• August Wilhelm von Schlegel to Auguste Louis de Staël-Holstein , Albertine Ida Gustavine de Broglie , Victor Amédée Marie de Broglie

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: Unknown · Date: 29.11.1819
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
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    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Auguste Louis de Staël-Holstein, Albertine Ida Gustavine de Broglie, Victor Amédée Marie de Broglie
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 29.11.1819
    Printed Text
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: 335973167
  • Bibliography: Krisenjahre der Frühromantik. Briefe aus dem Schlegelkreis. Hg. v. Josef Körner. Bd. 2. Der Texte zweite Hälfte. 1809‒1844. Bern u.a. ²1969, S. 347‒348.
  • Incipit: „B.[onn] ce 29 Nov. 1819
    Mes chers amis, jʼaurois à me plaindre de vous – vous mʼoubliez, vous me laissez languir après [...]“
B.[onn] ce 29 Nov. 1819
Mes chers amis, jʼaurois à me plaindre de vous – vous mʼoubliez, vous me laissez languir après vos lettres – mais je puis bien me figurer que dans ce temps-ci votre attention aura été distraite par dʼautres sujets.
Cependant je reclame tout votre intérêt dʼamitié pour cette lettre, mon cher Auguste. Vous mʼavez invité dernierement avec votre bonté habituelle de venir vers vous, si je ne pouvois plus me plaire en Allemagne. Eh bien, le cas se présente, et il est probable que de bonne heure le printemps prochain jʼirai vous faire une visite à P[aris]. Si les choses ne tournent pas autrement quʼelles ne sʼannoncent, ce qui nʼest guère probable, je suis décidé à résigner ma place. Mais je ne veux pas être à charge à mes amis – je veux travailler utilement, soit en composant des ouvrages savans, soit en donnant des cours. Mes pensées se tournent vers Genève. Je ne demanderai pas des avantages pécuniaires, quʼon ne peut pas me faire: il me suffiroit dʼêtre naturalisé genevois, dʼavoir un titre honoraire de professeur et la faculté de donner des cours à mon choix. Ce sont à peu près les propositions quʼon mʼa déjà faites. Si on les agrée encore, je mʼétablirai à Genève, jʼy vivrai en garçon, économiquement, en me mettant en pension – jʼy donnerai des cours pendant lʼhyver – les étés je pourrai aller vous voir, et de temps en temps je pourroi faire une course à Paris, pour y renouveler mes études orientales et puiser aux grandes bibliothèques.
Ma place ici est fort avantageuse, et elle auroit pu le devenir encore bien davantage, si les circonstances nʼavoient pas changé – car nous pouvions nous promettre dʼavoir une grande affluence dʼécoliers. Il est sans exemple dans les annales des universités dʼavoir quatre cents ètudians un an après la fondation – je donne un cours public, dans lequel jʼai deux-cents auditeurs, de sorte que notre plus grand auditoire est encore trop petit. Néanmoins je prefère la tranquillité à tout, et quelque étranger que je sois à tout ce qui a provoqué les mesures actuelles, quelque éloignée que soit ma partie littéraire et artiste de toutes les questions agitées – il ne peut pas me convenir de vivre dans les relations de lʼinstruction publique, telles quʼon les a nouvellement établies. Pour les mêmes causes je ne veux pas aller non plus à Berlin, où lʼon mʼattend toujours – mon nom a été mis encore ce semestre dans le catalogue des cours. –
Je voudrois bien avoir quelque promesse éventuelle et semi-officielle de Genève – faites moi la grace dʼécrire tout de suite à Mr Dumont – jʼécrirai de mon côté à Mr Favre.
Voici comment les décrets de la diète sont mis en exécution à lʼégard de notre université. La direction en est ôtée à Mr le Comte de Solms-Laubach, chef du gouvernement dans le district de Cologne; il est remplacé par Mr Rehfues, dont le nom vous est peut-être connu par un écrit sur lʼEspagne, traduit en François. Mr Rehfues est chargé en même temps de la surveillance comme commissaire spécial. Mr de Solms mʼavoit pris singulierement en amité, et mettoit beaucoup de prix à me conserver ici.
Si jʼavois pu prévoir tout ce qui est arrivé, je ne serois pas venu en Allemagne – mais enfin cʼest fait, et il faut le défaire, ce qui ne peut pas sʼeffectuer sans sacrifices dʼargent. Jʼai fait ici des arrangemens pour un long séjour. Vous savez déjà que mes projets de bonheur domestique ont échoué – je vous raconterai un jour les détails de cette incroyable histoire. Cependant en arrivant je me suis mis sur le pied dʼun homme qui vit en famille – jʼai loué une maison, engagé des domestiques etc. Quoique peu de temps après jʼeusse découvert mon mécompte, je nʼy pouvois plus rien changer – car jʼaurois par là déclaré au public que la rupture entre ma femme et moi étoit irréparable, et jʼai toujours voulu laisser une porte ouverte à la resipiscence. Jʼen ai perdu lʼespoir, et le soin de lʼavenir dʼune femme qui a obstinément refusé de me rejoindre, ne peut plus entrer en ligne de compte lorsquʼil sʼagit de prendre une décision sur ma position extérieure. Je retirerai une partie des frais que jʼai faits ici, en vendant mes meubles – pour ma bibliotheque je pourrai facilement lʼembarquer et la faire remonter le Rhin jusquʼà Basle.
Je vous avois annoncé dernièrement que jʼaurois besoin de tirer de lʼargent de P.[aris] – jʼai fait en conséquence un mandat de 1500 francs payables le 10 Janvier sur Aubernon – je lui ai écrit une lettre dʼavis. Je vous prie de faire honorer ma traite. Je pourrois être encore dans le cas de tirer une somme avant Pâques pour régler ici définitivement mes affaires. Cela pourroit se faire par escompte sur nos rentes du 22 Mars – en tout cas, comme vous avez mes inscriptions entre vos mains, vous pourrez me faire un arrangement sans difficulté. En attendant il seroit bien commode que les Tottié voulussent faire un payement dans la circonstance actuelle, il est essentiel de recueillir tout ce qui me reste de ma petite fortune.
Adieu mon cher Auguste, je compte bien fermement sur votre amitié – répondez-moi au plutôt, dites mille choses à la chere famille. Réservez moi un bel exemplaire des œuvres de votre mère dont jʼadore le souvenir plus que jamais.
B.[onn] ce 29 Nov. 1819
Mes chers amis, jʼaurois à me plaindre de vous – vous mʼoubliez, vous me laissez languir après vos lettres – mais je puis bien me figurer que dans ce temps-ci votre attention aura été distraite par dʼautres sujets.
Cependant je reclame tout votre intérêt dʼamitié pour cette lettre, mon cher Auguste. Vous mʼavez invité dernierement avec votre bonté habituelle de venir vers vous, si je ne pouvois plus me plaire en Allemagne. Eh bien, le cas se présente, et il est probable que de bonne heure le printemps prochain jʼirai vous faire une visite à P[aris]. Si les choses ne tournent pas autrement quʼelles ne sʼannoncent, ce qui nʼest guère probable, je suis décidé à résigner ma place. Mais je ne veux pas être à charge à mes amis – je veux travailler utilement, soit en composant des ouvrages savans, soit en donnant des cours. Mes pensées se tournent vers Genève. Je ne demanderai pas des avantages pécuniaires, quʼon ne peut pas me faire: il me suffiroit dʼêtre naturalisé genevois, dʼavoir un titre honoraire de professeur et la faculté de donner des cours à mon choix. Ce sont à peu près les propositions quʼon mʼa déjà faites. Si on les agrée encore, je mʼétablirai à Genève, jʼy vivrai en garçon, économiquement, en me mettant en pension – jʼy donnerai des cours pendant lʼhyver – les étés je pourrai aller vous voir, et de temps en temps je pourroi faire une course à Paris, pour y renouveler mes études orientales et puiser aux grandes bibliothèques.
Ma place ici est fort avantageuse, et elle auroit pu le devenir encore bien davantage, si les circonstances nʼavoient pas changé – car nous pouvions nous promettre dʼavoir une grande affluence dʼécoliers. Il est sans exemple dans les annales des universités dʼavoir quatre cents ètudians un an après la fondation – je donne un cours public, dans lequel jʼai deux-cents auditeurs, de sorte que notre plus grand auditoire est encore trop petit. Néanmoins je prefère la tranquillité à tout, et quelque étranger que je sois à tout ce qui a provoqué les mesures actuelles, quelque éloignée que soit ma partie littéraire et artiste de toutes les questions agitées – il ne peut pas me convenir de vivre dans les relations de lʼinstruction publique, telles quʼon les a nouvellement établies. Pour les mêmes causes je ne veux pas aller non plus à Berlin, où lʼon mʼattend toujours – mon nom a été mis encore ce semestre dans le catalogue des cours. –
Je voudrois bien avoir quelque promesse éventuelle et semi-officielle de Genève – faites moi la grace dʼécrire tout de suite à Mr Dumont – jʼécrirai de mon côté à Mr Favre.
Voici comment les décrets de la diète sont mis en exécution à lʼégard de notre université. La direction en est ôtée à Mr le Comte de Solms-Laubach, chef du gouvernement dans le district de Cologne; il est remplacé par Mr Rehfues, dont le nom vous est peut-être connu par un écrit sur lʼEspagne, traduit en François. Mr Rehfues est chargé en même temps de la surveillance comme commissaire spécial. Mr de Solms mʼavoit pris singulierement en amité, et mettoit beaucoup de prix à me conserver ici.
Si jʼavois pu prévoir tout ce qui est arrivé, je ne serois pas venu en Allemagne – mais enfin cʼest fait, et il faut le défaire, ce qui ne peut pas sʼeffectuer sans sacrifices dʼargent. Jʼai fait ici des arrangemens pour un long séjour. Vous savez déjà que mes projets de bonheur domestique ont échoué – je vous raconterai un jour les détails de cette incroyable histoire. Cependant en arrivant je me suis mis sur le pied dʼun homme qui vit en famille – jʼai loué une maison, engagé des domestiques etc. Quoique peu de temps après jʼeusse découvert mon mécompte, je nʼy pouvois plus rien changer – car jʼaurois par là déclaré au public que la rupture entre ma femme et moi étoit irréparable, et jʼai toujours voulu laisser une porte ouverte à la resipiscence. Jʼen ai perdu lʼespoir, et le soin de lʼavenir dʼune femme qui a obstinément refusé de me rejoindre, ne peut plus entrer en ligne de compte lorsquʼil sʼagit de prendre une décision sur ma position extérieure. Je retirerai une partie des frais que jʼai faits ici, en vendant mes meubles – pour ma bibliotheque je pourrai facilement lʼembarquer et la faire remonter le Rhin jusquʼà Basle.
Je vous avois annoncé dernièrement que jʼaurois besoin de tirer de lʼargent de P.[aris] – jʼai fait en conséquence un mandat de 1500 francs payables le 10 Janvier sur Aubernon – je lui ai écrit une lettre dʼavis. Je vous prie de faire honorer ma traite. Je pourrois être encore dans le cas de tirer une somme avant Pâques pour régler ici définitivement mes affaires. Cela pourroit se faire par escompte sur nos rentes du 22 Mars – en tout cas, comme vous avez mes inscriptions entre vos mains, vous pourrez me faire un arrangement sans difficulté. En attendant il seroit bien commode que les Tottié voulussent faire un payement dans la circonstance actuelle, il est essentiel de recueillir tout ce qui me reste de ma petite fortune.
Adieu mon cher Auguste, je compte bien fermement sur votre amitié – répondez-moi au plutôt, dites mille choses à la chere famille. Réservez moi un bel exemplaire des œuvres de votre mère dont jʼadore le souvenir plus que jamais.
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