Voilà un retour désagréable de l’hyver, je ne sais pas s’il en est de même chez vous, et je pense qu’à l’époque de l’année où nous sommes, cela ne sauroit être de longue durée.
Chère amie, j’attends chaque courrier avec une grande impatience les nouvelles de votre santé – ce sont au fond les seules qui m’intéressent dans ce moment. J’espère apprendre aujourd’hui que ce mieux dont vous parlez dans votre lettre continue. Je ne me figure pas que le retour de C[apelle] puisse apporter rien de nouveau, ou qui changeât la situation – ce ne sera que la continuation de ce système d'un silence obstiné.
Dans l’espérance de nous revoir bientôt il faut réserver tout ce que nous pouvons avoir à nous dire d’essentiel à nos entretiens. On est trop gêné par lettres et on ne peut jamais s’expliquer d’une manière satisfaisante.
Depuis jeudi je n’ai rien pu apprendre de nouveau sur la paix et la guerre. Les députés sont toujours ici, la nouvelle capitulation pour les troupes n’étant pas encore ratifiée.
J’ai vu le jeune Bonstetten et je l’ai d'abord questionné, comme vous imaginez bien. Il n’a su me dire autre chose sinon que vous aviez l’air abattue et fort ennuyée de votre séjour actuel. Prenez garde au climat contagieusement triste de ce pays. Je crois que cela se borne aux murs de G[enève] et que quelques lieues de distance en sauvent déjà. Quand pouvez-vous, sans inconvénient pour votre santé, quitter vos quartiers d’hyver et aller à la campagne?
Une commère d’ici m'a assuré qu’on avait déjà depuis quelque tems attendu M. de Bonstetten et qu’enfin sa cousine, Mad[ame] de Watteville, lui a écrit d’une manière pressante pour le faire venir – sa belle-mère a trouvé mauvais qu’il laissoit se morfondre son épouse future toute seule. Il paroît que dans ce mariage il n’y a pas de pas- sion violente de part ni d’autre.
Je me porte toujours bien – seulement depuis quelques jours je souffre de l’estomac, mais c’est une bagatelle. Je serai toujours prêt me mettre dans une diligence aussitôt que vous me dites que je pourrai avoir le bonheur de vous revoir et d’embrasser vos enfants. Je vous suis vraiment trop inutile à vous tous bien malgré moi. J’ai des chagrins aussi mais cela ne regarde personne.
Je m’étonne de n’apprendre rien sur votre procès. Albert n’est-il pas encore rétabli?
Adieu, chère amie. Au revoir.