• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bern · Place of Destination: Unknown · Date: 04.03.1812
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bern
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 04.03.1812
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 369‒370.
  • Incipit: „B[erne] ce 4 mars 1812.
    Comment s’il faut vivre contre tout ceci? Il faut vivre comme quatre, et il faut rassembler pour [...]“
    Language
  • French
B[erne] ce 4 mars 1812.
Comment sil faut vivre contre tout ceci? Il faut vivre comme quatre, et il faut rassembler pour cela toutes les forces de son esprit et de son caractère... Car certainement lâme a une grande influence sur le corps et il ny a rien de plus funeste pour la santé que lennui, le découragement et labandon de son propre bonheur.
Jai toujours beaucoup aimé lépigramme dun poète italien, de Guarini qui dit: „Ma vie est un arc, laction est la flèche, la pensée, la corde, moi-même je suis larcher, la gloire est le but auquel je vise.
Ce que vous me mandez comme les dernières nouvelles de Berlin mest confirmé ici de même. Cela me rappelle une conversation que jeus, il v a quelque tems, avec un ancien militaire suisse, un homme qui, avec beaucoup de rudesse, ne manque pas doriginalité. Il a beaucoup fait la guerre. Il est criblé de coups, en dernier lieu il a servi dans le régiment Roverea, il a été fort actif contre le gouvernement helvétique. Nous étions restés ensemble après souper à table dhôte. Monsieur, me dit-il, après avoir allumé sa pipe, nest-ce pas vous êtes Allemand? – Oui, monsieur. – Eh bien vous jugerez donc avec connoissance de cause. Connoissez-vous rien au monde daussi plat, daussi misérable, daussi vil que la nation allemande daujourdhui? Que Dieu memporte, disoit-il par euphémisme en frappant du poing sur la table, si tout mon sang ne bout pas dans mes veines quand jy pense seulement! – Je lui dis que je le porterois dans mon cœur de ce propos-là et là-dessus il me raconta beaucoup danecdotes dont il avoit été témoin, et nous nous séparâmes très bons amis, sans nous avoir vu auparavant ni nous revoir depuis.
Voilà les nouvelles que jai pu recueillir. Jai vu une lettre dInsbruck, un passage de troupes y avoit commencé, qui devoit durer dix jours – cétoit larmée dItalie forte de 60.000 hommes, qui, dans ce moment, traverse la Bavière. La semaine passée le vice-roi dItalie a passé par Morat et Soleure; venant du Simplon il se rendoit à Basle et probablement à Paris. Lundi le général Kellermann a passé ici, mais il paroît qu’il se rendoit directement en Allemagne par Schafhouse. J’ai mal placé dernièrement les Suisses, ils marchent toujours vers le Nord, mais ils formeront une division avec un régiment francois et des troupes croates des provinces illyriennes. Il y aura là Diverse lingue orribili favelle. Du reste les Suisses servent encore sans capitulation assurée; les négociations sont accrochées parce qu’un courrier envoyé à Paris ne revient pas. Les députés sont toujours ici.
Mercredi soir. Je viens de recevoir votre lettre du 2. Je me tiendrai prêt pour le 13, vendredi en huit, et je me fais un grand plaisir de vous revoir et de causer avec vous. j’observe les nuances de voß lettres et je vous trouve un peu remontée. J’auroi[s] souhaité que Koreff eût pu assister à la consultation de vos médecins, non pas que je voulusse vous confier à lui seul, mais je crois que son opinion parmi celle des autres seroit de quelque utilité. Il y a ici, après le départ de Schufferti, encore un médecin d’une grande habileté nommé Tribolet. Koreff m’a donné une très haute idée de lui, peut-être pourriez-vous le consulter dans l’occasion.
Comment pouvez-vous croire un mot de tout ce que vous dit C[apelle]? Il ne débite qu’un tas de bêtises, de sottises et de mensonges – il se vante de propos qu’il n’a jamais osé tenir et qui auroient été les plus inconvenables du monde. Il est assez drôle que vous me citiez les autorités constituées comme autorités irréfragables en fait de sentimens. Si M. C[apelle] se mêle de cela et qu’il veut faire le colporteur des passions secrètes à G[enève], il pourra obliger beaucoup de personnes.
Ne croyez pas un mot de ce qu’il vous a dit sur le pays de Frédéric. Ce sont précisément des bruits de cette espèce répandus exprès qui ont fait baisser si fort le change, mais il est déjà remonte subitement, à peu près de 280 à 260.
J’ai vu par les gazettes de Vienne que le cours de mon frère a lieu. On y a fondé une académie et M. de Metternich, comme président, atenu un discours sur le but de cette institution. On m’en a promis la lecture et j’en suis en effet très curieux, car je pense bien reconnoître la plume dont il se sera servi.
Adieu, chère amie, je fais des vœux pour votre prompt rétablissement. Je suis bien fâché de ne pas trouver Auguste auprès de vous, lorsque nous nous reverrons. Vous me trouverez bien peu amusant, car je ne viens pas de Paris, ni de nul autre point où l’on puisse amasser des faits et des anecdotes.
B[erne] ce 4 mars 1812.
Comment sil faut vivre contre tout ceci? Il faut vivre comme quatre, et il faut rassembler pour cela toutes les forces de son esprit et de son caractère... Car certainement lâme a une grande influence sur le corps et il ny a rien de plus funeste pour la santé que lennui, le découragement et labandon de son propre bonheur.
Jai toujours beaucoup aimé lépigramme dun poète italien, de Guarini qui dit: „Ma vie est un arc, laction est la flèche, la pensée, la corde, moi-même je suis larcher, la gloire est le but auquel je vise.
Ce que vous me mandez comme les dernières nouvelles de Berlin mest confirmé ici de même. Cela me rappelle une conversation que jeus, il v a quelque tems, avec un ancien militaire suisse, un homme qui, avec beaucoup de rudesse, ne manque pas doriginalité. Il a beaucoup fait la guerre. Il est criblé de coups, en dernier lieu il a servi dans le régiment Roverea, il a été fort actif contre le gouvernement helvétique. Nous étions restés ensemble après souper à table dhôte. Monsieur, me dit-il, après avoir allumé sa pipe, nest-ce pas vous êtes Allemand? – Oui, monsieur. – Eh bien vous jugerez donc avec connoissance de cause. Connoissez-vous rien au monde daussi plat, daussi misérable, daussi vil que la nation allemande daujourdhui? Que Dieu memporte, disoit-il par euphémisme en frappant du poing sur la table, si tout mon sang ne bout pas dans mes veines quand jy pense seulement! – Je lui dis que je le porterois dans mon cœur de ce propos-là et là-dessus il me raconta beaucoup danecdotes dont il avoit été témoin, et nous nous séparâmes très bons amis, sans nous avoir vu auparavant ni nous revoir depuis.
Voilà les nouvelles que jai pu recueillir. Jai vu une lettre dInsbruck, un passage de troupes y avoit commencé, qui devoit durer dix jours – cétoit larmée dItalie forte de 60.000 hommes, qui, dans ce moment, traverse la Bavière. La semaine passée le vice-roi dItalie a passé par Morat et Soleure; venant du Simplon il se rendoit à Basle et probablement à Paris. Lundi le général Kellermann a passé ici, mais il paroît qu’il se rendoit directement en Allemagne par Schafhouse. J’ai mal placé dernièrement les Suisses, ils marchent toujours vers le Nord, mais ils formeront une division avec un régiment francois et des troupes croates des provinces illyriennes. Il y aura là Diverse lingue orribili favelle. Du reste les Suisses servent encore sans capitulation assurée; les négociations sont accrochées parce qu’un courrier envoyé à Paris ne revient pas. Les députés sont toujours ici.
Mercredi soir. Je viens de recevoir votre lettre du 2. Je me tiendrai prêt pour le 13, vendredi en huit, et je me fais un grand plaisir de vous revoir et de causer avec vous. j’observe les nuances de voß lettres et je vous trouve un peu remontée. J’auroi[s] souhaité que Koreff eût pu assister à la consultation de vos médecins, non pas que je voulusse vous confier à lui seul, mais je crois que son opinion parmi celle des autres seroit de quelque utilité. Il y a ici, après le départ de Schufferti, encore un médecin d’une grande habileté nommé Tribolet. Koreff m’a donné une très haute idée de lui, peut-être pourriez-vous le consulter dans l’occasion.
Comment pouvez-vous croire un mot de tout ce que vous dit C[apelle]? Il ne débite qu’un tas de bêtises, de sottises et de mensonges – il se vante de propos qu’il n’a jamais osé tenir et qui auroient été les plus inconvenables du monde. Il est assez drôle que vous me citiez les autorités constituées comme autorités irréfragables en fait de sentimens. Si M. C[apelle] se mêle de cela et qu’il veut faire le colporteur des passions secrètes à G[enève], il pourra obliger beaucoup de personnes.
Ne croyez pas un mot de ce qu’il vous a dit sur le pays de Frédéric. Ce sont précisément des bruits de cette espèce répandus exprès qui ont fait baisser si fort le change, mais il est déjà remonte subitement, à peu près de 280 à 260.
J’ai vu par les gazettes de Vienne que le cours de mon frère a lieu. On y a fondé une académie et M. de Metternich, comme président, atenu un discours sur le but de cette institution. On m’en a promis la lecture et j’en suis en effet très curieux, car je pense bien reconnoître la plume dont il se sera servi.
Adieu, chère amie, je fais des vœux pour votre prompt rétablissement. Je suis bien fâché de ne pas trouver Auguste auprès de vous, lorsque nous nous reverrons. Vous me trouverez bien peu amusant, car je ne viens pas de Paris, ni de nul autre point où l’on puisse amasser des faits et des anecdotes.
· Übersetzung , 04.03.1812
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 296–298.
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