• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Coppet · Place of Destination: Unknown · Date: 15.08.1808
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Coppet
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 15.08.1808
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 233‒235.
  • Incipit: „Je suis bien fâché que ma lettre vous ait déplu, je vous ai décrit mon existence actuelle comme sans jouissance mais [...]“
    Language
  • French
Je suis bien fâché que ma lettre vous ait déplu, je vous ai décrit mon existence actuelle comme sans jouissance mais aussi sans trouble et mavançant vers un but quelconque. Ne dois-je pas être résigné à cela? Ai-je de quoi espérer mieux dans ma vie à venir? Je ne demanderois pas mieux que dexister exclusivement pour vous, mais le degré de réciprocité nécessaire pour cela vous seroit insupportable. Jai pour vous un attachement à toute épreuve et même un goût très vif, malgré que vous fassiez [tout] pour le repousser. Cest votre cortège qui ne me plaît pas, cest votre système de vie sociale auquel je puis me faire aussi peu que vous à la solitude. Je sens avec chagrin la distance que mettent entre nous les différences de nationalité et de penchans - et le pire est que la chose même au prix de laquelle je vous achète, la distraction, vous enlève à moi.
Vous allez encore amener quelqu’un à Coppet qui m’empêchera pour le reste de l’été de causer avec vous les soirs.
Je n’ai aucunement voulu justifier mon frère, je vous ai simplement répété ce qu’il m’a mandé, au contraire je lui ai écrit trois lettres très mécontentes et qui mettront un ton d’aigreur dans notre correspondance pour six semaines. Au bout du compte, il auroit aussi fallu que vous eussiez enjoint à Albert de respecter l’autorité de mon frère. Car s’il vous a promis de lui donner une leçon de latin les dimanches, et qu’Albert ne trouve pas bon de venir, que voulez-vous qu’il fasse? Vous croyez implicitement ce qu’Albert vous écrit, tandis qu’il me semble qu’il n’a pas préparé ce crédit. Que depuis son entrée à l’école il se soit si mal conduit envers moi, comme si j’étois le dernier maitre de langue, cela ne vous a fait aucune impression; mais vous êtes charmée de cette tristesse de son éloignement de vous, dont il vous parle, et que personne n’aperçoit dans lui.
Je ne m’étonne nullement du Cte. O... C’est un homme qui vit des aumônes de la société, il est donc tout simple qu’il en reçoive toutes les tracasseries pour argent comptant.
Comme je n’ai reçu aucune lettre depuis ma dernière et que je ne vois personne, je n’ai point de nouvelles à vous mander.
Je me suis remis à Shakespeare, mais je vois avec chagrin que la facilité que me devroient avoir acquise seize pièces traduites est perdue, après chaque interruption c’est à recommencer di bel nuovo. C’est un travail auquel on ne se fait que par la persévérance.
Je ne vous envie aucunement Pestalozzi ni Fellenberg mais bien la fête - vous devriez me connoître assez pour savoir que je m’en exclus plus à regret que du plus beau bal et de tous les soupers du monde.
Je vous remercie de vos nouvelles, quoiqu’elles soyent à la honte de mes compatriotes et de tous les autres peuples. Voyez à quoi servent les lumières, nos pays n’ont remué ni pié ni patte contre la plus ignominieuse oppression. Si la nouvelle du Fort est vraye les troupes seroient dans un très mauvais état, car le fort St-Julien est au delà de Lisbonne à l’embouchure du Tage, on diroit même qu’il peut être bombardé par mer.
Avez-vous vu Fereyra et sa femme? Si vous voyez M. de Mullinen ayez la bonté de lui présenter mes respects. Mille fois adieu, quoique vous m’ayez donné un moment d’irritation par tout ce que votre lettre m’a rappelé.
Je vois que le cortège triomphal passe par la Vendée. Bonap[arte] aura donc l’occasion de signaler son éloquence si cela descend jusqu’aux sous-préfets. Avez-vous remarqué ce préfet de génie qui parle de l’immortalité de l’Emp[ereur] à souhaiter sur cette terre?
Je suis bien fâché que ma lettre vous ait déplu, je vous ai décrit mon existence actuelle comme sans jouissance mais aussi sans trouble et mavançant vers un but quelconque. Ne dois-je pas être résigné à cela? Ai-je de quoi espérer mieux dans ma vie à venir? Je ne demanderois pas mieux que dexister exclusivement pour vous, mais le degré de réciprocité nécessaire pour cela vous seroit insupportable. Jai pour vous un attachement à toute épreuve et même un goût très vif, malgré que vous fassiez [tout] pour le repousser. Cest votre cortège qui ne me plaît pas, cest votre système de vie sociale auquel je puis me faire aussi peu que vous à la solitude. Je sens avec chagrin la distance que mettent entre nous les différences de nationalité et de penchans - et le pire est que la chose même au prix de laquelle je vous achète, la distraction, vous enlève à moi.
Vous allez encore amener quelqu’un à Coppet qui m’empêchera pour le reste de l’été de causer avec vous les soirs.
Je n’ai aucunement voulu justifier mon frère, je vous ai simplement répété ce qu’il m’a mandé, au contraire je lui ai écrit trois lettres très mécontentes et qui mettront un ton d’aigreur dans notre correspondance pour six semaines. Au bout du compte, il auroit aussi fallu que vous eussiez enjoint à Albert de respecter l’autorité de mon frère. Car s’il vous a promis de lui donner une leçon de latin les dimanches, et qu’Albert ne trouve pas bon de venir, que voulez-vous qu’il fasse? Vous croyez implicitement ce qu’Albert vous écrit, tandis qu’il me semble qu’il n’a pas préparé ce crédit. Que depuis son entrée à l’école il se soit si mal conduit envers moi, comme si j’étois le dernier maitre de langue, cela ne vous a fait aucune impression; mais vous êtes charmée de cette tristesse de son éloignement de vous, dont il vous parle, et que personne n’aperçoit dans lui.
Je ne m’étonne nullement du Cte. O... C’est un homme qui vit des aumônes de la société, il est donc tout simple qu’il en reçoive toutes les tracasseries pour argent comptant.
Comme je n’ai reçu aucune lettre depuis ma dernière et que je ne vois personne, je n’ai point de nouvelles à vous mander.
Je me suis remis à Shakespeare, mais je vois avec chagrin que la facilité que me devroient avoir acquise seize pièces traduites est perdue, après chaque interruption c’est à recommencer di bel nuovo. C’est un travail auquel on ne se fait que par la persévérance.
Je ne vous envie aucunement Pestalozzi ni Fellenberg mais bien la fête - vous devriez me connoître assez pour savoir que je m’en exclus plus à regret que du plus beau bal et de tous les soupers du monde.
Je vous remercie de vos nouvelles, quoiqu’elles soyent à la honte de mes compatriotes et de tous les autres peuples. Voyez à quoi servent les lumières, nos pays n’ont remué ni pié ni patte contre la plus ignominieuse oppression. Si la nouvelle du Fort est vraye les troupes seroient dans un très mauvais état, car le fort St-Julien est au delà de Lisbonne à l’embouchure du Tage, on diroit même qu’il peut être bombardé par mer.
Avez-vous vu Fereyra et sa femme? Si vous voyez M. de Mullinen ayez la bonté de lui présenter mes respects. Mille fois adieu, quoique vous m’ayez donné un moment d’irritation par tout ce que votre lettre m’a rappelé.
Je vois que le cortège triomphal passe par la Vendée. Bonap[arte] aura donc l’occasion de signaler son éloquence si cela descend jusqu’aux sous-préfets. Avez-vous remarqué ce préfet de génie qui parle de l’immortalité de l’Emp[ereur] à souhaiter sur cette terre?
· Übersetzung , 15.08.1808
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 176–177.
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