles, parce-[2]que c’est le sejour d’une personne qui porte mon nom, et qui, en suivant les conseils d’une mere insensée et peut-être son propre indomptable caprice, a rompu une union qu’elle avoit passionément désirée, et dont elle s’étoit declarée fort heureuse. Vo Cela s’est passé il y a plus de quatre ans, vous concevez bien que je m’en suis parfaitement consolé, j’ai oublié qui y a telle chose par le monde, au point qu’il faut une occasion particulière pour me le rappeler. Au reste Madame de Schl., sentant bien qu’elle a, elle même, anéanti toute son existence, vit chez ses parens dans la plus profonde retraite.
J’ai reçu votre annonce intéressante, je Vous prie de noter mon nom parmi les souscripteurs – MM. Treuttel et Würtz pourront garder mon exemplaire jusqu’au prochain envoi de livres, et je le payerai chez eux. Je tâcherai de Vous trouver d’autres souscripteurs, mais nous ne sommes pas ici dans un point central de la librairie. J’expédie quelques exemplaires de l’annonce à Berlin
Vous devez avoir le 4e Numéro de ma Bibl. Indienne, je serois heureux, si les mêlanges que j’y ai donnés, avoient pu Vous entretenir pendant quelques momens.
Mon Bhag. Gîtâ est imprimé depuis longtemps, ce sont les accessoires latins qui arrêtent [3] encore la publication – le tout paroîtra je pense en deux mois d’ici.
Je compte toujours aller en Angleterre pour quelques mois vers la mi-Août. J’ai eu le bonheur de former par mes soins assidus un écolier du Sanscrit – qui, à peine un an revolu depuis qu’il a commencé, est déjà en état de m’assister dans mes travaux. Je compte le prendre avec moi, pour m’aider à collationer et à copier des manuscrits; je le laisserai à Londres, et de retour ici je mettrai vigoureusement la main à l’oeuvre.
Dites-moi donc, je Vous en conjure, qui fait graver à Paris des caractères Devanagari à part la Soc. Asiatique et peut-être pour la prévenir? M. Langlès n’est-ce pas? Ayez m’en un échantillon s’il est possible.
En revanche je puis Vous annoncer, que M. Bernstein, prof. des langues Orientales à Breslau vient de faire un essai de lithographie, qui à mon gré, a parfaitement réussi. Je n’aurois pas cru que cela fût possible. Ce sont les premieres pages de l’Hitôpadêsa qu’il a choisies.
En general je pense que c’est l’Allemagne et particulièrement la Prusse qui fera le plus pour mettre la littérature Sanscrite au jour. Trois connoisseurs de cette langue se trouvent placés dans des universités Prussiennes, MM. Bopp, Bernstein et moi. Le quatrième qui [4] puisse compter, est Kosegarten à Jena. Mais il est denué des secours matériels. Pour Othmar Frank, il a le timbre félé. Vous aurez vu par ma Bibl. Ind. que l’un de nos ministres d’état, Mr de Humboldt, frere du voyageur, s’est voué tout de bon à cette étude.
Voici pour M. Lion. Si les moules sont faits, il n’a qu’à les présenter à Mr le Baron de Staël pour en recevoir le payement. – Il pourra ensuite garder les moules en depôt, en donnant un reçu à Mr de Staël.
Je voudrois faire regraver par M. Vibert quelques caractères qui ne me satisfont pas pleinement, et graver quelques groupes pour rendre la collection plus complète, quoique mon imprimerie soit déjà beaucoup plus riche que celle de Wilkins. Auriez-Vous la bonté de demander à Mr Vibert, s’il entreprend de faire cela pendant mon absence? Je lui enverrois mes dessins avec des remarques, il m’enverroit l’empreinte des ébauches au fumé, et les acheveroit d’après mes observations; et lorsque le tout seroit fini, j’enverrois une police à Mr Lion pour cette petite fonte supplémentaîre.
J’ai encore une autre pétition à Vous faire. J’ai collationné soigneusement les Manuscrits du Bhagavad-Gîtâ, mais il se peut que quelque bagatelle m’a échappé, et il m’est venu des [5] doutes sur trois ou quatre passages. Auriez Vous l’insigne bonté de vérifier à la Bibliothèque royale si tous les quatre manuscrits donnent la même leçon que l’édition de Calcutta? Dans ce cas là Vous me le marqueriez tout simplement; dans le cas contraire vous mettriez les variantes dessous.
Je me reserve l’explication philosophique du Bhag. Gîtâ pour l’avenir, ma version latîne a seulement le but de rendre clairement le sens grammatical. Cependant je me trouve quelquefois fort embarassé par des termes de metaphysique. J’ai copié à Paris le commentaire de la seconde leçon, ce qui m’est d’un grand secours. Chézy a ensuite redemandé ce livre, aussi bien j’étois trop occupé pour le copier en entîer. Mais il me seroit extrêmement précieux d’avoir seulement les definitions de quelques mots abstraits dans la VIIIe et la XIII leçon. Ce sont les suivans. Dans la VIIIe: adhyâtmã, adhibût adhibhûtã, adhidaivã, adhiyajṅa; ils se trouvent tous dans les premiers vers. Dans le XIIIe: Kshêtra, Kshêtrajṅa, prakṛiti, et purusha. Je n’ose pas Vous le demander, cependant Vous me rendriez un service héroïque, en copiant seulement ces définitions en caractères latins.
[6] Ecrivez-moi, cher ami, je Vous supplie. Si vous aviez quelque morceau à me donner pour la Bibliothèque Indienne, Vous seriez le bienvenu, et je le traduirois de mon mieux.
Conservez-moi votre bon souvenir. Mille tendres amitiés
Schlegel
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