Votre Majesté a daigné mʼaccorder la permission de mettre respectueusement à Ses pieds les ouvrages anciens en langue Sanscrite que jʼai commencé à publier, et qui sont ou doivent être accompagnés dʼune traduction latine et de notes critiques et explicatives.
Lʼantique doctrine des Brahmanes est encore aujourdʼhui répandu dans une vaste étendue de pays depuis les monts Himalaya jusquʼau détroit de Ceylon. Elle semble avoir donné une empreinte ineffaçable au caractère national des Hindous, puisque lʼordre social établi par cette législation religieuse, ainsi que les mœurs, les usages et les traditions qui sʼy rattachent, se sont maintenus pendant huit siècles malgré lʼinfluence des diverses dominations étrangères, auxquelles celle de la Grande-Bretagne, heureusement pour les habitans, a succédé dans la presque-totalité des Indes.
Lʼon peut donc dire que dans cet illustre et singulier pays lʼantiquité est la clé de lʼétat actuel. Cette utilité pratique de lʼétude de la langue et de la littérature Sanscrite a été reconnue, depuis près dʼun demi-siècle par des hommes dʼétat Anglais, appelés aux hautes fonctions du gouvernement dans lʼempire Britannique en Asie. En conséquence, des encouragemens ont été accordés, des institutions ont été fondées pour favoriser cette étude. Mais lʼattrait quʼelle présente sous un point de vue purement spéculatif, est si grand que plusieurs savans du continent Européen sʼy sont voués, et ont rivalisé de zèle avec les célèbres fondateurs de la philologie indianiste dont lʼAngleterre sʼhonore.
Voilà, Sire, les considérations qui mʼont inspiré lʼespérance que mes essais, destinés à perfectionner un genre dʼérudition tout nouveau et encore dans son enfance, quelque imparfaits quʼils soyent, pourraient obtenir un regard bienveillant de la part dʼun Monarque éclairé, magnanime et plein dʼhumanité, dont le sceptre puissant protège tant de peuples asiatiques.
Né Hanovrien, fils dʼun père qui fut appelé à des fonctions ecclésiastiques sous le règne du Roi George III de glorieuse mémoire, jʼai eu le bonheur de recevoir mon éducation scientifique à la célèbre université de Goettingue. Je saisis avec empressement cette occasion de déposer au pied du trône de Votre Majesté le tribut de ma reconnaissance envers mon pays natal, et lʼhommage de mon dévouement à son auguste Souverain.
Je suis avec le plus profond respect, Sire,
de Votre Majesté
le très-humble, très-obéissant
et très-dévoué serviteur
A. W. de Schlegel
Londres ce 7 Mars 1832