Monsieur
Les circonstances et lʼinterruption du cours des postes mʼont empêché de répondre plutôt à la lettre intéressante que Vous mʼavez fait lʼhonneur de mʼécrire le 8 Mai. Je crains bien que ces temps orageux nʼayent aussi troublé Vos savans travaux, et arrêté Votre bel ouvrage sur les monumens indiens que je désirerais bien voir achevé.
Il faut espérer quʼune paix durable et vraiment européenne ramenera enfin le calme dans les esprits, quʼelle favorisera les recherches paisibles, et les communications entre les savans de différens pays qui, par leur vocation, doivent être cosmopolites.
Jʼai reçu par Mr de Staël les livres que Vous avez eu la bonté de me procurer, et il a eu soin dʼacquitter dʼabord ma dette. Vous mʼobligeriez beaucoup si Vous vouliez faire venir pour moi lʼAmarasinha, la premiere fois que Vous commanderez des livres en Angleterre. Cʼest le livre qui me manque le plus, faute dʼun autre dictionnaire. Cependant cela ne presse pas extrêmement puisque je nʼen pourrai faire usage quʼau printemps prochain. – Au reste je continue lʼétude de lʼIndien avec patience, et même avec passion: mais jʼai souvent lieu de regretter les secours de lʼexcellent Mr Bopp. Il y a une grande lacune entre [2] la connaissance de la grammaire, et la lecture des originaux, lacune que jusquʼici les Anglais ne se sont pas soucié de remplir. Mr Chézy devrait bien nous donner une Chrestomathie indienne, avec une exacte analyse grammaticale, et tous les secours dʼune interprétation méthodique. En rendant compte de ses deux programmes dans la Gazette littéraire de Heidelberg jʼai parlé de lʼétude de lʼIndien en général; jʼai avant tout conseillé le voyage de Paris à ceux de mes compatriotes qui veulent sʼy vouer, et à cette occasion je nʼai pu mʼempêcher de rendre hommage à votre vaste savoir, et à votre bonté prévenante pour les hommes de lettres étrangers, que mon frere et moi nous avons également éprouvé.
Je suis à la veille de partir pour lʼItalie, où je compte passer lʼhyver. Je ne sais pas encore quand jʼaurai le bonheur de Vous revoir à Paris. En attendant je Vous prie de me conserver un souvenir bienveillant, et dʼagréer lʼassurance de ma considération très-distinguée et de mes sentimens les plus empressés.
V.[otre] tr.[ès] h.[umble] et tr.[ès] ob[éissan]t serviteur
A. W. de Schlegel
Veuillez me rappeler au souvenir de ceux de messieurs Vos Collegues que jʼai eu lʼhonneur de connaître.
Au cas que Vous voulussiez mʼhonorer de quelques lignes, vous pourriez toujours les adresser ici malgré mon absence.
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