• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bern · Place of Destination: Unknown · Date: 01.01.1812 bis 02.01.1812
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bern
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 01.01.1812 bis 02.01.1812
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 339‒340.
  • Incipit: „[Mercredi] Berne ce 1 janvier 1812.
    Bien nous arrive d’avoir pris ces quartiers d’hyver, car si la saison est aussi rigoureuse chez [...]“
    Language
  • French
[Mercredi] Berne ce 1 janvier 1812.
Bien nous arrive d’avoir pris ces quartiers d’hyver, car si la saison est aussi rigoureuse chez vous qu’elle l’est ici, Coppet n’auroit pas été tenable avec les arrangements actuels. Ce matin, le thermomètre a été au-dessous de zéro (17 degrés de Réaumur). L’une de mes chambres à fenêtres simples présente les matins un mur de glace, quoique toujours chauffée, et dans l’autre même les vitres intérieures sont gelées aux coins. Et ce froid excessif a l’air d’être établi pour une certaine durée.
Voici mes petites étrennes pour le nouvel an. La comète est pour vous, mais il faut la regarder en transparent. Ce sont des imitations viennoises – je n’ai rien pu trouver de plus distingué. Mais dites à ces chers enfans que le portrait du souverain suivra par le fourgon prochain.
M. de Freudenreich m’a promis au plus tôt l’extrait des actes publics que vous demandez, mais seulement en langue originale; il dit que la traduction entraîneroit une responsabilité, dont la chancellerie ne peut pas se charger. L’opinion sur votre procès est ici la même que dans le pays de Vaud, on a même dit qu’il étoit déjà jugé contre le demandant. Cependant quelques personnes ont supposé aussi que cet homme avoit été envoyé par quelqu’un. Un M. Steigner, dont le père a été un des commissaires de ces ventes de terre, me dit qu’il se les rappeloit parfaitement et qu’il ne concevoit pas une ombre de prétexte pour plaider.
M. de Falk a été absent, il est allé jusqu’à moitié chemin de Soleure à Basie pour la remise des pouvoirs d’un landammann à l’autre. On y porte l’acte de médiation en pompe, et, représentant le parrain de ce cher enfant, il doit y assister. La cérémonie aura été glaciale.
J’ai donc le genre françois dans mes lettres, le superbe compliment! Soyez trop contente que je n’aspire pas à l’avoir en action.
L’excellent M. Gautier me gronde de n’être pas resté à Lausanne. Il est bizarre entre nous que les hommes attachent plus d’importance au dérivé qu’au primitif. Selon eux il ne suffit pas de lire l’écriture, il faut lire les écrits de Mad[ame] Guyon, qui, de leur propre aveu, n’en sont qu’un développement. Il ne suffit pas non plus de les lire, il faut se les faire détailler par quelque disciple élu, qui, au fond, n’y a rien à ajouter du sien. C’est comme si l’on vous disoit qu’on ne guérit pas en buvant l’eau de Seltz à la source, mais qu’elle doit être mise dans des cruches particulières et qu’il faut la prendre chez tel marchand d’eaux minérales.
Avez-vous lu quelque chose de mon S[ain]t-Martin? Faites-le, je vous en prie, pour que je puisse écrire quelque chose de votre part à ce pauvre Petilliet, avec qui, dans son humble zèle, je pourrois peut-être mieux m’accorder qu’avec les maîtres de profession.
Mad[ame] de Guyon étoit un modèle de résignation chrétienne dans les souffrances – soit – mais elle étoit femme, par conséquent peu appelée à agir. Elle n’avoit d’autre contemplation que celle du cœur qui pourtant l’a menée fort loin. S[ain]t-Martin est un voyant et élargit l’âme et la place au-dessus d’une existence bornée en approchant du grand mystère et en dévoilant les différentes faces de la divinité.
Ce 2 janvier. – Hier soir en rentrant j’ai trouvé la lettre de la chère Albertine et vos lignes; je m’inquiète de votre santé, je crains que la course de C[oppet] ne vous ait fait du mal. Soignez-vous donc extrêmement, cela pourroit devenir une fièvre catarrhale. Pensez toujours que si vous tombiez malade, ce qu’à Dieu ne plaise, vous n’auriez qu’à dire un mot pour me faire venir auprès de vous.
J’écrirai demain à votre aimable petit secrétaire, je n’ai plus le tems de lui répondre aujourd’hui d’une manière qui soit un peu digne de sa charmante lettre. D’ailleurs les doigts me gèlent en écrivant, il n’y a pas moyen de se réchauffer.
Adieu, je fais des vœux pour votre prompt rétablissement.
La mort du Cte de Stadion me chagrine – c’étoit certainement un ami que nous avions dans ce pays-là.
On prétend qu’à l’heure qu’il est tout doit être décidé en Sicile, et que la famille royale est transportée à Malte.
[Mercredi] Berne ce 1 janvier 1812.
Bien nous arrive d’avoir pris ces quartiers d’hyver, car si la saison est aussi rigoureuse chez vous qu’elle l’est ici, Coppet n’auroit pas été tenable avec les arrangements actuels. Ce matin, le thermomètre a été au-dessous de zéro (17 degrés de Réaumur). L’une de mes chambres à fenêtres simples présente les matins un mur de glace, quoique toujours chauffée, et dans l’autre même les vitres intérieures sont gelées aux coins. Et ce froid excessif a l’air d’être établi pour une certaine durée.
Voici mes petites étrennes pour le nouvel an. La comète est pour vous, mais il faut la regarder en transparent. Ce sont des imitations viennoises – je n’ai rien pu trouver de plus distingué. Mais dites à ces chers enfans que le portrait du souverain suivra par le fourgon prochain.
M. de Freudenreich m’a promis au plus tôt l’extrait des actes publics que vous demandez, mais seulement en langue originale; il dit que la traduction entraîneroit une responsabilité, dont la chancellerie ne peut pas se charger. L’opinion sur votre procès est ici la même que dans le pays de Vaud, on a même dit qu’il étoit déjà jugé contre le demandant. Cependant quelques personnes ont supposé aussi que cet homme avoit été envoyé par quelqu’un. Un M. Steigner, dont le père a été un des commissaires de ces ventes de terre, me dit qu’il se les rappeloit parfaitement et qu’il ne concevoit pas une ombre de prétexte pour plaider.
M. de Falk a été absent, il est allé jusqu’à moitié chemin de Soleure à Basie pour la remise des pouvoirs d’un landammann à l’autre. On y porte l’acte de médiation en pompe, et, représentant le parrain de ce cher enfant, il doit y assister. La cérémonie aura été glaciale.
J’ai donc le genre françois dans mes lettres, le superbe compliment! Soyez trop contente que je n’aspire pas à l’avoir en action.
L’excellent M. Gautier me gronde de n’être pas resté à Lausanne. Il est bizarre entre nous que les hommes attachent plus d’importance au dérivé qu’au primitif. Selon eux il ne suffit pas de lire l’écriture, il faut lire les écrits de Mad[ame] Guyon, qui, de leur propre aveu, n’en sont qu’un développement. Il ne suffit pas non plus de les lire, il faut se les faire détailler par quelque disciple élu, qui, au fond, n’y a rien à ajouter du sien. C’est comme si l’on vous disoit qu’on ne guérit pas en buvant l’eau de Seltz à la source, mais qu’elle doit être mise dans des cruches particulières et qu’il faut la prendre chez tel marchand d’eaux minérales.
Avez-vous lu quelque chose de mon S[ain]t-Martin? Faites-le, je vous en prie, pour que je puisse écrire quelque chose de votre part à ce pauvre Petilliet, avec qui, dans son humble zèle, je pourrois peut-être mieux m’accorder qu’avec les maîtres de profession.
Mad[ame] de Guyon étoit un modèle de résignation chrétienne dans les souffrances – soit – mais elle étoit femme, par conséquent peu appelée à agir. Elle n’avoit d’autre contemplation que celle du cœur qui pourtant l’a menée fort loin. S[ain]t-Martin est un voyant et élargit l’âme et la place au-dessus d’une existence bornée en approchant du grand mystère et en dévoilant les différentes faces de la divinité.
Ce 2 janvier. – Hier soir en rentrant j’ai trouvé la lettre de la chère Albertine et vos lignes; je m’inquiète de votre santé, je crains que la course de C[oppet] ne vous ait fait du mal. Soignez-vous donc extrêmement, cela pourroit devenir une fièvre catarrhale. Pensez toujours que si vous tombiez malade, ce qu’à Dieu ne plaise, vous n’auriez qu’à dire un mot pour me faire venir auprès de vous.
J’écrirai demain à votre aimable petit secrétaire, je n’ai plus le tems de lui répondre aujourd’hui d’une manière qui soit un peu digne de sa charmante lettre. D’ailleurs les doigts me gèlent en écrivant, il n’y a pas moyen de se réchauffer.
Adieu, je fais des vœux pour votre prompt rétablissement.
La mort du Cte de Stadion me chagrine – c’étoit certainement un ami que nous avions dans ce pays-là.
On prétend qu’à l’heure qu’il est tout doit être décidé en Sicile, et que la famille royale est transportée à Malte.
· Übersetzung , 01.01.1812
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 267–268.
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