• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bern · Place of Destination: Unknown · Date: 20.02.1812
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bern
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 20.02.1812
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 364‒365.
  • Incipit: „[Jeudi] Berne ce 20 février 1812.
    Chère amie, je suis enchanté que vous n’ayez pas trop été mécontente de mes pauvres notes [...]“
    Language
  • French
[Jeudi] Berne ce 20 février 1812.
Chère amie, je suis enchanté que vous n’ayez pas trop été mécontente de mes pauvres notes sur Camoëns, que je vous ai vraiment envoyées faute de mieux. Cela me fait croire que nous aurons beaucoup de plaisir à recauser littérature ensemble. Seulement vous me reprochez, plus que jamais, que je m’enfouis dans le vieux et je ne suis pas au courant des nouveautés. Car, depuis quelque temps, je ne lis absolument que des bouquins et des gazettes, les deux extrêmes. Je me suis dernièrement mis en correspondance avec M. de Mulinen sur des points d’histoire suisse.
Je vous supplie de soigner votre santé d’une manière suivie, c’est la base de tout, et en se soumettant pendant quelque tems à des gênes et des précautions on s’en tire plus vite. J’espère que la saison favorisera votre séjour à la campagne, du moins ici le printemps s’avance à grands pas. La neige se fond, les rivières sont toutes gonflées, on peut déjà faire de belles promenades.
J’avois quelques nouvelles à vous mander, mais elles sont devenues vieilles depuis dimanche. Vous aurez déjà vu dans la gazette suisse l’occupation militaire de la Poméranie suédoise par les Fr[ançois]; je ne puis qu’y ajouter quelques détails. C’étoit la division Friand qui étoit jusqu’ici dans le Mecklembourg; elle reçut subitement ordre de marcher dans la Poméranie, mais elle a d’abord été remplacée dans le Mecklembourg par la division de Compans plus forte que la première; voilà ce que m’a dit un gentilhomme mecklembourgeois. Ils n’ont pas seulement occupé la terre ferme, mais ils ont passé dans l’île de Rugen. Cela paroît être un procédé singulier envers la Suède, mais je crois bien que c’est principalement dirigé contre la Prusse, d’autant plus qu’ils ont quasi occupé une petite ile à l’embouchure de l’Oder, soit Usedom ou Wollin, comme un membre du Gouvernement m’a assuré. Cela se conçoit fort bien en regardant la carte. Ils occupent encore la forteresse de Stettin qui est près de là et tout cela forme une pointe.
Pour la paix avec la Turquie, mes nouvelles sont différentes des vôtres; on la dit en effet à la veille d’être conclue; dans le nord la guerre ne saurait manquer d’éclater bientôt, le gouvernement fr[ançais] a demandé l’occupation de Riga pour mieux faire observer le système continental. On parle d’un conseil de régence qui seroit formé pendant l’absence de l’Emp[ereur] et présidé par Berthier; je tiens tout cela de la même source.
Beaumesnil préfet à Tortosa, cela est plaisant en effet, les niais et les sots sont donc faits pour gouverner? Y amène-t-il sa jolie femme? J’ai lu avec un certain plaisir dans les gazettes que M. Savoye Rollin sera probablement destitué.
Vous avez bien raison dans vos conseils littéraires, cependant des morceaux détachés dans des journaux sont une bonne méthode pour prendre possession d’une branche de littérature dans laquelle on ne s’est pas encore montré – c’est ce que j’ai fait cet automne et cet hyver à l’égard de l’histoire de notre poésie. Je vois que ceux qui travaillent là-dessus ont été frappés de la force avec laquelle je m’y suis montré la première fois, après m’être préparé pendant nombre d’années.
Dites à Mad[ame] N[ecker de Saussure] que sa traduction me montrera comment j’aurois dû écrire d’abord, et que j’aurois envie, lorsque son travail sera achevé, de le retraduire. La contagion du langage poudreux des écoles en Allemagne est telle qu’il en reste toujours des traces, quelqu’envie qu’on ait de s’énoncer d’une manière tout à fait simple, libérale et élégante. Les précautions que vous me prescrivez en lui écrivant m’ont fait sourire. Ce seroit comique à dire: J’ai une intrigue avec une femme qui, si elle étoit découverte, mettroit sa famille dans la désolation. – Elle vous aime donc? – Non, elle me traduit.
Dites à Favre que tout nouveau marié qu’il est, et ne cesse d’être, lorsque je serai de retour, je réclamerai les secours de son érudition.
Je me suis vivement intéressé au bonheur de M. O. d’Eclepens. Il est bien fâcheux qu’Albert soit malade dans cette époque-ci. J’espère toutefois que cela ne sera pas sérieux.
Adieu, chère amie, je me fais une fête de vous revoir.
J’ai pris dix louis chez M. Guyot.
[Jeudi] Berne ce 20 février 1812.
Chère amie, je suis enchanté que vous n’ayez pas trop été mécontente de mes pauvres notes sur Camoëns, que je vous ai vraiment envoyées faute de mieux. Cela me fait croire que nous aurons beaucoup de plaisir à recauser littérature ensemble. Seulement vous me reprochez, plus que jamais, que je m’enfouis dans le vieux et je ne suis pas au courant des nouveautés. Car, depuis quelque temps, je ne lis absolument que des bouquins et des gazettes, les deux extrêmes. Je me suis dernièrement mis en correspondance avec M. de Mulinen sur des points d’histoire suisse.
Je vous supplie de soigner votre santé d’une manière suivie, c’est la base de tout, et en se soumettant pendant quelque tems à des gênes et des précautions on s’en tire plus vite. J’espère que la saison favorisera votre séjour à la campagne, du moins ici le printemps s’avance à grands pas. La neige se fond, les rivières sont toutes gonflées, on peut déjà faire de belles promenades.
J’avois quelques nouvelles à vous mander, mais elles sont devenues vieilles depuis dimanche. Vous aurez déjà vu dans la gazette suisse l’occupation militaire de la Poméranie suédoise par les Fr[ançois]; je ne puis qu’y ajouter quelques détails. C’étoit la division Friand qui étoit jusqu’ici dans le Mecklembourg; elle reçut subitement ordre de marcher dans la Poméranie, mais elle a d’abord été remplacée dans le Mecklembourg par la division de Compans plus forte que la première; voilà ce que m’a dit un gentilhomme mecklembourgeois. Ils n’ont pas seulement occupé la terre ferme, mais ils ont passé dans l’île de Rugen. Cela paroît être un procédé singulier envers la Suède, mais je crois bien que c’est principalement dirigé contre la Prusse, d’autant plus qu’ils ont quasi occupé une petite ile à l’embouchure de l’Oder, soit Usedom ou Wollin, comme un membre du Gouvernement m’a assuré. Cela se conçoit fort bien en regardant la carte. Ils occupent encore la forteresse de Stettin qui est près de là et tout cela forme une pointe.
Pour la paix avec la Turquie, mes nouvelles sont différentes des vôtres; on la dit en effet à la veille d’être conclue; dans le nord la guerre ne saurait manquer d’éclater bientôt, le gouvernement fr[ançais] a demandé l’occupation de Riga pour mieux faire observer le système continental. On parle d’un conseil de régence qui seroit formé pendant l’absence de l’Emp[ereur] et présidé par Berthier; je tiens tout cela de la même source.
Beaumesnil préfet à Tortosa, cela est plaisant en effet, les niais et les sots sont donc faits pour gouverner? Y amène-t-il sa jolie femme? J’ai lu avec un certain plaisir dans les gazettes que M. Savoye Rollin sera probablement destitué.
Vous avez bien raison dans vos conseils littéraires, cependant des morceaux détachés dans des journaux sont une bonne méthode pour prendre possession d’une branche de littérature dans laquelle on ne s’est pas encore montré – c’est ce que j’ai fait cet automne et cet hyver à l’égard de l’histoire de notre poésie. Je vois que ceux qui travaillent là-dessus ont été frappés de la force avec laquelle je m’y suis montré la première fois, après m’être préparé pendant nombre d’années.
Dites à Mad[ame] N[ecker de Saussure] que sa traduction me montrera comment j’aurois dû écrire d’abord, et que j’aurois envie, lorsque son travail sera achevé, de le retraduire. La contagion du langage poudreux des écoles en Allemagne est telle qu’il en reste toujours des traces, quelqu’envie qu’on ait de s’énoncer d’une manière tout à fait simple, libérale et élégante. Les précautions que vous me prescrivez en lui écrivant m’ont fait sourire. Ce seroit comique à dire: J’ai une intrigue avec une femme qui, si elle étoit découverte, mettroit sa famille dans la désolation. – Elle vous aime donc? – Non, elle me traduit.
Dites à Favre que tout nouveau marié qu’il est, et ne cesse d’être, lorsque je serai de retour, je réclamerai les secours de son érudition.
Je me suis vivement intéressé au bonheur de M. O. d’Eclepens. Il est bien fâcheux qu’Albert soit malade dans cette époque-ci. J’espère toutefois que cela ne sera pas sérieux.
Adieu, chère amie, je me fais une fête de vous revoir.
J’ai pris dix louis chez M. Guyot.
· Übersetzung , 20.02.1812
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 291–293.
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