• August Wilhelm von Schlegel to Albertine Ida Gustavine de Broglie

  • Place of Dispatch: Bern · Place of Destination: Unknown · Date: 03.01.1812
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Albertine Ida Gustavine de Broglie
  • Place of Dispatch: Bern
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 03.01.1812
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 340‒341.
  • Incipit: „[Vendredi] Berne, ce 3 janvier 1812.
    Chère Albertine, quoique je compte mon petit homme qui vous souhaite un heureux nouvel an, pour [...]“
    Language
  • French
[Vendredi] Berne, ce 3 janvier 1812.
Chère Albertine, quoique je compte mon petit homme qui vous souhaite un heureux nouvel an, pour une lettre, je réponds d’abord à la vôtre qui est charmante, parce que je souhaite beaucoup d’établir entre nous une correspondance suivie. Vous faites des remarques justes et fines sur l’esprit de Madame votre Mère et je partage tout à fait vos impressions. Je pense que vos lamentations sur l’ennui environnant cesseront aussitôt qu’elle sera rétablie, ce qui, je l’espère, sera bientôt, surtout si vous l’engagez à se soigner beaucoup. Indisposée comme elle est, elle n’a pas envie de diriger la conversation, car du reste elle n’est pas seulement amusante elle-même, elle a le don de rendre amusants les autres, pourvu qu’ils en ayent la moindre capacité.
Vous savez bien que Berne n’est pas un endroit où l’on s’amuse prodigieusement; cependant les derniers jours de l’an la ville étai: animée contre sa coutume. C’étoit la foire des étrennes, toutes les boutiques étaloient une infinité de colifichets pour les enfants et pour les grandes personnes. Car tout le monde se fait ici des présents le jour du nouvel an, parens et enfans, maris et femmes, frères et sœurs, amis, etc... Cela est très louable et imitable, et moi je n’y regarderois pas de si près, quand même mes étrennes arriveroient quelques jours plus tard. La veille du nouvel an quelques masques de la classe du peuple parcouroient les arcades, et voilà votre carnaval une fois pour toutes. Le 1 janvier j’ai été à un bal de souscription, qui se donne tous les quinze jours et où l’on m’a invité comme étranger. La salle est fort jolie avec des gradins et des loges qui règnent tout autour et l’on a dansé des allemandes bernoises en grand, de façon à faire rebondir le parquet. Le même soir je fus à un souper où l’on s’égaya assez. On avoit fait une loterie de petits objets qu’on annonçoit d’une manière pompeuse. J’eus pour ma part deux soi-disant plumes de l’oiseau du Paradis. Pendant les préparatifs de la loterie on faisoit des farces, et Monsieur Heer Landammann de Glaris et actuellement ici comme député, qui, d’ordinaire, est fort silencieux, se mit tout à coup à faire un compte (sic) en dialecte suisse, avec des grimaces qui contrastoient tellement avec sa figure sombre que j’en ai ri pendant un quart d’heure.
Le froid continue toujours avec une extrême rigueur – je passe la moitié de la journée à me réchauffer auprès du poële, et l’autre à me refroidir en le quittant, comme dans ce moment-ci. Je ne me servirai plus de cette phrase que Mad[ame] de St[aël] déteste tant: „Je finis parce que la poste part”, mais il faut finir parce que mes doigts sont gelés. J’ajouterai seulement encore que je suis très reconnoissant à Albert des leçons de latin qu’il vous donne, il fait fort bien aussi de vous battre, que vous fassiez bien ou mal, les choses s’expriment mieux dans la mémoire de cette façon.
Adieu, chère et aimable Albertine – on me demande ici beaucoup de vos nouvelles, car il s’est répandu dans le monde un bruit (sans doute exagéré, comme sont les renommées éloignées) que vous êtes charmante.
[Vendredi] Berne, ce 3 janvier 1812.
Chère Albertine, quoique je compte mon petit homme qui vous souhaite un heureux nouvel an, pour une lettre, je réponds d’abord à la vôtre qui est charmante, parce que je souhaite beaucoup d’établir entre nous une correspondance suivie. Vous faites des remarques justes et fines sur l’esprit de Madame votre Mère et je partage tout à fait vos impressions. Je pense que vos lamentations sur l’ennui environnant cesseront aussitôt qu’elle sera rétablie, ce qui, je l’espère, sera bientôt, surtout si vous l’engagez à se soigner beaucoup. Indisposée comme elle est, elle n’a pas envie de diriger la conversation, car du reste elle n’est pas seulement amusante elle-même, elle a le don de rendre amusants les autres, pourvu qu’ils en ayent la moindre capacité.
Vous savez bien que Berne n’est pas un endroit où l’on s’amuse prodigieusement; cependant les derniers jours de l’an la ville étai: animée contre sa coutume. C’étoit la foire des étrennes, toutes les boutiques étaloient une infinité de colifichets pour les enfants et pour les grandes personnes. Car tout le monde se fait ici des présents le jour du nouvel an, parens et enfans, maris et femmes, frères et sœurs, amis, etc... Cela est très louable et imitable, et moi je n’y regarderois pas de si près, quand même mes étrennes arriveroient quelques jours plus tard. La veille du nouvel an quelques masques de la classe du peuple parcouroient les arcades, et voilà votre carnaval une fois pour toutes. Le 1 janvier j’ai été à un bal de souscription, qui se donne tous les quinze jours et où l’on m’a invité comme étranger. La salle est fort jolie avec des gradins et des loges qui règnent tout autour et l’on a dansé des allemandes bernoises en grand, de façon à faire rebondir le parquet. Le même soir je fus à un souper où l’on s’égaya assez. On avoit fait une loterie de petits objets qu’on annonçoit d’une manière pompeuse. J’eus pour ma part deux soi-disant plumes de l’oiseau du Paradis. Pendant les préparatifs de la loterie on faisoit des farces, et Monsieur Heer Landammann de Glaris et actuellement ici comme député, qui, d’ordinaire, est fort silencieux, se mit tout à coup à faire un compte (sic) en dialecte suisse, avec des grimaces qui contrastoient tellement avec sa figure sombre que j’en ai ri pendant un quart d’heure.
Le froid continue toujours avec une extrême rigueur – je passe la moitié de la journée à me réchauffer auprès du poële, et l’autre à me refroidir en le quittant, comme dans ce moment-ci. Je ne me servirai plus de cette phrase que Mad[ame] de St[aël] déteste tant: „Je finis parce que la poste part”, mais il faut finir parce que mes doigts sont gelés. J’ajouterai seulement encore que je suis très reconnoissant à Albert des leçons de latin qu’il vous donne, il fait fort bien aussi de vous battre, que vous fassiez bien ou mal, les choses s’expriment mieux dans la mémoire de cette façon.
Adieu, chère et aimable Albertine – on me demande ici beaucoup de vos nouvelles, car il s’est répandu dans le monde un bruit (sans doute exagéré, comme sont les renommées éloignées) que vous êtes charmante.
· Übersetzung , 03.01.1812
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 269–270.
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