[1] Coppet. 1er. aoust.
Depuis que je ne vous ai pas écrit cher ami, jʼai à peu près recouvré lʼouie et je me trouve beaucoup mieux sans avoir pourtant adressé ma prière aux deesses du gange. Jʼadmire votre ardeur pour lʼétude, et je trouve quʼil y a en vous bien de la jeunesse, car ce quʼil y a de bon dans la jeunesse, cʼest du courage et de lʼenthousiasme et vous avez tous les deux. Nous menons ici une vie fort studieuse et qui sʼarrangeroit avec la vôtre, nous nous levons et nous couchons de bonne heure. Je traduis de lʼAllemand, je me suis mis à traduire Herder pour le lire, parceque je fais un travail sur la Bible, je la relis lis dʼun bout à lʼautre, et je suis bien aise de voir en même tems tout ce que dit Herder, mais je nʼavance guere car je trouve que le style et la pensée de Herder sont bien vagues et souvent insaississables, il est vrai [2] que la langue a bien des difficultés pour moi. Jʼétudie aussi un peu de chimie et de phisique avec Victor dans les ouvrages de M de Marcet. Voilà à quoi je passe mon tems qui coule fort doucement. Les enfants sont toujours bien. Alphonse a bien gangé depuis vous, vous le trouveriez bien plus amical, bien plus gai, mais il est encore plus retardé pour lʼinstruction car on ne lui fait rien faire du tout. Je voudrois bien que vous nous trouvassiez quelque perfection pour lui comme precepteur, il paroit quʼAuguste ne trouve rien en Angleterre. Il continue sa route vers lʼEcosse, sans beaucoup y prendre plaisir, mais il est dans une situation où tout lui est pénible. Nos projets pour cette année sont fort incertains, nous resterons ici autant que le climat le permettra, les affaires vont si mal en France que jʼai bien peu envie dʼy [3] retourner excepté pour le devoir de la session; Que dites vous de ces Grecs quʼon abandonne et de ces Espagnols quʼon pousse à la guerre civile. Et comme la providence sʼest montré grande et poetique dans sa justice, sur cet infame, Capitan Pacha, dont le cadavre à demi brulé a été jetté sur les cotes de lʼisle de Kio quʼil avoit mis à feu et à sang. Ce sont de grands tems que ceux où nous vivons bien que nous soyons dans une mauvaise periode. Durera t-elle 12 mille [...] comme vos periodes Indiennes jʼespère que non. Adieu cher ami, écrivez moi dans ma solitude, vos lettres me seront un grand plaisir, je pense souvent à vous, votre buste préside tous les jours à notre diner dʼun air grave et serin. Adieu encore mille bien tendres amities
[4] Monsieur
August W. de Schlegel.
à Bonn.
Province Prussienne du Rhin
Depuis que je ne vous ai pas écrit cher ami, jʼai à peu près recouvré lʼouie et je me trouve beaucoup mieux sans avoir pourtant adressé ma prière aux deesses du gange. Jʼadmire votre ardeur pour lʼétude, et je trouve quʼil y a en vous bien de la jeunesse, car ce quʼil y a de bon dans la jeunesse, cʼest du courage et de lʼenthousiasme et vous avez tous les deux. Nous menons ici une vie fort studieuse et qui sʼarrangeroit avec la vôtre, nous nous levons et nous couchons de bonne heure. Je traduis de lʼAllemand, je me suis mis à traduire Herder pour le lire, parceque je fais un travail sur la Bible, je la relis lis dʼun bout à lʼautre, et je suis bien aise de voir en même tems tout ce que dit Herder, mais je nʼavance guere car je trouve que le style et la pensée de Herder sont bien vagues et souvent insaississables, il est vrai [2] que la langue a bien des difficultés pour moi. Jʼétudie aussi un peu de chimie et de phisique avec Victor dans les ouvrages de M de Marcet. Voilà à quoi je passe mon tems qui coule fort doucement. Les enfants sont toujours bien. Alphonse a bien gangé depuis vous, vous le trouveriez bien plus amical, bien plus gai, mais il est encore plus retardé pour lʼinstruction car on ne lui fait rien faire du tout. Je voudrois bien que vous nous trouvassiez quelque perfection pour lui comme precepteur, il paroit quʼAuguste ne trouve rien en Angleterre. Il continue sa route vers lʼEcosse, sans beaucoup y prendre plaisir, mais il est dans une situation où tout lui est pénible. Nos projets pour cette année sont fort incertains, nous resterons ici autant que le climat le permettra, les affaires vont si mal en France que jʼai bien peu envie dʼy [3] retourner excepté pour le devoir de la session; Que dites vous de ces Grecs quʼon abandonne et de ces Espagnols quʼon pousse à la guerre civile. Et comme la providence sʼest montré grande et poetique dans sa justice, sur cet infame, Capitan Pacha, dont le cadavre à demi brulé a été jetté sur les cotes de lʼisle de Kio quʼil avoit mis à feu et à sang. Ce sont de grands tems que ceux où nous vivons bien que nous soyons dans une mauvaise periode. Durera t-elle 12 mille [...] comme vos periodes Indiennes jʼespère que non. Adieu cher ami, écrivez moi dans ma solitude, vos lettres me seront un grand plaisir, je pense souvent à vous, votre buste préside tous les jours à notre diner dʼun air grave et serin. Adieu encore mille bien tendres amities
[4] Monsieur
August W. de Schlegel.
à Bonn.
Province Prussienne du Rhin