• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bern · Place of Destination: Unknown · Date: 24.12.1810
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bern
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 24.12.1810
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 275‒277.
  • Incipit: „Berne ce 24 décembre 1810.
    Me voici sain et sauf, ce voyage est en effet le moins aventureux que l’on puisse faire. [...]“
    Language
  • French
Berne ce 24 décembre 1810.
Me voici sain et sauf, ce voyage est en effet le moins aventureux que l’on puisse faire. Quelques cahotements sont tout ce qui arrive de pire. Cessez donc, chère amie, de vous tourmenter pour une aussi petite absence et, à l’avenir, gardez-moi toujours auprès de vous.
J’ai d’abord été voir M. Meister qui est pour moi d’une prévenance extrême. Il a bien envie de venir à Lausanne pendant que vous y êtes et je voudrais pouvoir l’y décider, mais il craint la rudesse de la saison et les mauvais chemins. Il vous écrira sans doute lui-même un de ces jours.
Je n’ai pas encore pu voir M. de Watteville, quoique je me sois présenté trois fois à sa porte, et que les sentinelles faisant les honneurs au dehors de la maison ayent présenté les armes à mon entrée et à ma sortie.
Je suis arrivé un dimanche et un jour de communion. Demain c’est un grand jour de fête. Aujourd’hui aussi il y a eu sermon l’après-midi. Cela fait qu’on ne peut guère trouver les personnes chez elles.
M. Freudenreich le père est malade de la goutte, j’ai vu son fils qui m’a très bien reçu, sa femme est toujours aussi malade qu’elle l’étoit à Genève.
M. Zeerleder m’a paru fort instruit de l’affaire Bazin et je crois qu’il vous écrira là-dessus une lettre satisfaisante. Cependant il dit qu’il y a beaucoup de points litigieux sur lesquels il faudra attendre la décision des tribunaux. On évalue la perte des Bernois pour cette faillite à 430.000 francs
Vous savez sans doute déjà la faillite de Nicolle, que M. Meister m’apprit d’abord à mon arrivée, de sorte que je suis étonné que vous ne l’ayez pas sue avant mon départ. On la porte à 900.000 francs et on croit qu’elle ruinera quantité d’autres libraires. Le coup qu’il a reçu sur la perte de votre ouvrage ne peut donc y avoir contribué que pour très peu de chose. Cependant je crois que le débit prodigieux qu’il en auroit fait auroit encore soutenu son crédit. Voilà donc aussi mon contrat conclu en faveur de M. de Chamisso à tous les diables.
On m’a, comme vous pensez bien, beaucoup questionné sur votre ouvrage. Une dame m’a dit qu’elle espéroit en faire la lecture, qu’on lui avoit promis de lui en communiquer un exemplaire qui arriveroit ici. J’ai été vivement alarmé et je l’ai interrogée, mais il m’a paru que cela ne se fondoit sur rien et que ce n’étoit qu’un bruit vague. Du reste on m’a assuré que ce membre du corps diplomatique que je ne cannois pas encore et que probablement je ne verrai point, s’est expliqué à ce sujet d’une manière fort libérale.
Madame Harms est ici avec son mari. Elle a pris un embonpoint prodigieux; comme il y a douze ans que je ne l’ai pas vue, je l’aurois à peine reconnue. Ensuite j’ai bien retrouvé ses traits, et un certain regard malin, qui pétille au-dessus de cette masse. Elle est toujours d’une conversation animée, et elle m’a dit même beaucoup de nouveautés littéraires d’Allemagne. Je la verrai beaucoup pendant que je suis ici. Je crois bien qu’il faudra rester jusqu’à samedi si je veux m’orienter un peu dans cette ville.
Je n’ai pas encore pu remettre les lettres de Mlle Randall, dont je lui suis fort reconnoissant et qui me procureront des connoissances agréables.
Mettez-moi aux pieds de ce petit être aérien et angélique qu’on appelle Albertine; mais dites-lui qu’il ne suffit pas d’être un ange, qu’il faut encore savoir la grammaire latine, et que je compte sur ce qu’elle y fera des progrès pendant mon absence, pour prouver qu’elle peut se passer de moi. Je vous prierois de faire mes compliments à MM. vos fils, si je ne croyois pas qu’ils ne se sont pas aperçus de mon départ, ni ne s’aperçoivent de ma rentrée.
Tout ce que je pourrai recueillir de faits un peu curieux, je vous le raconterai à mon retour. Mais malheureusement je ne possède pas à cet égard votre talent.
Je suis tout fier de me promener dans une ville propre, bien bâtie, à rues larges et sous des arcades. Nous habitons vraiment une vilaine bicoque. Ce matin c’était jour de marché; ce spectacle est aussi joli ici qu’il est hideux dans les rues basses de Genève. Des arbres à fruits dorés préparés pour faire des présents de Noël aux enfants, autrement appelés der heilige Christ, m’ont rappelé tous les souvenirs de mon enfance.
Je me figurerai que je m’amuse ici, mais au fond il n’y a plus de société piquante après la vôtre.
Mille adieux.
Berne ce 24 décembre 1810.
Me voici sain et sauf, ce voyage est en effet le moins aventureux que l’on puisse faire. Quelques cahotements sont tout ce qui arrive de pire. Cessez donc, chère amie, de vous tourmenter pour une aussi petite absence et, à l’avenir, gardez-moi toujours auprès de vous.
J’ai d’abord été voir M. Meister qui est pour moi d’une prévenance extrême. Il a bien envie de venir à Lausanne pendant que vous y êtes et je voudrais pouvoir l’y décider, mais il craint la rudesse de la saison et les mauvais chemins. Il vous écrira sans doute lui-même un de ces jours.
Je n’ai pas encore pu voir M. de Watteville, quoique je me sois présenté trois fois à sa porte, et que les sentinelles faisant les honneurs au dehors de la maison ayent présenté les armes à mon entrée et à ma sortie.
Je suis arrivé un dimanche et un jour de communion. Demain c’est un grand jour de fête. Aujourd’hui aussi il y a eu sermon l’après-midi. Cela fait qu’on ne peut guère trouver les personnes chez elles.
M. Freudenreich le père est malade de la goutte, j’ai vu son fils qui m’a très bien reçu, sa femme est toujours aussi malade qu’elle l’étoit à Genève.
M. Zeerleder m’a paru fort instruit de l’affaire Bazin et je crois qu’il vous écrira là-dessus une lettre satisfaisante. Cependant il dit qu’il y a beaucoup de points litigieux sur lesquels il faudra attendre la décision des tribunaux. On évalue la perte des Bernois pour cette faillite à 430.000 francs
Vous savez sans doute déjà la faillite de Nicolle, que M. Meister m’apprit d’abord à mon arrivée, de sorte que je suis étonné que vous ne l’ayez pas sue avant mon départ. On la porte à 900.000 francs et on croit qu’elle ruinera quantité d’autres libraires. Le coup qu’il a reçu sur la perte de votre ouvrage ne peut donc y avoir contribué que pour très peu de chose. Cependant je crois que le débit prodigieux qu’il en auroit fait auroit encore soutenu son crédit. Voilà donc aussi mon contrat conclu en faveur de M. de Chamisso à tous les diables.
On m’a, comme vous pensez bien, beaucoup questionné sur votre ouvrage. Une dame m’a dit qu’elle espéroit en faire la lecture, qu’on lui avoit promis de lui en communiquer un exemplaire qui arriveroit ici. J’ai été vivement alarmé et je l’ai interrogée, mais il m’a paru que cela ne se fondoit sur rien et que ce n’étoit qu’un bruit vague. Du reste on m’a assuré que ce membre du corps diplomatique que je ne cannois pas encore et que probablement je ne verrai point, s’est expliqué à ce sujet d’une manière fort libérale.
Madame Harms est ici avec son mari. Elle a pris un embonpoint prodigieux; comme il y a douze ans que je ne l’ai pas vue, je l’aurois à peine reconnue. Ensuite j’ai bien retrouvé ses traits, et un certain regard malin, qui pétille au-dessus de cette masse. Elle est toujours d’une conversation animée, et elle m’a dit même beaucoup de nouveautés littéraires d’Allemagne. Je la verrai beaucoup pendant que je suis ici. Je crois bien qu’il faudra rester jusqu’à samedi si je veux m’orienter un peu dans cette ville.
Je n’ai pas encore pu remettre les lettres de Mlle Randall, dont je lui suis fort reconnoissant et qui me procureront des connoissances agréables.
Mettez-moi aux pieds de ce petit être aérien et angélique qu’on appelle Albertine; mais dites-lui qu’il ne suffit pas d’être un ange, qu’il faut encore savoir la grammaire latine, et que je compte sur ce qu’elle y fera des progrès pendant mon absence, pour prouver qu’elle peut se passer de moi. Je vous prierois de faire mes compliments à MM. vos fils, si je ne croyois pas qu’ils ne se sont pas aperçus de mon départ, ni ne s’aperçoivent de ma rentrée.
Tout ce que je pourrai recueillir de faits un peu curieux, je vous le raconterai à mon retour. Mais malheureusement je ne possède pas à cet égard votre talent.
Je suis tout fier de me promener dans une ville propre, bien bâtie, à rues larges et sous des arcades. Nous habitons vraiment une vilaine bicoque. Ce matin c’était jour de marché; ce spectacle est aussi joli ici qu’il est hideux dans les rues basses de Genève. Des arbres à fruits dorés préparés pour faire des présents de Noël aux enfants, autrement appelés der heilige Christ, m’ont rappelé tous les souvenirs de mon enfance.
Je me figurerai que je m’amuse ici, mais au fond il n’y a plus de société piquante après la vôtre.
Mille adieux.
· Übersetzung , 24.12.1810
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 211–212.
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