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Je viens de recevoir <span class="doc-5077 ">votre touchante lettre du 18 juillet</span> et je mʼempresse dʼy répondre tout de suite. La date de la mienne vous indiquera le retard involontaire de ma réponse. Dès le 17 juillet jʼavais quitté Paris... pour accompagner les restes de mon immortelle amie vers le tombeau de son père. Vous me demandez des détails, my lady, hélas! il y aurait une longue histoire de désolation à faire, <span class="slant-italic ">a tale of woe</span>, quʼune lettre ne peut pas soutenir. Le coup qui nous a frappés nʼétait pas inattendu pour moi: depuis six mois, jʼai souvent déploré dʼavance la perte de mon illustre protectrice, et je ne fus quʼimparfaitement rassuré pendant quelques intervalles de peu de durée. Il semblait que plusieurs maladies graves se disputaient cette noble vie; à mesure quʼun symptôme alarmant disparaissait, un autre se présentait à sa place. Malgré lʼaffaiblissement précedent de sa santé, la vigueur de sa constitution a soutenu une lutte longue et pénible contre la mort. Les agitations douloureuses de sa vie passée, surtout pendant les dix années de son exil, lʼactivité prodigieuse de sa volonté et de son esprit avaient consumé la partie la plus déliée de son organisation, celle qui distribue le mouvement et la sensibilité. Mais avant que les organes essentiels à la vie fussent entièrement paralysés, lʼaction irrégulière des nerfs produisit les spasmes les plus violents. Après un état en apparence stationnaire de la maladie, près de cinq semaines avant sa mort, une crise affreuse, accompagnée de tous les symptômes les plus effrayants, annonça une catastrophe prochaine. Elle le sentit elle-même, elle mʼappela plusieurs fois dans la nuit auprès de son lit en me disant quʼelle nʼavait pas une demi-heure à vivre. Pendant les jours suivants, elle nous a fait ses adieux solennels et nous a dit ses dernières volontés. Elle a survécu encore quatre semaines à son agonie.<br>Lʼapproche de la mort produit sans doute des sensations terribles et inconnues aux vivants; mais cette limite une fois franchie, les adoucissements célestes commencent à se faire sentir. Son âme enchaînée encore dans un corps défaillant semblait déjà respirer lʼair...qui annonce au navigateur longtemps battu par la tempête lʼapproche du port de la tranquillité éternelle. Elle avait été délivrée du fléau des humains, de la terreur. Elle se complaisait à se livrer à lʼidée dʼun avenir dans cette vie, car elle avait beaucoup de regret à quitter ses amis. Elle fut souvent assez soulagée pour jouir des soins de lʼamitié et même de quelques distractions sociales. La veille de sa mort elle eut une violente oppression causée par la paralysie qui sʼemparait des organes de la respiration. Soulagée vers le soir de cette dernière angoisse, elle sʼest endormie pour ne plus se réveiller. Aucun soupir, aucun mouvement convulsif nʼa marqué le moment du passage. <span class="slant-italic ">There cracked a noble heart</span>.<br>Jʼessayerais en vain, mylady, de vous peindre le désespoir de ses enfants qui, chacun dans son genre, sont un modèle de piété filiale. Mme de Broglie dès son enfance avait un sentiment passionné pour sa mère dont lʼâme se voyait réfléchie dans celle de sa fille. Ayant tout perdu moi-même, jʼeus le cœur navré de voir cette pauvre orpheline éplorée, initiée de si bonne heure, hélas! aux sombres mystères de la destinée, à genoux auprès des restes glacés de sa mère, lui parler comme si elle entendait encore et implorer en vain un regard, une parole dʼamour. <span class="slant-italic ">The rest is silence</span>.<br>Il a fallu se séparer enfin même du cercueil, mais la douleur de Mme de Broglie et le culte quʼelle a voué aux mânes dureront autant que sa vie. 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Seulement M. de Rocca doit se séparer de nous, il a besoin de lʼair dʼItalie...Vous savez sans doute déjà, milady, que Mme de Staël, pendant la dernière époque de sa maladie et ensuite par son testament, a déclaré le mariage qui les unissait depuis longtemps...<br>Veuillez présenter à lord Burghersh mes respects.<br><span class="weight-bold ">A. W. De Schlegel</span>.' $isaprint = true $isnewtranslation = false $statemsg = 'betamsg15' $cittitle = '' $description = 'August Wilhelm von Schlegel an Priscilla A. 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Duke of Wellington, Arthur Wellesley, der Napoleon vernichtend bei Waterloo schlagen konnte. 1811 heiratete sie den Diplomaten Lord John Fane Burghersh (nachmalig Lord Westmorland), der als englischer Gesandter in Florenz von 1814 bis 1829 tätig war. Um Priscillia A. Fane of Westmorland entwickelte sich in Florenz ein Salon, in dem sich Adlige, Literaten und prominente Reisende trafen. 1830 kehrte das Paar nach London zurück. Hier betätigte Priscilla sich als Malerin und Bildhauerin. 1841 wurde Lord Westmorland nach Berlin beordert, wo das Ehepaar in Kontakt mit Felix Mendelsohn Bartholdy und Alexander von Humboldt stand. 1855 folgte die Rückkehr nach England.', '39_beziehung' => 'Priscilla A. Fane of Westmorland war eine Freundin von Mme de Staël. Schlegel traf sie und ihren Mann in Florenz und London.', '39_pdb' => 'GND', '39_dbid' => '1018775684 ', '39_quellen' => 'extern@K. D. 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Coppet, 24 août 1817.
My lady. Je viens de recevoir votre touchante lettre du 18 juillet et je mʼempresse dʼy répondre tout de suite. La date de la mienne vous indiquera le retard involontaire de ma réponse. Dès le 17 juillet jʼavais quitté Paris... pour accompagner les restes de mon immortelle amie vers le tombeau de son père. Vous me demandez des détails, my lady, hélas! il y aurait une longue histoire de désolation à faire, a tale of woe, quʼune lettre ne peut pas soutenir. Le coup qui nous a frappés nʼétait pas inattendu pour moi: depuis six mois, jʼai souvent déploré dʼavance la perte de mon illustre protectrice, et je ne fus quʼimparfaitement rassuré pendant quelques intervalles de peu de durée. Il semblait que plusieurs maladies graves se disputaient cette noble vie; à mesure quʼun symptôme alarmant disparaissait, un autre se présentait à sa place. Malgré lʼaffaiblissement précedent de sa santé, la vigueur de sa constitution a soutenu une lutte longue et pénible contre la mort. Les agitations douloureuses de sa vie passée, surtout pendant les dix années de son exil, lʼactivité prodigieuse de sa volonté et de son esprit avaient consumé la partie la plus déliée de son organisation, celle qui distribue le mouvement et la sensibilité. Mais avant que les organes essentiels à la vie fussent entièrement paralysés, lʼaction irrégulière des nerfs produisit les spasmes les plus violents. Après un état en apparence stationnaire de la maladie, près de cinq semaines avant sa mort, une crise affreuse, accompagnée de tous les symptômes les plus effrayants, annonça une catastrophe prochaine. Elle le sentit elle-même, elle mʼappela plusieurs fois dans la nuit auprès de son lit en me disant quʼelle nʼavait pas une demi-heure à vivre. Pendant les jours suivants, elle nous a fait ses adieux solennels et nous a dit ses dernières volontés. Elle a survécu encore quatre semaines à son agonie.
Lʼapproche de la mort produit sans doute des sensations terribles et inconnues aux vivants; mais cette limite une fois franchie, les adoucissements célestes commencent à se faire sentir. Son âme enchaînée encore dans un corps défaillant semblait déjà respirer lʼair...qui annonce au navigateur longtemps battu par la tempête lʼapproche du port de la tranquillité éternelle. Elle avait été délivrée du fléau des humains, de la terreur. Elle se complaisait à se livrer à lʼidée dʼun avenir dans cette vie, car elle avait beaucoup de regret à quitter ses amis. Elle fut souvent assez soulagée pour jouir des soins de lʼamitié et même de quelques distractions sociales. La veille de sa mort elle eut une violente oppression causée par la paralysie qui sʼemparait des organes de la respiration. Soulagée vers le soir de cette dernière angoisse, elle sʼest endormie pour ne plus se réveiller. Aucun soupir, aucun mouvement convulsif nʼa marqué le moment du passage. There cracked a noble heart.
Jʼessayerais en vain, mylady, de vous peindre le désespoir de ses enfants qui, chacun dans son genre, sont un modèle de piété filiale. Mme de Broglie dès son enfance avait un sentiment passionné pour sa mère dont lʼâme se voyait réfléchie dans celle de sa fille. Ayant tout perdu moi-même, jʼeus le cœur navré de voir cette pauvre orpheline éplorée, initiée de si bonne heure, hélas! aux sombres mystères de la destinée, à genoux auprès des restes glacés de sa mère, lui parler comme si elle entendait encore et implorer en vain un regard, une parole dʼamour. The rest is silence.
Il a fallu se séparer enfin même du cercueil, mais la douleur de Mme de Broglie et le culte quʼelle a voué aux mânes dureront autant que sa vie. Elle est fort changée; cependant je me flatte que sa santé nʼa pas essentiellement souffert, quoique ses couches au mois de mars aient empêchée à peine pendant quelques semaines de soigner sa mère jour et nuit, et quoiquʼelle ait vécu ensuite trois mois dans des fatigues et des alarmes continuelles...
Le 28 juillet, les restes de votre immortelle amie, suivis dʼun cortège nombreux, ont été déposés auprès des cendres de ses parents, sous une voûte de marbre noir. Ce moment fut solennel, chacun déplorait à sa manière le départ dʼun génie bienfaisant de cette terre de malheur. Je vois de ma fenêtre, le bosquet touffu qui entoure le tombeau, et jʼy trouve un plaisir mélancolique. Mais il faudra sous peu de jours quitter ce château maintenant désert. Différentes affaires relatives aux dernières volontés de Mme de Staël nous rappellent à Paris. Seulement M. de Rocca doit se séparer de nous, il a besoin de lʼair dʼItalie...Vous savez sans doute déjà, milady, que Mme de Staël, pendant la dernière époque de sa maladie et ensuite par son testament, a déclaré le mariage qui les unissait depuis longtemps...
Veuillez présenter à lord Burghersh mes respects.
A. W. De Schlegel.
My lady. Je viens de recevoir votre touchante lettre du 18 juillet et je mʼempresse dʼy répondre tout de suite. La date de la mienne vous indiquera le retard involontaire de ma réponse. Dès le 17 juillet jʼavais quitté Paris... pour accompagner les restes de mon immortelle amie vers le tombeau de son père. Vous me demandez des détails, my lady, hélas! il y aurait une longue histoire de désolation à faire, a tale of woe, quʼune lettre ne peut pas soutenir. Le coup qui nous a frappés nʼétait pas inattendu pour moi: depuis six mois, jʼai souvent déploré dʼavance la perte de mon illustre protectrice, et je ne fus quʼimparfaitement rassuré pendant quelques intervalles de peu de durée. Il semblait que plusieurs maladies graves se disputaient cette noble vie; à mesure quʼun symptôme alarmant disparaissait, un autre se présentait à sa place. Malgré lʼaffaiblissement précedent de sa santé, la vigueur de sa constitution a soutenu une lutte longue et pénible contre la mort. Les agitations douloureuses de sa vie passée, surtout pendant les dix années de son exil, lʼactivité prodigieuse de sa volonté et de son esprit avaient consumé la partie la plus déliée de son organisation, celle qui distribue le mouvement et la sensibilité. Mais avant que les organes essentiels à la vie fussent entièrement paralysés, lʼaction irrégulière des nerfs produisit les spasmes les plus violents. Après un état en apparence stationnaire de la maladie, près de cinq semaines avant sa mort, une crise affreuse, accompagnée de tous les symptômes les plus effrayants, annonça une catastrophe prochaine. Elle le sentit elle-même, elle mʼappela plusieurs fois dans la nuit auprès de son lit en me disant quʼelle nʼavait pas une demi-heure à vivre. Pendant les jours suivants, elle nous a fait ses adieux solennels et nous a dit ses dernières volontés. Elle a survécu encore quatre semaines à son agonie.
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Jʼessayerais en vain, mylady, de vous peindre le désespoir de ses enfants qui, chacun dans son genre, sont un modèle de piété filiale. Mme de Broglie dès son enfance avait un sentiment passionné pour sa mère dont lʼâme se voyait réfléchie dans celle de sa fille. Ayant tout perdu moi-même, jʼeus le cœur navré de voir cette pauvre orpheline éplorée, initiée de si bonne heure, hélas! aux sombres mystères de la destinée, à genoux auprès des restes glacés de sa mère, lui parler comme si elle entendait encore et implorer en vain un regard, une parole dʼamour. The rest is silence.
Il a fallu se séparer enfin même du cercueil, mais la douleur de Mme de Broglie et le culte quʼelle a voué aux mânes dureront autant que sa vie. Elle est fort changée; cependant je me flatte que sa santé nʼa pas essentiellement souffert, quoique ses couches au mois de mars aient empêchée à peine pendant quelques semaines de soigner sa mère jour et nuit, et quoiquʼelle ait vécu ensuite trois mois dans des fatigues et des alarmes continuelles...
Le 28 juillet, les restes de votre immortelle amie, suivis dʼun cortège nombreux, ont été déposés auprès des cendres de ses parents, sous une voûte de marbre noir. Ce moment fut solennel, chacun déplorait à sa manière le départ dʼun génie bienfaisant de cette terre de malheur. Je vois de ma fenêtre, le bosquet touffu qui entoure le tombeau, et jʼy trouve un plaisir mélancolique. Mais il faudra sous peu de jours quitter ce château maintenant désert. Différentes affaires relatives aux dernières volontés de Mme de Staël nous rappellent à Paris. Seulement M. de Rocca doit se séparer de nous, il a besoin de lʼair dʼItalie...Vous savez sans doute déjà, milady, que Mme de Staël, pendant la dernière époque de sa maladie et ensuite par son testament, a déclaré le mariage qui les unissait depuis longtemps...
Veuillez présenter à lord Burghersh mes respects.
A. W. De Schlegel.
· Übersetzung , 14.08.1817
· The Correspondence of Priscilla, Countess of Westmorland. Hg. v. Lady Rose Weigall. London 1909, S. 26‒30.
· The Correspondence of Priscilla, Countess of Westmorland. Hg. v. Lady Rose Weigall. London 1909, S. 26‒30.