• August Wilhelm von Schlegel to Albertine Ida Gustavine de Broglie

  • Place of Dispatch: Heidelberg · Place of Destination: Unknown · Date: 19.08.1818
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Albertine Ida Gustavine de Broglie
  • Place of Dispatch: Heidelberg
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 19.08.1818
    Printed Text
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: 335973167
  • Bibliography: Krisenjahre der Frühromantik. Briefe aus dem Schlegelkreis. Hg. v. Josef Körner. Bd. 2. Der Texte zweite Hälfte. 1809‒1844. Bern u.a. ²1969, S. 314‒316.
  • Incipit: „Heidelberg 19 Août 1818
    Chere et adorable Albertine, jʼai depuis quelques jours votre lettre du 9 de ce mois. Chaque ligne de [...]“
    Language
  • French
Heidelberg 19 Août 1818
Chere et adorable Albertine, jʼai depuis quelques jours votre lettre du 9 de ce mois. Chaque ligne de votre main mʼest précieuse, mais il me tarde bien dʼavoir votre réponse à ma dernière lettre qui vous annonçoit les nouveaux liens que je viens de former ici. Ils ne doivent pas diminuer votre amitié pour moi. Tout me trompe, ou Sophie vous plaira beaucoup, lorsque vous la connoîtrez – mais en attendant je vous prie, je vous conjure à genoux de lʼaimer un peu dʼavance. Cʼest une bien noble et belle créature – belle de la beauté dʼame – qui a voulu me confier son sort. Sa manière sérieuse de penser, la fermeté de son caractère, est voilée par les manières les plus douces et les plus modestes. Chaque jour confirme mon bonheur – je ne saurois douter de son sentiment pour moi, quoiquʼil me paroisse inconcevable – elle le manifeste avec le plus aimable abandon – et je ne saurois vous décrire la grace quʼelle développe dans cette douce intimité. – Les nôces auront lieu vers la fin de ce mois – ce qui les a fait différer de quelques jours après les formalités remplies, cʼest que nous nʼavons point encore de demeure. Nous aurons un joli petit appartement dans la maison des parens, où nous passerons un hyver bien heureux, sʼil plait à Dieu.
Vous me demandez où jʼen suis avec la Prusse. Je nʼai rien eu depuis une lettre infiniment flatteuse du ministre dʼAltenstein qui mʼannonce incessamment ma vocation officielle, approuvée par le Roi. À vous parler en confidence, cʼest un gouvernement un peu incohérent et dégingandé. On me dit à présent quʼon se bornera cet hyver à faire un petit commencement avec lʼuniversité de Bonn, et que lʼinstallation formelle nʼaura lieu quʼau printemps. Voilà qui est tout simple, cʼest une vaste entreprise que de fonder une université sur un grand pied – mais de penser que jʼirai là mʼennuyer avec quatre ou cinq professeurs et bailler aux corneilles en attendant des écoliers – es por lo excusado! Je suis donc décidé à ne pas entrer en fonction cet automne, et je profiteroi de cet hyver pour préparer des cours ou composer quelque ouvrage. Mais je vous avoue que jʼai une envie démesurée de faire auparavant une course rapide en Suisse. Je voudrois revoir Coppet, le sanctuaire de mes souvenirs les plus chers et les plus douloureux, auxquels je resterai attaché jusquʼau dernier soufle de ma vie. Je voudrois vous revoir, vous et la famille, vous présenter Sophie, et reclouer votre bienveillance pour elle. Dites-moi franchement, si cette visite vous convient ou non? Il faut nous encourager, car nous sommes fort timides. Si vous voulez nous recevoir, je partirois dʼici vers la mi-Septembre, je passerois quinze jours entre Coppet et Genève, et je serois de retour ici avant la fin dʼOctobre. – Je me fais un grand plaisir de faire voir à Sophie ce beau pays – et lʼon ne peut pas savoir si à une autre époque un tel voyage ne rencontre point dʼobstacle. Mais il lui faudra un effort pour vaincre sa timidité et parler françois, quoiquʼelle le sache fort bien, assez bien pour avoir profondément admiré Corinne, elle a perdu la facilité de sʼexprimer faute dʼhabitude; cependant nous faisons déjà des études françoises à tout hasard et avec une grande application, pour être dignes de causer avec vous.
Un autre but de ce voyage ce seroit de renouer mes relations avec Genève que je pourrois peut-être cultiver dans la suite. Je crains ne plus trouver Auguste, puisquʼil veut retourner à Paris de bonne heure, mais vous lui rendriez compte de ce qui mʼintéresse, et vous le préviendriez en notre faveur.
Je suis bien impatient dʼavoir votre réponse, je nʼai jamais senti plus vivement le besoin dʼêtre assuré de la continuation de votre amitié. Lʼamour, chere Albertine, rend meilleur – il faut y chercher non seulement son bonheur mais son salut.
Je vous le redis encore, comme je le repense sans cesse, cʼest la généreuse bonté de votre mère qui mʼa placé dans la situation indispensable pour oser aspirer à mon bonheur actuel. Je mʼarrête pour ne pas inonder ce papier de mes larmes.
Heidelberg 19 Août 1818
Chere et adorable Albertine, jʼai depuis quelques jours votre lettre du 9 de ce mois. Chaque ligne de votre main mʼest précieuse, mais il me tarde bien dʼavoir votre réponse à ma dernière lettre qui vous annonçoit les nouveaux liens que je viens de former ici. Ils ne doivent pas diminuer votre amitié pour moi. Tout me trompe, ou Sophie vous plaira beaucoup, lorsque vous la connoîtrez – mais en attendant je vous prie, je vous conjure à genoux de lʼaimer un peu dʼavance. Cʼest une bien noble et belle créature – belle de la beauté dʼame – qui a voulu me confier son sort. Sa manière sérieuse de penser, la fermeté de son caractère, est voilée par les manières les plus douces et les plus modestes. Chaque jour confirme mon bonheur – je ne saurois douter de son sentiment pour moi, quoiquʼil me paroisse inconcevable – elle le manifeste avec le plus aimable abandon – et je ne saurois vous décrire la grace quʼelle développe dans cette douce intimité. – Les nôces auront lieu vers la fin de ce mois – ce qui les a fait différer de quelques jours après les formalités remplies, cʼest que nous nʼavons point encore de demeure. Nous aurons un joli petit appartement dans la maison des parens, où nous passerons un hyver bien heureux, sʼil plait à Dieu.
Vous me demandez où jʼen suis avec la Prusse. Je nʼai rien eu depuis une lettre infiniment flatteuse du ministre dʼAltenstein qui mʼannonce incessamment ma vocation officielle, approuvée par le Roi. À vous parler en confidence, cʼest un gouvernement un peu incohérent et dégingandé. On me dit à présent quʼon se bornera cet hyver à faire un petit commencement avec lʼuniversité de Bonn, et que lʼinstallation formelle nʼaura lieu quʼau printemps. Voilà qui est tout simple, cʼest une vaste entreprise que de fonder une université sur un grand pied – mais de penser que jʼirai là mʼennuyer avec quatre ou cinq professeurs et bailler aux corneilles en attendant des écoliers – es por lo excusado! Je suis donc décidé à ne pas entrer en fonction cet automne, et je profiteroi de cet hyver pour préparer des cours ou composer quelque ouvrage. Mais je vous avoue que jʼai une envie démesurée de faire auparavant une course rapide en Suisse. Je voudrois revoir Coppet, le sanctuaire de mes souvenirs les plus chers et les plus douloureux, auxquels je resterai attaché jusquʼau dernier soufle de ma vie. Je voudrois vous revoir, vous et la famille, vous présenter Sophie, et reclouer votre bienveillance pour elle. Dites-moi franchement, si cette visite vous convient ou non? Il faut nous encourager, car nous sommes fort timides. Si vous voulez nous recevoir, je partirois dʼici vers la mi-Septembre, je passerois quinze jours entre Coppet et Genève, et je serois de retour ici avant la fin dʼOctobre. – Je me fais un grand plaisir de faire voir à Sophie ce beau pays – et lʼon ne peut pas savoir si à une autre époque un tel voyage ne rencontre point dʼobstacle. Mais il lui faudra un effort pour vaincre sa timidité et parler françois, quoiquʼelle le sache fort bien, assez bien pour avoir profondément admiré Corinne, elle a perdu la facilité de sʼexprimer faute dʼhabitude; cependant nous faisons déjà des études françoises à tout hasard et avec une grande application, pour être dignes de causer avec vous.
Un autre but de ce voyage ce seroit de renouer mes relations avec Genève que je pourrois peut-être cultiver dans la suite. Je crains ne plus trouver Auguste, puisquʼil veut retourner à Paris de bonne heure, mais vous lui rendriez compte de ce qui mʼintéresse, et vous le préviendriez en notre faveur.
Je suis bien impatient dʼavoir votre réponse, je nʼai jamais senti plus vivement le besoin dʼêtre assuré de la continuation de votre amitié. Lʼamour, chere Albertine, rend meilleur – il faut y chercher non seulement son bonheur mais son salut.
Je vous le redis encore, comme je le repense sans cesse, cʼest la généreuse bonté de votre mère qui mʼa placé dans la situation indispensable pour oser aspirer à mon bonheur actuel. Je mʼarrête pour ne pas inonder ce papier de mes larmes.
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