• August Wilhelm von Schlegel to Guillaume Favre

  • Place of Dispatch: Clichy · Place of Destination: Genf · Date: 20.10.1814
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Guillaume Favre
  • Place of Dispatch: Clichy
  • Place of Destination: Genf
  • Date: 20.10.1814
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Adert, Jules: Mélanges dʼhistoire littéraire par Guillaume Favre. Avec des lettres inédites dʼAuguste-Guillaume Schlegel et dʼAngelo Mai. Bd. 1. Genf 1856, S. LXXIV‒LXXV.
  • Incipit: „[1] Clichy, 20 octobre 1814.
    Vous me faites lʼhonneur, Monsieur, de me demander des lettres pour Weimar et Iéna. Mes relations avec [...]“
    Manuscript
  • Provider: Genf, Bibliothèque de Genève
  • Classification Number: Ms. suppl. 968, f. 19r-20v
  • Number of Pages: 2 S., hs. m. U.
    Language
  • French
[1] Clichy, 20 octobre 1814.
Vous me faites lʼhonneur, Monsieur, de me demander des lettres pour Weimar et Iéna. Mes relations avec ce pays sont entièrement rompues, et je nʼy entretiens aucune correspondance, pas même avec mon ancien ami et maître en poésie, Gœthe. Cependant, je pense quʼil recevra toujours bien quelques lignes de ma part, et je vous envoie lʼincluse comme la seule adresse que je puisse donner.
Au reste, un Genevois de la classe de M. Rigaud, et qui montre le désir peu commun de connaître la langue et la littérature allemandes, nʼa pas besoin de recommandation, et peut être sûr dʼêtre partout bien accueilli.
Weimar est bien dépeuplé par la perte de ses hommes célèbres, Herder, Schiller et Wieland. Il nʼy reste plus que Gœthe. Néanmoins je crois que le goût des lettres sʼy maintient toujours, et le théâtre est une ressource pour les étrangers.
[2] Lʼuniversité dʼIéna aussi nʼest plus ce quʼelle était. Le personnel des professeurs a tellement changé quʼils me sont inconnus pour la plupart.
Gœttingue est bien supérieur par son excellente bibliothèque, et Heidelberg par le mouvement de pensée qui y règne; mais à présent que lʼAllemagne respire après de longues agitations, M. Rigaud aura un choix libre entre tous les séjours qui pourront lui convenir.
Jʼai eu bien du regret à quitter la Suidde sitôt, et jʼai été vivement touché de lʼétat dʼafflication où je vous ai laissé. Jʼaurais souhaité vous voir plus calme avant mon départ; mais une douleur de sensibilité exerce tous ses droits sur un cœur comme le vôtre. Votre père a été votre ami intime; vous avez adouci tous les jours de sa vie; une telle relation est unique; on se sent bien seul après une perte semblable, et il faut du courage pour recommencer une nouvelle époque de la vie.
Je me rappellerai toujours avec [3] reconnaissance lʼintérêt que vous mʼavez témoigné lorsque jʼéprouvai une douleur pareille. En revenant après la bataille de Leipzig, et sous dʼheureux auspices dans mon pays natal, dont je devais me croire exilé pour toujours sans les événements de la guerre, je disais souvent à mes frères: «Pourquoi ma mère nʼa-t-elle pu voir ce jour? quelle satisfaction elle aurait éprouvée!»
Nous sommes ici assez agréablement établis, quoique dans un château un peu délâbré. Les moulins de Montmartre me séparent du fracas de Paris, et je leur en sais bon gré. Ce nʼest pas que le salon de Mme de Staël ne réunisse souvent un monde brillant, mais cette petite distance suffit pour mʼaffranchir des devoirs de société, et jʼen profite pour étudier beaucoup. Je vous entretiendrai une autre fois des résultats de mes recherches, auxquelles vous avez toujours accordé tant de faveur.
Veuillez agréer, Monsieur, les assurances de ma haute estime et de mon amitié bien sincère.
SCHLEGEL.
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[1] Clichy, 20 octobre 1814.
Vous me faites lʼhonneur, Monsieur, de me demander des lettres pour Weimar et Iéna. Mes relations avec ce pays sont entièrement rompues, et je nʼy entretiens aucune correspondance, pas même avec mon ancien ami et maître en poésie, Gœthe. Cependant, je pense quʼil recevra toujours bien quelques lignes de ma part, et je vous envoie lʼincluse comme la seule adresse que je puisse donner.
Au reste, un Genevois de la classe de M. Rigaud, et qui montre le désir peu commun de connaître la langue et la littérature allemandes, nʼa pas besoin de recommandation, et peut être sûr dʼêtre partout bien accueilli.
Weimar est bien dépeuplé par la perte de ses hommes célèbres, Herder, Schiller et Wieland. Il nʼy reste plus que Gœthe. Néanmoins je crois que le goût des lettres sʼy maintient toujours, et le théâtre est une ressource pour les étrangers.
[2] Lʼuniversité dʼIéna aussi nʼest plus ce quʼelle était. Le personnel des professeurs a tellement changé quʼils me sont inconnus pour la plupart.
Gœttingue est bien supérieur par son excellente bibliothèque, et Heidelberg par le mouvement de pensée qui y règne; mais à présent que lʼAllemagne respire après de longues agitations, M. Rigaud aura un choix libre entre tous les séjours qui pourront lui convenir.
Jʼai eu bien du regret à quitter la Suidde sitôt, et jʼai été vivement touché de lʼétat dʼafflication où je vous ai laissé. Jʼaurais souhaité vous voir plus calme avant mon départ; mais une douleur de sensibilité exerce tous ses droits sur un cœur comme le vôtre. Votre père a été votre ami intime; vous avez adouci tous les jours de sa vie; une telle relation est unique; on se sent bien seul après une perte semblable, et il faut du courage pour recommencer une nouvelle époque de la vie.
Je me rappellerai toujours avec [3] reconnaissance lʼintérêt que vous mʼavez témoigné lorsque jʼéprouvai une douleur pareille. En revenant après la bataille de Leipzig, et sous dʼheureux auspices dans mon pays natal, dont je devais me croire exilé pour toujours sans les événements de la guerre, je disais souvent à mes frères: «Pourquoi ma mère nʼa-t-elle pu voir ce jour? quelle satisfaction elle aurait éprouvée!»
Nous sommes ici assez agréablement établis, quoique dans un château un peu délâbré. Les moulins de Montmartre me séparent du fracas de Paris, et je leur en sais bon gré. Ce nʼest pas que le salon de Mme de Staël ne réunisse souvent un monde brillant, mais cette petite distance suffit pour mʼaffranchir des devoirs de société, et jʼen profite pour étudier beaucoup. Je vous entretiendrai une autre fois des résultats de mes recherches, auxquelles vous avez toujours accordé tant de faveur.
Veuillez agréer, Monsieur, les assurances de ma haute estime et de mon amitié bien sincère.
SCHLEGEL.
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