Jʼai mille pardons à Vous demander dʼavoir pu tarder si long-temps à Vous témoigner ma reconnaissance et mon admiration. Mais Vous mʼaurez déjà excusé en apprenant la perte cruelle que jʼai faite par la mort de Madame de Staël à laquelle lʼamitié la plus intime me lioit depuis treize ans. Je redoutois lʼissue fatale de sa maladie, long-temps dʼavance, et mes inquiétudes continuelles me rendoient incapables de toute étude et de tout autre soin que de celui de lui procurer quelques moments de soulagement et de distraction. Immédiatement après la mort de mon illustre protectrice, jʼai été en Suisse pour lui rendre les derniers honneurs. Seulement depuis mon retour jʼai pu trouver assez de tranquillité pour étudier avec lʼattention quʼils méritent les excellents ouvrages que Vous avez eu la bonté de mʼenvoyer. Vous avez porté la lumière dans un chaos, Monsieur, Vous avez fait faire un pas de géant à lʼétude trop long-temps négligée de la langue provençale, et Vos travaux remplissent une vaste lacune dans lʼhistoire littéraire du moyenage. Je désirerois bien avoir un entretien avec Vous sur ce sujet. Je craindrois dʼempiéter sur les droits de votre retraite savante en allant Vous faire une visite à Passy, mais si vous vouliez me donner un rendez-vous à Paris, soit à la Bibliotheque de lʼInstitut, soit ailleurs, je mʼy rendrois avec le plus grand empressement.
Veuillez agréer, Monsieur, lʼassurance de ma considération la plus distinguée.
V.[otre] tr.[ès] h.[umble] & tr.[ès] ob.[éissan]t serviteur
A. W. de Schlegel
Paris 5 Sept. 1817
Faub.[ourg] St. Honoré Rue dʼAnjou N° 8