[1] J’ai reçu votre bonne lettre cher ami déjà établie dans la Rue de l’université, me reposant de toutes les agitations et le tourbillon du monde. Je compte m’en reposer encore mieux dans deux mois en allant à Broglie où je passerai tout l’été et l’automne, attendant la réalisation de votre aimable promesse de venir nous voir c’est vraiment un beau lieu que Broglie et qu’il est necessaire que nous voyions une fois ensemble. Albert y sera justement à l’époque des vacances, il vous sera doux de voir comme son coeur et son esprit se développe, il a le désir d’apprendre [2] de connoître enfin il est bien digne d’être votre disciple. Louise qui n’est pas aussi studieuse est bien belle, spirituelle, et bonne enfant, le petit Paul fait notre joie il est plein de gaité et d’un mouvement d’esprit continuel. Ma soeur qui va nous arriver sous peu de jours jouira beaucoup de lui, car elle sait apprecier le bonheur des autres avec un désinteressement admirable. Mr Doudan compte profiter de ses loisirs pour vous écrire, il prend très bien son parti de tous les changemens de situation.
Mon mari s’est remis à ces occupations avec sa serenité accoutumée. Mr de [3] La Martine vient de publier un poeme qui a un assez grand succes il y a beaucoup de beautés avec de grands défauts les inconveniens du tems actuel qu’il a adopté entièrement. C’est bien dommage que le dévergondage du tems gout actuel déprave les esprits les plus purs. Je pense que vous renie[z] tout ces enfans illegitimes et difformes des doctrines romantiques.
Je laisse la politique de coté, elle va cahin caha le ministère marche bien petitement mais le pays est tranquille.
Adieu cher ami, parlez moi de vos belles études venez nous voir et croyez à mon tendre attachement
ce 8 mars
Staël de Broglie
[4] Allemagne
Monsieur
A. W. de Schlegel
à Bonn
Province Prussienne du Rhin