• August Wilhelm von Schlegel to Auguste Louis de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: Unknown · Date: 14.02.1823 bis 15.02.1823
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
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    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Auguste Louis de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 14.02.1823 bis 15.02.1823
    Printed Text
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: 335973167
  • Bibliography: Krisenjahre der Frühromantik. Briefe aus dem Schlegelkreis. Hg. v. Josef Körner. Bd. 2. Der Texte zweite Hälfte. 1809‒1844. Bern u.a. ²1969, S. 408‒410.
  • Incipit: „Bonn 14 fevr 1823
    envoyé le 15 fevr.
    Cher Auguste, je me jette à vos pieds – ma negligence a été inouie, et [...]“
Bonn 14 fevr 1823
envoyé le 15 fevr.
Cher Auguste, je me jette à vos pieds – ma negligence a été inouie, et je ne sais pas comment la reparer. Votre théatre étranger marche si vite que la traduction de Götz de Berlichingen est peut-être déjà imprimée – dans ce cas-là lʼautobiographie du héros que je me suis enfin procurée, ne vous seroit plus dʼaucune utilité. Mandez-moi ce qui en est – si vous la voulez je vous lʼenverrai aussi-tôt sous bandes, ce nʼest quʼun tout petit volume de quinze feuilles.
Ce nʼest que lorsque vous me chargez dʼune commission que mes lettres peuvent avoir quelque valeur pour vous – car du reste je nʼai rien dʼintéressant à écrire – ma vie est paisiblement monotone – je me lève et je me couche, dans lʼintervalle jʼétudie – voilà lʼhistoire de chaque jour. Je v[i]eillis, mais non pas sous le rapport de lʼactivité intellectuelle – seulement quand je pense à la brièveté de la vie humaine, il me prend une inquiétude de ne pouvoir exécuter que la moindre partie de tout ce que je projette en fait de travaux savans. Ce seroit vraiment dommage de voir enterrer avec moi tant de bonnes étymologies.
Au reste je suis assez bien portant, et quoique je ne puisse pas me flatter dʼêtre entièrement quitte dʼun mal qui mʼa tourmenté depuis nombre dʼannées, je ne mʼen ressens guère. Je jouis dʼune grande sérénité, et quand je vais dans la société, ce qui nʼarrive que rarement, je suis toujours disposé à jaser et à plaisanter.
Parlez-moi de notre cher Alfonse. Votre sœur me mande quʼil apprend le Latin – fait-il des progrès? Ne lui faites-vous pas enseigner la géométrie et le dessin linéaire? Les langues et les mathématiques, cʼest la base de tout le reste – en ce point je suis dʼaccord avec le système Anglois. Je voudrois bien pouvoir contribuer un peu au developpement de ses heureuses dispositions.
Jʼai écrit à M. De la Ville Le Roulx en envoyant un mandat à ma nièce, et je lʼai prié de me transmettre notre compte courant de lʼannée – mais je ne lʼai pas encore reçu. Auriez-vous la bonté de lui rappeler cela? Il mʼimporte dʼavoir ce compte au plutôt pour voir où jʼen suis.
Il se peut quʼil me faille déménager de la maison commode que jʼai habitée depuis plus de quatre ans. Le propriétaire, accablé de dettes sera forcé de la vendre – il me lʼa déjà offerte. Mais cʼest une propriété qui ne sauroit me convenir; il y a une seconde petite maison dans la cour et un grand jardin. Cependant je tiens beaucoup à être bien logé – cʼest une jouissance de tous les momens – et il sera difficile de trouver ici une maison à louer qui me convienne. Depuis que notre université est établie ici, les loyers non seulement ont rencheri de beaucoup, mais les bons appartemens sont tous occupés. Jʼai presque envie de bâtir une maison, hors des portes de cette petite ville et dans un emplacement où je pourrois jouir de lʼaspect de ce pays délicieux. Le gouvernement me donneroit une belle place, avec cour et jardin, et me feroit dʼautres avantages considérables – lʼon mʼassure que les matériaux et la main dʼœuvre ne sont pas chers en ce moment. Quʼen pensez vous? Cela a pour moi lʼattrait de la nouveauté – jʼaurai fait des livres et aussi bâti une maison – que jʼhabiterai aussi long-temps que le bon Dieu veut le permettre – ensuite dʼautres après moi.
Jʼespère que mon argent est toujours en sureté ches MM. Cazenove? Je ne leur ai pas écrit depuis un temps infini, parce que je nʼavois pas de dispositions à faire. Il me seroit commode de laisser cet argent là pour pouvoir en prendre lʼété prochain lorsque je serai en Angleterre.
Jʼai eu le bonheur de former un écolier dans le Sanscrit qui a fait des progrès prodigieux dans lʼespace de neuf mois, et qui dans la suite pourra mʼaider dans mes travaux. Je lʼai préalablement recommandé à notre ministère pour une bourse de voyage et lʼon mʼa donné les meilleures espérances en sa faveur.
Ne pourriez vous pas me donner des nouvelles de Mr. Fauriel? Depuis la perte quʼil a faite il a gardé absolument le silence, et je ne sais pas même sʼil est à Paris.
Ne me tenez pas rancune de mon long silence, je vous en supplie, et écrivez moi quelques bonnes lignes. Votre sœur ne me dit pas, si vous pourriez me donner une petite chambre dans votre vaste palais dans le cas que je vinsse à Paris vers Paques – je jouirois bien mieux de votre société.
Adieu – mille tendres amitiés.

Je vous prie dʼexprimer à Madame de Ste. Aulaire ma très vive reconnoissance des bontés quʼelle a eu pour ma nièce.
Ce sont des diables de gens, ces Espagnols, de jeter comme-ça le gand à toute lʼEurope sans calculer leurs ressources! Croyez vous quʼil arrivera ce que Malherbe chante parmi les hauts faits de Marie de Médicis:
Et lʼEspagnol, prodige merveilleux!
Cesse dʼêtre orgueilleux.
Il paroît du moins que ce sera tout le contraire de ce qui est dit dans la première moitié de cette strophe: „A leur odeur“ – à lʼodeur des lys –
À leur odeur lʼAnglois se relâchant
Notre amitié va recherchant –
Bonn 14 fevr 1823
envoyé le 15 fevr.
Cher Auguste, je me jette à vos pieds – ma negligence a été inouie, et je ne sais pas comment la reparer. Votre théatre étranger marche si vite que la traduction de Götz de Berlichingen est peut-être déjà imprimée – dans ce cas-là lʼautobiographie du héros que je me suis enfin procurée, ne vous seroit plus dʼaucune utilité. Mandez-moi ce qui en est – si vous la voulez je vous lʼenverrai aussi-tôt sous bandes, ce nʼest quʼun tout petit volume de quinze feuilles.
Ce nʼest que lorsque vous me chargez dʼune commission que mes lettres peuvent avoir quelque valeur pour vous – car du reste je nʼai rien dʼintéressant à écrire – ma vie est paisiblement monotone – je me lève et je me couche, dans lʼintervalle jʼétudie – voilà lʼhistoire de chaque jour. Je v[i]eillis, mais non pas sous le rapport de lʼactivité intellectuelle – seulement quand je pense à la brièveté de la vie humaine, il me prend une inquiétude de ne pouvoir exécuter que la moindre partie de tout ce que je projette en fait de travaux savans. Ce seroit vraiment dommage de voir enterrer avec moi tant de bonnes étymologies.
Au reste je suis assez bien portant, et quoique je ne puisse pas me flatter dʼêtre entièrement quitte dʼun mal qui mʼa tourmenté depuis nombre dʼannées, je ne mʼen ressens guère. Je jouis dʼune grande sérénité, et quand je vais dans la société, ce qui nʼarrive que rarement, je suis toujours disposé à jaser et à plaisanter.
Parlez-moi de notre cher Alfonse. Votre sœur me mande quʼil apprend le Latin – fait-il des progrès? Ne lui faites-vous pas enseigner la géométrie et le dessin linéaire? Les langues et les mathématiques, cʼest la base de tout le reste – en ce point je suis dʼaccord avec le système Anglois. Je voudrois bien pouvoir contribuer un peu au developpement de ses heureuses dispositions.
Jʼai écrit à M. De la Ville Le Roulx en envoyant un mandat à ma nièce, et je lʼai prié de me transmettre notre compte courant de lʼannée – mais je ne lʼai pas encore reçu. Auriez-vous la bonté de lui rappeler cela? Il mʼimporte dʼavoir ce compte au plutôt pour voir où jʼen suis.
Il se peut quʼil me faille déménager de la maison commode que jʼai habitée depuis plus de quatre ans. Le propriétaire, accablé de dettes sera forcé de la vendre – il me lʼa déjà offerte. Mais cʼest une propriété qui ne sauroit me convenir; il y a une seconde petite maison dans la cour et un grand jardin. Cependant je tiens beaucoup à être bien logé – cʼest une jouissance de tous les momens – et il sera difficile de trouver ici une maison à louer qui me convienne. Depuis que notre université est établie ici, les loyers non seulement ont rencheri de beaucoup, mais les bons appartemens sont tous occupés. Jʼai presque envie de bâtir une maison, hors des portes de cette petite ville et dans un emplacement où je pourrois jouir de lʼaspect de ce pays délicieux. Le gouvernement me donneroit une belle place, avec cour et jardin, et me feroit dʼautres avantages considérables – lʼon mʼassure que les matériaux et la main dʼœuvre ne sont pas chers en ce moment. Quʼen pensez vous? Cela a pour moi lʼattrait de la nouveauté – jʼaurai fait des livres et aussi bâti une maison – que jʼhabiterai aussi long-temps que le bon Dieu veut le permettre – ensuite dʼautres après moi.
Jʼespère que mon argent est toujours en sureté ches MM. Cazenove? Je ne leur ai pas écrit depuis un temps infini, parce que je nʼavois pas de dispositions à faire. Il me seroit commode de laisser cet argent là pour pouvoir en prendre lʼété prochain lorsque je serai en Angleterre.
Jʼai eu le bonheur de former un écolier dans le Sanscrit qui a fait des progrès prodigieux dans lʼespace de neuf mois, et qui dans la suite pourra mʼaider dans mes travaux. Je lʼai préalablement recommandé à notre ministère pour une bourse de voyage et lʼon mʼa donné les meilleures espérances en sa faveur.
Ne pourriez vous pas me donner des nouvelles de Mr. Fauriel? Depuis la perte quʼil a faite il a gardé absolument le silence, et je ne sais pas même sʼil est à Paris.
Ne me tenez pas rancune de mon long silence, je vous en supplie, et écrivez moi quelques bonnes lignes. Votre sœur ne me dit pas, si vous pourriez me donner une petite chambre dans votre vaste palais dans le cas que je vinsse à Paris vers Paques – je jouirois bien mieux de votre société.
Adieu – mille tendres amitiés.

Je vous prie dʼexprimer à Madame de Ste. Aulaire ma très vive reconnoissance des bontés quʼelle a eu pour ma nièce.
Ce sont des diables de gens, ces Espagnols, de jeter comme-ça le gand à toute lʼEurope sans calculer leurs ressources! Croyez vous quʼil arrivera ce que Malherbe chante parmi les hauts faits de Marie de Médicis:
Et lʼEspagnol, prodige merveilleux!
Cesse dʼêtre orgueilleux.
Il paroît du moins que ce sera tout le contraire de ce qui est dit dans la première moitié de cette strophe: „A leur odeur“ – à lʼodeur des lys –
À leur odeur lʼAnglois se relâchant
Notre amitié va recherchant –
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