• August Wilhelm von Schlegel to Guillaume Favre

  • Place of Dispatch: Paris · Place of Destination: Genf · Date: 17.12.1817
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Guillaume Favre
  • Place of Dispatch: Paris
  • Place of Destination: Genf
  • Date: 17.12.1817
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Adert, Jules: Mélanges dʼhistoire littéraire par Guillaume Favre. Avec des lettres inédites dʼAuguste-Guillaume Schlegel et dʼAngelo Mai. Bd. 1. Genf 1856, S. CVI‒CVII.
  • Incipit: „[1] Paris, 17 décembre 1817.
    Jʼai un million de pardons à vous demander, Monsieur; non-seulement jʼai tardé jusquʼà présent de répondre à [...]“
    Manuscript
  • Provider: Genf, Bibliothèque de Genève
  • Classification Number: Ms. suppl. 968, f. 67r-68v
  • Number of Pages: 2 S., hs. m. U.
    Language
  • French
[1] Paris, 17 décembre 1817.
Jʼai un million de pardons à vous demander, Monsieur; non-seulement jʼai tardé jusquʼà présent de répondre à votre lettre, dont je ne veux pas rappeler la date pour ne pas aggraver mes torts, mais je nʼai pas fait encore vos dernières commissions savantes. Jʼai été en effet fort occupé tout ce temps-ci. Vous connaissez le motif principal de mon séjour à Paris: les soins à donner à lʼédition dʼun ouvrage posthume, dont jʼai en même temps promis de faire une traduction allemande, continueront pendant tout le reste de lʼhiver de remplir beaucoup dʼheures dans la journée. Nous en sommes toujours aux travaux préparatoires, mais jʼespère que lʼimpression pourra bientôt commencer. Jʼécarte exprès mes sujets favoris de recherches pour ne pas me distraire; cependant, je nʼai pas pu mʼempêcher de faire un petit livre depuis ma dernière lettre. Ce sont des Observations sur la langue et la littérature provençales relatives aux recherches de M. Raynouard. Cela fera une centaine de pages; tout est déjà achevé, aux notes près, dans lesquelles je compte reléguer lʼérudition. Voyant que je nʼaurais pas le loisir de terminer pendant cet hiver mon Essai sur la formation de la langue française, qui fera peut-être un gros volume, jʼai anticipé sur ce sujet, voulant donner une bagatelle qui pût intéresser les hommes instruits en France, avant de quitter ce pays, qui sait? pour longtemps. Cela me fera, jʼespère, un moins mauvais renom. Jʼai communiqué [2] mon manuscrit à M. Raynouard, mais je ne lʼai pas encore vu depuis. Il est toujours à Passy, et absorbé par ses travaux.
Je persiste toujours dans mon avis que vous devriez donner un court article à la Bibliothèque Universelle et traiter ensuite dans un écrit particulier la filiation des traditions fabuleuses dʼAlexandre. Vous ne seriez pas gêné pour lʼespace, et vous pourriez donner à ce sujet intéressant tel développement que vous voudriez. Si cela pouvait vous engager à venir à Paris, jʼen serais enchanté. Vous supposez que, parmi les manuscrits de la Bibliothèque royale, le N°4880 porte seul le nom de J. Valerius. Mais il se trouve également à la fin du N° 8518. Je mʼen vais le confronter avec le N°4880 et avec le plus ancien manuscrit grec. Je pense que les copistes ont pris de très-grandes libertés, soit avec le texte grec, soit avec la traduction latine, parce que ce livre, même dans le moyen âge, ne jouissait pas dʼune autorité classique, et quʼil était considéré uniquement comme un conte merveilleux sous le rapport de lʼamusement. Je profiterai de mes premiers loisirs pour répondre le mieux que je pourrai à vos différentes questions. Je remarque en passant que le père Andrès sʼest trompé en faisant apporter les traditions concernant Alexandre et même son nom en Espagne par les Arabes. Il est bien manifeste que le vieux poëme espagnol est puisé à la source latine.
Au milieu de toutes mes autres occupations, je ne [3] puis pas me résoudre à laisser mes Indiens tout à fait de côté, dʼautant plus que je ne sais pas quand jʼaurai lʼoccasion de lire des manuscrits comme je fais actuellement. Jʼespère bien faire quelque chose de cette étude dans la suite.
Je viens de recevoir une vocation aussi honorable quʼavantageuse: on mʼoffre une chaire à lʼUniversité de Berlin. On mʼinvite à faire moi-même mes conditions; ainsi je ne sais pas encore comment la négociation tournera. Mon projet favori était de me fixer entre Genève et Coppet. Il mʼen coûterait beaucoup de mʼéloigner pour longtemps et peut-être pour toujours des lieux auxquels tant de souvenirs mʼattachent. Dʼautre part, jʼaimerais bien reparaître encore sur la scène littéraire dans ma patrie; il me faut un aiguillon dʼactivité, pour oublier mes chagrins et ne pas tomber dans une espèce dʼapathie. Vous ne sauriez vous figurer combien je suis étranger à tous les amusements de Paris, y compris la politique. Il se pourrait que jʼallasse à Berlin, en me proposant de revenir après quatre ou cinq ans chercher une retraite paisible sur les bords de votre lac. Si la Providence mʼaccorde encore quelques années, je pourrai bien alors me considérer comme un vétéran rude donatus.
Veuillez agréer, Monsieur, lʼassurance de mon sincère attachement. Je vous prie de présenter mes respects à Madame Favre. On me charge de beaucoup de choses pour vous.
SCHLEGEL.
[4]
[1] Paris, 17 décembre 1817.
Jʼai un million de pardons à vous demander, Monsieur; non-seulement jʼai tardé jusquʼà présent de répondre à votre lettre, dont je ne veux pas rappeler la date pour ne pas aggraver mes torts, mais je nʼai pas fait encore vos dernières commissions savantes. Jʼai été en effet fort occupé tout ce temps-ci. Vous connaissez le motif principal de mon séjour à Paris: les soins à donner à lʼédition dʼun ouvrage posthume, dont jʼai en même temps promis de faire une traduction allemande, continueront pendant tout le reste de lʼhiver de remplir beaucoup dʼheures dans la journée. Nous en sommes toujours aux travaux préparatoires, mais jʼespère que lʼimpression pourra bientôt commencer. Jʼécarte exprès mes sujets favoris de recherches pour ne pas me distraire; cependant, je nʼai pas pu mʼempêcher de faire un petit livre depuis ma dernière lettre. Ce sont des Observations sur la langue et la littérature provençales relatives aux recherches de M. Raynouard. Cela fera une centaine de pages; tout est déjà achevé, aux notes près, dans lesquelles je compte reléguer lʼérudition. Voyant que je nʼaurais pas le loisir de terminer pendant cet hiver mon Essai sur la formation de la langue française, qui fera peut-être un gros volume, jʼai anticipé sur ce sujet, voulant donner une bagatelle qui pût intéresser les hommes instruits en France, avant de quitter ce pays, qui sait? pour longtemps. Cela me fera, jʼespère, un moins mauvais renom. Jʼai communiqué [2] mon manuscrit à M. Raynouard, mais je ne lʼai pas encore vu depuis. Il est toujours à Passy, et absorbé par ses travaux.
Je persiste toujours dans mon avis que vous devriez donner un court article à la Bibliothèque Universelle et traiter ensuite dans un écrit particulier la filiation des traditions fabuleuses dʼAlexandre. Vous ne seriez pas gêné pour lʼespace, et vous pourriez donner à ce sujet intéressant tel développement que vous voudriez. Si cela pouvait vous engager à venir à Paris, jʼen serais enchanté. Vous supposez que, parmi les manuscrits de la Bibliothèque royale, le N°4880 porte seul le nom de J. Valerius. Mais il se trouve également à la fin du N° 8518. Je mʼen vais le confronter avec le N°4880 et avec le plus ancien manuscrit grec. Je pense que les copistes ont pris de très-grandes libertés, soit avec le texte grec, soit avec la traduction latine, parce que ce livre, même dans le moyen âge, ne jouissait pas dʼune autorité classique, et quʼil était considéré uniquement comme un conte merveilleux sous le rapport de lʼamusement. Je profiterai de mes premiers loisirs pour répondre le mieux que je pourrai à vos différentes questions. Je remarque en passant que le père Andrès sʼest trompé en faisant apporter les traditions concernant Alexandre et même son nom en Espagne par les Arabes. Il est bien manifeste que le vieux poëme espagnol est puisé à la source latine.
Au milieu de toutes mes autres occupations, je ne [3] puis pas me résoudre à laisser mes Indiens tout à fait de côté, dʼautant plus que je ne sais pas quand jʼaurai lʼoccasion de lire des manuscrits comme je fais actuellement. Jʼespère bien faire quelque chose de cette étude dans la suite.
Je viens de recevoir une vocation aussi honorable quʼavantageuse: on mʼoffre une chaire à lʼUniversité de Berlin. On mʼinvite à faire moi-même mes conditions; ainsi je ne sais pas encore comment la négociation tournera. Mon projet favori était de me fixer entre Genève et Coppet. Il mʼen coûterait beaucoup de mʼéloigner pour longtemps et peut-être pour toujours des lieux auxquels tant de souvenirs mʼattachent. Dʼautre part, jʼaimerais bien reparaître encore sur la scène littéraire dans ma patrie; il me faut un aiguillon dʼactivité, pour oublier mes chagrins et ne pas tomber dans une espèce dʼapathie. Vous ne sauriez vous figurer combien je suis étranger à tous les amusements de Paris, y compris la politique. Il se pourrait que jʼallasse à Berlin, en me proposant de revenir après quatre ou cinq ans chercher une retraite paisible sur les bords de votre lac. Si la Providence mʼaccorde encore quelques années, je pourrai bien alors me considérer comme un vétéran rude donatus.
Veuillez agréer, Monsieur, lʼassurance de mon sincère attachement. Je vous prie de présenter mes respects à Madame Favre. On me charge de beaucoup de choses pour vous.
SCHLEGEL.
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