• August Wilhelm von Schlegel to Pavel L. Šilling

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: Sankt Petersburg · Date: [Ende Januar 1825]
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
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    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Pavel L. Šilling
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: Sankt Petersburg
  • Date: [Ende Januar 1825]
  • Notations: Datum sowie Absende- und Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: 343347008
  • Bibliography: Briefe von und an August Wilhelm Schlegel. Gesammelt und erläutert durch Josef Körner. Bd. 1. Zürich u.a. 1930, S. 630‒631.
  • Incipit: „[Bonn, Ende Januar 1825]
    Je commençois à craindre, Mr le Baron, que Vous ne mʼeussiez oublié au milieu de Vos voyages, de [...]“
[Bonn, Ende Januar 1825]
Je commençois à craindre, M
r le Baron, que Vous ne mʼeussiez oublié au milieu de Vos voyages, de Vos découvertes savantes et du brillant accueil que Votre esprit supérieur, Vos rares connoissances, et Votre zêle désintéressé pour lʼavancement des connoissances humaines, bien plus encore que Votre rang, doivent Vous assurer partout de la part des hommes les plus distingués. Jʼai été convaincu du contraire par Votre lettre du 2 Janvier et par lʼenvoi du Hitôpadêsa, dont je Vous suis infiniment reconnoissant. Jʼavois été charmé dʼapprendre par Mr Lassen que Vous étiez descendu des hauteurs du Tibet vers les plaines du Gange; il mʼassure quʼil nʼa jamais vu une pareille facilité pour saisir une langue assurément bien compliquée. Je nʼai quʼun seul reproche à Vous faire cʼest de ne pas être revenu par Bonn. Pour un voyageur aussi déterminé que vous lʼêtes ce nʼétoit quʼun petit détour, malgré mes diverses fonctions (étant actuellement Recteur de notre université) jʼaurois bien trouvé le moyen de passer une partie de la journée avec Vous, et Vous auriez avancé dans six semaines plus que Vous ne pourrez faire à St. Petersbourg dans lʼespace dʼun an, et en même temps jʼy aurois attrapé un peu de Tibetain. Je ne crois pas quʼaucun des jeunes orientalistes recommandés par Mr Silvestre de Sacy sache le Sanscrit – dʼailleurs ma bibliothèque dans cette branche est peut-être la plus complette sur le continent.
Je croirois Vous offenser en traduisant dans une langue bourgeoise de lʼEurope les éloges mérités que je Vous ai adressés en vers sanscrits, les premiers que jʼaie essayé de faire. Il ne falloit rien moins pour mʼinspirer. Je compte les insérer dans le prochain numéro de
ma bibliothèque Indienne.
La littérature Indienne ne marche pas en France.
Le bon Chézy ne fait ni ne fera rien, il mʼa pris en grippe, uniquement parce que je travaille. Un de ses écoliers, Langlois, continue de faire insérer dans le Journal Asiatique des critiques de mon Bh.[agavad] Gita lesquelles lui sont soufflées par son maître, lequel se les fait souffler à son tour par le commentateur Indien. Tout cela ne signifie pas grand-chose et jʼy répondrai en temps et lieu. Je pense que mes élèves, par exemple Mr Lassen sont dʼune autre force que ceux de mon cher ami ennemi.
Je suis tombé dʼabord comme un aigle sur sa proye sur
Votre Hitôpadêsa. Jʼen ai déjà collationné une bonne portion et je ne le garderai pas trop longtemps. Ce manuscrit contient au milieu des fautes communes à tous, une foule dʼexcellentes leçons dont je tireroi bon parti, en Vous témoignant publiquement ma reconnoissance. Lʼédition de Londres, qui a servi plusieurs années comme livre dʼécole à Hayleybury est inconcevablement mauvaise.
Je vois que
Mr Klaproth Vous a dédié un livre. Comment avez Vous été content de lui? Il possède sans doute des connaissances positives et de lʼhabileté, mais il est totalement denué de pensées philosophiques – cʼest pourquoi toutes ses recherches ont un certain air de secheresse. Je nʼai fait que feuilleter son Asie Polyglotte: je ne saurois approuver cette maniere de comparer les langues. Dʼailleurs je vois que son hypothèse dʼune langue mère générale dont les vestiges épars se trouveroient partout est empruntée à Mr de Merian. Tôt ou tard il me faudra bien manifester mon opposition.
Mr Lassen reviendra ici au printemps. Je compte donner dans le cours de lʼannée le 1er Volume de mon Ramayana. Vous mʼobligeriez infiniment si Vous vouliez obtenir pour moi la souscription de Votre Empereur.
Jʼai fait cet été un grand envoi à
Mr Ouvaroff et à lʼacadémie Imperiale. Je desirerois bien savoir si ce paquet est arrivé à bon port.
Adieu M
r le Baron, je nourris toujours lʼesperance que Vous reprendrez un jour Vos voyages. Il seroit trop à regretter que lʼEurope savante fut privée de Vos fécondes et lumineuses communications.
Veuillez pp.
[Bonn, Ende Januar 1825]
Je commençois à craindre, M
r le Baron, que Vous ne mʼeussiez oublié au milieu de Vos voyages, de Vos découvertes savantes et du brillant accueil que Votre esprit supérieur, Vos rares connoissances, et Votre zêle désintéressé pour lʼavancement des connoissances humaines, bien plus encore que Votre rang, doivent Vous assurer partout de la part des hommes les plus distingués. Jʼai été convaincu du contraire par Votre lettre du 2 Janvier et par lʼenvoi du Hitôpadêsa, dont je Vous suis infiniment reconnoissant. Jʼavois été charmé dʼapprendre par Mr Lassen que Vous étiez descendu des hauteurs du Tibet vers les plaines du Gange; il mʼassure quʼil nʼa jamais vu une pareille facilité pour saisir une langue assurément bien compliquée. Je nʼai quʼun seul reproche à Vous faire cʼest de ne pas être revenu par Bonn. Pour un voyageur aussi déterminé que vous lʼêtes ce nʼétoit quʼun petit détour, malgré mes diverses fonctions (étant actuellement Recteur de notre université) jʼaurois bien trouvé le moyen de passer une partie de la journée avec Vous, et Vous auriez avancé dans six semaines plus que Vous ne pourrez faire à St. Petersbourg dans lʼespace dʼun an, et en même temps jʼy aurois attrapé un peu de Tibetain. Je ne crois pas quʼaucun des jeunes orientalistes recommandés par Mr Silvestre de Sacy sache le Sanscrit – dʼailleurs ma bibliothèque dans cette branche est peut-être la plus complette sur le continent.
Je croirois Vous offenser en traduisant dans une langue bourgeoise de lʼEurope les éloges mérités que je Vous ai adressés en vers sanscrits, les premiers que jʼaie essayé de faire. Il ne falloit rien moins pour mʼinspirer. Je compte les insérer dans le prochain numéro de
ma bibliothèque Indienne.
La littérature Indienne ne marche pas en France.
Le bon Chézy ne fait ni ne fera rien, il mʼa pris en grippe, uniquement parce que je travaille. Un de ses écoliers, Langlois, continue de faire insérer dans le Journal Asiatique des critiques de mon Bh.[agavad] Gita lesquelles lui sont soufflées par son maître, lequel se les fait souffler à son tour par le commentateur Indien. Tout cela ne signifie pas grand-chose et jʼy répondrai en temps et lieu. Je pense que mes élèves, par exemple Mr Lassen sont dʼune autre force que ceux de mon cher ami ennemi.
Je suis tombé dʼabord comme un aigle sur sa proye sur
Votre Hitôpadêsa. Jʼen ai déjà collationné une bonne portion et je ne le garderai pas trop longtemps. Ce manuscrit contient au milieu des fautes communes à tous, une foule dʼexcellentes leçons dont je tireroi bon parti, en Vous témoignant publiquement ma reconnoissance. Lʼédition de Londres, qui a servi plusieurs années comme livre dʼécole à Hayleybury est inconcevablement mauvaise.
Je vois que
Mr Klaproth Vous a dédié un livre. Comment avez Vous été content de lui? Il possède sans doute des connaissances positives et de lʼhabileté, mais il est totalement denué de pensées philosophiques – cʼest pourquoi toutes ses recherches ont un certain air de secheresse. Je nʼai fait que feuilleter son Asie Polyglotte: je ne saurois approuver cette maniere de comparer les langues. Dʼailleurs je vois que son hypothèse dʼune langue mère générale dont les vestiges épars se trouveroient partout est empruntée à Mr de Merian. Tôt ou tard il me faudra bien manifester mon opposition.
Mr Lassen reviendra ici au printemps. Je compte donner dans le cours de lʼannée le 1er Volume de mon Ramayana. Vous mʼobligeriez infiniment si Vous vouliez obtenir pour moi la souscription de Votre Empereur.
Jʼai fait cet été un grand envoi à
Mr Ouvaroff et à lʼacadémie Imperiale. Je desirerois bien savoir si ce paquet est arrivé à bon port.
Adieu M
r le Baron, je nourris toujours lʼesperance que Vous reprendrez un jour Vos voyages. Il seroit trop à regretter que lʼEurope savante fut privée de Vos fécondes et lumineuses communications.
Veuillez pp.
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