• August Wilhelm von Schlegel to Auguste Louis de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: Unknown · Date: 23.12.1819 bis 25.12.1819
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Auguste Louis de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 23.12.1819 bis 25.12.1819
    Printed Text
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: 335973167
  • Bibliography: Krisenjahre der Frühromantik. Briefe aus dem Schlegelkreis. Hg. v. Josef Körner. Bd. 2. Der Texte zweite Hälfte. 1809‒1844. Bern u.a. ²1969, S. 349‒351.
  • Incipit: „Bonn 23 Dec. 1819
    Je nʼai pas voulu vous répondre, mon cher Auguste, que je nʼeusse fait votre commission. Jʼavois vu cet [...]“
    Language
  • French
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Bonn 23 Dec. 1819
Je nʼai pas voulu vous répondre, mon cher Auguste, que je nʼeusse fait votre commission. Jʼavois vu cet infame article dans plusieurs gazettes allemandes, mais cela me paroissoit trop vulgaire et trop absurde pour sʼen occuper, au moins je ne voulois rien faire sans vous consulter. Vous mʼavez prévenu, mais après avoir reçu votre lettre, jʼai voulu remonter à la source de ces mensonges, et jʼai été quelques jours avant de pouvoir lʼattraper. Voici la déclaration que jʼenvoye aujourdʼhui à Cotta; jʼespère quʼil ne fera point de difficulté de lʼinsérer dans la gazette universelle, en tout cas jʼaurai soin dʼy donner la plus grande publicité. Mon article nʼa pas pu être aussi court que vous semblez le présumer – ce que vous avez lu dans la gazette de Berlin nʼétoit peut-être quʼune partie de tout ce tas de mensonges. Les gazettiers se sont transcrits les uns les autres et le tout est tiré dʼune note du traducteur de Bailleul. Je souhaite que vous soyez content de mon article.
Veuillez faire savoir aux Treuttel et Würtz que ma traduction avance beaucoup, et que jʼespère lʼavoir terminée en quinze jours. Ils me talonnent terriblement, faites-leur donc comprendre que je suis un écrivain célèbre et que la concurrence nʼest pas fort à craindre quand jʼai annoncé un ouvrage. Cela nʼest pas facile à traduire, jʼy mets beaucoup de peine et de temps.
Je ne saurois vous dire, mon cher Auguste, quel bien mʼa fait votre lettre. Ce nʼest pas précisément que jʼaye besoin dʼêtre consolé dans mes adversités – je ne me laisse pas décourager et je dis: O fortes peioraque passi – Cras ingens iterabimus aequor! Mais jʼai besoin de croire aux anciennes amitiés – hélas! jʼai éprouvé la difficulté de former à mon age de nouveaux liens.
Il y a quinze jours que ma lettre au ministère est partie – je pourrai bientôt avoir une réponse. Quelques jours auparavant je fus à Cologne voir le comte de Solms-Laubach qui a quitté la direction de notre université avec une profonde douleur – cʼétoit son occupation favorite. Il mʼa dit tout ce que lʼamitié peut inspirer pour me détourner de mon projet, mais sans mʼébranler. Quand je suis parti, il mʼa embrassé avec une véritable émotion. Jʼy ai mûrement réflêchi, jʼagis dʼaprès un principe honorable, et cela me donne de la sérénité et de la confiance dans lʼavenir.
Je vous suis bien reconnoissant dʼavoir écrit à Madame Necker, mais je ne voudrois pas avoir lʼair de rien demander. Ce que je vous mandois avoit pour but principal de me donner une patrie, autre que ce pays moisi dʼHanovre. Mais je pourrois vivre aussi à Genève comme étranger, et je ne tiens pas furieusement à donner des cours – je puis employer mon temps à faire des livres. Jʼai une foule dʼoccupations devant moi – je pourrois entreprendre un journal littéraire en français pour lʼEurope – une Bibliothèque universelle qui repondît à son titre. Mais on éparpille son esprit par la critique, et jʼaime mieux le concentrer dans quelque grand ouvrage. Comme je puis écrire pour la France et lʼAngleterre, et dʼun autre coté pour lʼAllemagne, jʼai plusieurs cordes à mon arc.
Mon revenu est modique, mais à la rigueur jʼen pourrois vivre. Il faut sʼinterdire les fantaisies – voilà tout. Mes besoins effectifs sont modiques – vous ne le croyez peut-être pas, je vous le prouverai par le fait. Si je continue de jouir dʼune bonne santé, et que mes travaux littéraires réussissent, je compte mettre quelque chose de coté pour lʼavenir, afin de reparer la brêche des Tottié. Si jamais je faisois une pension à ma femme, ce seroit par pure générosité – et cela nʼiroit pas au-delà de mille francs. Mais je nʼen vois aucune probabilité – elle ne la mérite pas par ses procédés – dʼailleurs elle vit auprès de ses parens, et elle doit hériter de son père.
Il y a du bon et du mauvais dans toutes choses – si ma femme mʼavoit suivie ici, si elle sʼétoit conduite comme elle devoit, si nous avions eu un enfant, jʼen aurois été fort heureux, mais je nʼaurois pas été aussi libre pour prendre une résolution. – Ce qui mʼa fait dépenser beaucoup dʼargent ici, cʼest mon établissement pour une vie de famille quʼil a fallu continuer. Ensuite quoique mon ménage soit parfaitement reglé et que jʼaye des gens fort honnêtes, vous sentez bien quʼavec mes occupations je ne saurois surveiller toutes les petites économies, comme le feroit une femme bonne ménagère.
Outre la belle nature il y a ici des élémens assez agréables de société. Je passe à présent une partie de mes soirées chez la comtesse de Dohna, fille du célèbre général Scharnhorst – cʼest une femme fort aimable et dʼun esprit cultivé. Son mari, colonel dʼun regiment dʼhulans cantonné ici, est un militaire distingué, et en même temps lʼhomme le plus doux, le plus modeste et le plus ami des lumières quʼon puisse rencontrer. Il descend de ce comte de Dohna qui a bâti Coppet. Parmi nos professeurs il y a plusieurs hommes vraiment distingués.
Je me rejouis fort des bonnes nouvelles que vous me donnez de la santé de votre sœur et de Mr de Broglie. Puisque votre sœur se porte bien, elle devroit mʼécrire – mais je lui pardonne son silence – je suis un adorateur dedaigné, cʼest mon état habituel.
Je vous ai vu attaqué dans la Minerve, loué dans le Courier etc. Au moins vous paroissez avoir produit de lʼeffet. Je vous avoue que je ne comprends rien à ce qui se passe à Paris – cʼest un mystère pour moi, quoique je suive les journaux très exactement.
Adieu, mon cher Auguste, je suis en train de jaser, mais il faut reserver quelque chose pour nos entretiens du printemps prochain – mille et mille amitiés.
25 Dec. Une indisposition a retardé le départ de ma lettre. Il mʼa pris subitement un rheumatisme dans la tête qui mʼa donné de violens maux dʼoreilles, de sorte que je nʼai pas pu transcrire mon article. Cʼest un effet de la saison, et cʼest déjà passé. Je nʼai encore rien de Berlin.
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Bonn 23 Dec. 1819
Je nʼai pas voulu vous répondre, mon cher Auguste, que je nʼeusse fait votre commission. Jʼavois vu cet infame article dans plusieurs gazettes allemandes, mais cela me paroissoit trop vulgaire et trop absurde pour sʼen occuper, au moins je ne voulois rien faire sans vous consulter. Vous mʼavez prévenu, mais après avoir reçu votre lettre, jʼai voulu remonter à la source de ces mensonges, et jʼai été quelques jours avant de pouvoir lʼattraper. Voici la déclaration que jʼenvoye aujourdʼhui à Cotta; jʼespère quʼil ne fera point de difficulté de lʼinsérer dans la gazette universelle, en tout cas jʼaurai soin dʼy donner la plus grande publicité. Mon article nʼa pas pu être aussi court que vous semblez le présumer – ce que vous avez lu dans la gazette de Berlin nʼétoit peut-être quʼune partie de tout ce tas de mensonges. Les gazettiers se sont transcrits les uns les autres et le tout est tiré dʼune note du traducteur de Bailleul. Je souhaite que vous soyez content de mon article.
Veuillez faire savoir aux Treuttel et Würtz que ma traduction avance beaucoup, et que jʼespère lʼavoir terminée en quinze jours. Ils me talonnent terriblement, faites-leur donc comprendre que je suis un écrivain célèbre et que la concurrence nʼest pas fort à craindre quand jʼai annoncé un ouvrage. Cela nʼest pas facile à traduire, jʼy mets beaucoup de peine et de temps.
Je ne saurois vous dire, mon cher Auguste, quel bien mʼa fait votre lettre. Ce nʼest pas précisément que jʼaye besoin dʼêtre consolé dans mes adversités – je ne me laisse pas décourager et je dis: O fortes peioraque passi – Cras ingens iterabimus aequor! Mais jʼai besoin de croire aux anciennes amitiés – hélas! jʼai éprouvé la difficulté de former à mon age de nouveaux liens.
Il y a quinze jours que ma lettre au ministère est partie – je pourrai bientôt avoir une réponse. Quelques jours auparavant je fus à Cologne voir le comte de Solms-Laubach qui a quitté la direction de notre université avec une profonde douleur – cʼétoit son occupation favorite. Il mʼa dit tout ce que lʼamitié peut inspirer pour me détourner de mon projet, mais sans mʼébranler. Quand je suis parti, il mʼa embrassé avec une véritable émotion. Jʼy ai mûrement réflêchi, jʼagis dʼaprès un principe honorable, et cela me donne de la sérénité et de la confiance dans lʼavenir.
Je vous suis bien reconnoissant dʼavoir écrit à Madame Necker, mais je ne voudrois pas avoir lʼair de rien demander. Ce que je vous mandois avoit pour but principal de me donner une patrie, autre que ce pays moisi dʼHanovre. Mais je pourrois vivre aussi à Genève comme étranger, et je ne tiens pas furieusement à donner des cours – je puis employer mon temps à faire des livres. Jʼai une foule dʼoccupations devant moi – je pourrois entreprendre un journal littéraire en français pour lʼEurope – une Bibliothèque universelle qui repondît à son titre. Mais on éparpille son esprit par la critique, et jʼaime mieux le concentrer dans quelque grand ouvrage. Comme je puis écrire pour la France et lʼAngleterre, et dʼun autre coté pour lʼAllemagne, jʼai plusieurs cordes à mon arc.
Mon revenu est modique, mais à la rigueur jʼen pourrois vivre. Il faut sʼinterdire les fantaisies – voilà tout. Mes besoins effectifs sont modiques – vous ne le croyez peut-être pas, je vous le prouverai par le fait. Si je continue de jouir dʼune bonne santé, et que mes travaux littéraires réussissent, je compte mettre quelque chose de coté pour lʼavenir, afin de reparer la brêche des Tottié. Si jamais je faisois une pension à ma femme, ce seroit par pure générosité – et cela nʼiroit pas au-delà de mille francs. Mais je nʼen vois aucune probabilité – elle ne la mérite pas par ses procédés – dʼailleurs elle vit auprès de ses parens, et elle doit hériter de son père.
Il y a du bon et du mauvais dans toutes choses – si ma femme mʼavoit suivie ici, si elle sʼétoit conduite comme elle devoit, si nous avions eu un enfant, jʼen aurois été fort heureux, mais je nʼaurois pas été aussi libre pour prendre une résolution. – Ce qui mʼa fait dépenser beaucoup dʼargent ici, cʼest mon établissement pour une vie de famille quʼil a fallu continuer. Ensuite quoique mon ménage soit parfaitement reglé et que jʼaye des gens fort honnêtes, vous sentez bien quʼavec mes occupations je ne saurois surveiller toutes les petites économies, comme le feroit une femme bonne ménagère.
Outre la belle nature il y a ici des élémens assez agréables de société. Je passe à présent une partie de mes soirées chez la comtesse de Dohna, fille du célèbre général Scharnhorst – cʼest une femme fort aimable et dʼun esprit cultivé. Son mari, colonel dʼun regiment dʼhulans cantonné ici, est un militaire distingué, et en même temps lʼhomme le plus doux, le plus modeste et le plus ami des lumières quʼon puisse rencontrer. Il descend de ce comte de Dohna qui a bâti Coppet. Parmi nos professeurs il y a plusieurs hommes vraiment distingués.
Je me rejouis fort des bonnes nouvelles que vous me donnez de la santé de votre sœur et de Mr de Broglie. Puisque votre sœur se porte bien, elle devroit mʼécrire – mais je lui pardonne son silence – je suis un adorateur dedaigné, cʼest mon état habituel.
Je vous ai vu attaqué dans la Minerve, loué dans le Courier etc. Au moins vous paroissez avoir produit de lʼeffet. Je vous avoue que je ne comprends rien à ce qui se passe à Paris – cʼest un mystère pour moi, quoique je suive les journaux très exactement.
Adieu, mon cher Auguste, je suis en train de jaser, mais il faut reserver quelque chose pour nos entretiens du printemps prochain – mille et mille amitiés.
25 Dec. Une indisposition a retardé le départ de ma lettre. Il mʼa pris subitement un rheumatisme dans la tête qui mʼa donné de violens maux dʼoreilles, de sorte que je nʼai pas pu transcrire mon article. Cʼest un effet de la saison, et cʼest déjà passé. Je nʼai encore rien de Berlin.
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