Nous sommes maintenant en voyage depuis neuf jours et nous avons déjà fait beaucoup de chemin. Depuis le lac de Thun nous sommes toujours à pied, nous marchons comme des conscrits. J’ai été tenté extrêmement de descendre tout à fait cette charmante vallée jusqu’au lac Majeur, mais il faudroit revenir sur ses pas, et je ne veux pas perdre le tems destiné pour les petits cantons. Nous repasserons donc demain le St-Gothard et en trois jours nous serons à Lucerne. Je n’apprends rien de ce qui se passe dans le monde, les premières gazettes que j’aye vues depuis Berne, c’est un capucin de l’hospice au pié de la Fourche qui me les a données. Mais je me passerais de toutes les gazettes du monde pour avoir une lettre de vous. Patience jusqu’à Lucerne! Je vous ai écrit deux fois, de Berne et de Meyringen. Le beau temps paroît de nouveau favoriser mon voyage; cette circonstance décide principalement de ce que je pourrai voir. Je crois que je vous écrirai à Appelzel qui m’éloigne trop, pour avoir le temps de revenir ensuite de Berne par Fribourg et la Val Sainte à Vevay. Je vous écrirai cela plus exactement, mais en tout cas je suis trop rempli d’une sainte horreur d’enfreindre vos ordres, pour outrepasser le jour fixé pour mon retour, c’est-à-dire le 20 août.
Adieu, chère amie, je fais mille compliments à Mad[ame] Rée[amier], j’embrasse Albertine et je vous prie de saluer cordialement Auguste de ma part.