Monsieur
Votre Lettre du 15 Janvier ne mʼest parvenue que depuis peu avec le XIV Volume des Recherches Asiatiques dont je vous suis bien reconnoissant. Je ne sais pas pourquoi le libraire Allemand mʼa expedié ce livre par le détour de Breme; le paquet a retardé la lettre – je vous prie dʼexcuser le delai involontaire de ma réponse.
Jʼai été charmé dʼapprendre que vous avez fondé une Société Asiatique à Londres. Je vois par le Journal de celle de Paris que vous vous êtes formellement constitués, mais jusquʼici je nʼai rien reçu de vos actes imprimés. Jʼespère les plus heureux résultats de cette réunion. La société Asiatique de Paris ne laisse pas que dʼêtre utile en offrant par son Journal un moyen rapide de communication littéraire. Mais elle est trop gênée dans ses moyens pécuniaires. Le projet de faire exécuter des caractères Devanagari nʼa pas encore été realisé. Il seroit digne de la munificence Angloise de former une imprimerie polyglotte pour lʼusage de la Société Asiatique de Londres.
Je me propose dʼaller en Angleterre dans le mois dʼAoût et dʼy rester jusquʼà la fin dʼOctobre. Mais on mʼa effrayé en mʼassurant que pendant les mois dʼAoût et de Septembre toutes les bibliothèques publiques sont fermées à cause des vacances. Cela me contrarieroit fort: mes cours et mes autres travaux mʼont empêché de choisir une autre saison. Vous mʼobligeriez infiniment, Monsieur, si vous vouliez avoir la bonté de prendre des informations [2] là dessus et de me les communiquer par quelques lignes. Quand même les bibliothèques seroient fermées pour le public, nʼy auroit il pas moyen dʼobtenir de lʼaccès pendant cette epoque par une faveur particulière? Il sʼagiroit seulement de mettre de coté quelques manuscrits, sur lesquels je voudrois travailler. Cʼest Mr Wilkins, je pense qui dispose de la bibliothèque de la compagnie des Indes et S.[ir] Humphry Davy, de qui jʼai lʼhonneur dʼêtre personnellement connu, de celle du Musée Britannique.
Comme je projette une édition critique du Hitopadesa et une impression complette du Ramayana il mʼimporteroit de passer en revue le plus grand nombre de manuscrits possible de ces deux ouvrages, qui se trouvent soit dans les bibliotheques publiques – soit dans des collections particulières.
Je compte amener avec moi à Londres un de mes écoliers et de lʼy laisser, pour collationner et transcrire à loisir. Cʼest un jeune Norvégien qui sʼest entièrement voué à lʼétude du Sanscrit, et à lʼexactitude et lʼintelligence duquel je peux me fier.
Le 4e cahier de ma Bibliothèque Indienne vient de paroître, les dernières feuilles de mon Bhagavat Gita sʼimpriment. Jʼaurai lʼhonneur de vous apporter moi-même lʼun et lʼautre. Mr Bernstein professeur à Breslau a publié un petit essai de lithographie en Devanagari qui à mon gré a réussi à merveille. Lʼacademie [3] Royale de Berlin fait faire une nouvelle fonte de mes caracteres, mais je ne crois pas que cela soit déjà terminé. Je vous apporterai quelques échantillons de mes lettres, et vous jugerez alors de la bonté de la methode. Il est difficile dʼen concevoir le mécanisme sans lʼavoir vu. – Nous sommes maintenant trois professeurs dans les universités Prussiennes qui donnons des leçons de Sanscrit: Mr Bopp à Berlin, Mr Bernstein et moi ici. Lorsque les livres seront devenus plus accessibles cette étude sera peut-être plus répandue en Allemagne que nulle part ailleurs en Europe.
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