• August Wilhelm von Schlegel to Auguste Louis de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Kiel · Place of Destination: Unknown · Date: 20.01.1814
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Auguste Louis de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Kiel
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 20.01.1814
    Printed Text
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: 335973167
  • Bibliography: Krisenjahre der Frühromantik. Briefe aus dem Schlegelkreis. Hg. v. Josef Körner. Bd. 2. Der Texte zweite Hälfte. 1809‒1844. Bern u.a. ²1969, S. 276‒277.
  • Incipit: „Kiel ce 20 Janv. 1814
    Mon cher Auguste, je vous envoye ci-joint une lettre de change de 400 ₤ sterling, endossée à [...]“
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Kiel ce 20 Janv. 1814
Mon cher Auguste, je vous envoye ci-joint une lettre de change de 400 ₤ sterling, endossée à votre ordre. Ayez la bonté de présenter tout de suite au banquier lʼincluse qui contient lʼavis. Tirez ensuite cette somme à lʼéchéance – rien ne presse et nous nʼaurons pas à payer dʼescompte – gardez-moi ensuite cet argent et placez-le en Angleterre, dʼune manière sûre et avantageuse – le mieux sera, je pense, dans les fonds publics. Je nʼen ai pas besoin pour le moment, cet argent doit fructifier. Je me suis mis dans lʼesprit de devenir un richard, il faut commencer par être usurier. Est-ce que je nʼécris pas sur tout ceci avec beaucoup dʼintelligence?
Gardez-moi en attendant aussi lʼargent que vous aurez eu pour mon manuscrit des dépêches interceptées. Je pourrais bien en tirer une partie, si cela est considérable, ou le tout si cela ne lʼest pas.
Jʼespère quʼà lʼheure quʼil est, ce Recueil est déjà publié, et quʼil fera quelque sensation. Donnez-en, je vous prie un exemplaire à S.[ir] James Mackintosh, au Chevalier dʼJoern, à M. de la Maisonfort. Je trouve entre nous que le livre de celui-ci est lourdement brillant, dʼune rapidité lente et monotone. Il me rappelle le mot: „Je vous écris une longue lettre, nʼayant pas le temps de la faire courte“. Un tel écrit ne saurait produire aucun effet populaire.
Voilà la paix avec le Dannemarc, et je nʼy ai pas seulement attrapé une pauvre petite isle dʼun si grand nombre qui composent cette monarchie décousue, ni même le royaume de Sobradisa, dont jʼaurais peut- être mieux aimé le climat et la position. Il mʼen reste un écrit tout fait dans mon portefeuille, sur les droits germaniques de ce pays-ci, et un uniforme dans mon portemanteau que je ne puis plus porter, vu quʼil est Poméranien. Encore si jʼavais lʼoccasion de le revendre au frippier de la couronne danoise, pour en révêtir les nouveaux employés!
Nous partons incessamment – on se rend dʼabord à Hannovre – puis, je pense dans la direction de Düsseldorf, et de là tout droit à Paris. Je tâcherai de sauter quelques étapes pour gagner quelques jours pour ma ville natale. Depuis Goettingue jʼai trouvé presquʼà chaque étape un frère, une belle-sœur et des nièces. Il est dommage quʼon ne puisse pas continuer cela long-temps. Cela mʼa couté quelques petits présents, mais cela mʼa valu beaucoup de caresses. Mes nièces ne laissent pas que dʼêtre fort gentilles, de sorte que je me suis demandé quelquefois comme lʼhomme dans la comédie: Si jʼépousais ma nièce, serais-je mon neveu? En général, nos femmes allemandes sont, hélas! charmantes. Jamais le quartier-général ne reste quinze jours dans une ville, sans que je commence à mʼamouracher – et puis je me dis:
Un homme de moyen age,
Et tirant vers le grison
, –
Dites-moi franchement, mon cher Auguste, quʼen pensez-vous? pourrai-je encore me marier, sans avoir trop à craindre de vous autres jeunes gens?
Geneve est donc occupé par les alliés, et sans que la ville en ait souffert le moins du monde. Elle sʼest rendue à la seule vue des fachines et échelles. Le commendant – ce nʼétait plus cette bête de Dupuche, mais un autre vieux appelé Jordis – avait pris une attaque de nerfs. Le Général Bubna aura sans doute couché la veille dans notre cher Coppet. – Ce misérable Capelle aura pris la fuite. Nos satisfactions commencent. Tous ceux qui nous ont seulement fait la moue doivent être pendus sans miséricorde.
Ida Brun ne doit pas être Danoise aussi enragée que sa mere – elle mʼa fait dire beaucoup de belles choses par le Comte de Bombelles.
Adieu! mille amitiés à votre mere et à votre sœur. Quel plaisir nous aurons à nous revoir. Après tous ces événemens que jʼai cependant toujours prédit comme un vrai prophète!
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Kiel ce 20 Janv. 1814
Mon cher Auguste, je vous envoye ci-joint une lettre de change de 400 ₤ sterling, endossée à votre ordre. Ayez la bonté de présenter tout de suite au banquier lʼincluse qui contient lʼavis. Tirez ensuite cette somme à lʼéchéance – rien ne presse et nous nʼaurons pas à payer dʼescompte – gardez-moi ensuite cet argent et placez-le en Angleterre, dʼune manière sûre et avantageuse – le mieux sera, je pense, dans les fonds publics. Je nʼen ai pas besoin pour le moment, cet argent doit fructifier. Je me suis mis dans lʼesprit de devenir un richard, il faut commencer par être usurier. Est-ce que je nʼécris pas sur tout ceci avec beaucoup dʼintelligence?
Gardez-moi en attendant aussi lʼargent que vous aurez eu pour mon manuscrit des dépêches interceptées. Je pourrais bien en tirer une partie, si cela est considérable, ou le tout si cela ne lʼest pas.
Jʼespère quʼà lʼheure quʼil est, ce Recueil est déjà publié, et quʼil fera quelque sensation. Donnez-en, je vous prie un exemplaire à S.[ir] James Mackintosh, au Chevalier dʼJoern, à M. de la Maisonfort. Je trouve entre nous que le livre de celui-ci est lourdement brillant, dʼune rapidité lente et monotone. Il me rappelle le mot: „Je vous écris une longue lettre, nʼayant pas le temps de la faire courte“. Un tel écrit ne saurait produire aucun effet populaire.
Voilà la paix avec le Dannemarc, et je nʼy ai pas seulement attrapé une pauvre petite isle dʼun si grand nombre qui composent cette monarchie décousue, ni même le royaume de Sobradisa, dont jʼaurais peut- être mieux aimé le climat et la position. Il mʼen reste un écrit tout fait dans mon portefeuille, sur les droits germaniques de ce pays-ci, et un uniforme dans mon portemanteau que je ne puis plus porter, vu quʼil est Poméranien. Encore si jʼavais lʼoccasion de le revendre au frippier de la couronne danoise, pour en révêtir les nouveaux employés!
Nous partons incessamment – on se rend dʼabord à Hannovre – puis, je pense dans la direction de Düsseldorf, et de là tout droit à Paris. Je tâcherai de sauter quelques étapes pour gagner quelques jours pour ma ville natale. Depuis Goettingue jʼai trouvé presquʼà chaque étape un frère, une belle-sœur et des nièces. Il est dommage quʼon ne puisse pas continuer cela long-temps. Cela mʼa couté quelques petits présents, mais cela mʼa valu beaucoup de caresses. Mes nièces ne laissent pas que dʼêtre fort gentilles, de sorte que je me suis demandé quelquefois comme lʼhomme dans la comédie: Si jʼépousais ma nièce, serais-je mon neveu? En général, nos femmes allemandes sont, hélas! charmantes. Jamais le quartier-général ne reste quinze jours dans une ville, sans que je commence à mʼamouracher – et puis je me dis:
Un homme de moyen age,
Et tirant vers le grison
, –
Dites-moi franchement, mon cher Auguste, quʼen pensez-vous? pourrai-je encore me marier, sans avoir trop à craindre de vous autres jeunes gens?
Geneve est donc occupé par les alliés, et sans que la ville en ait souffert le moins du monde. Elle sʼest rendue à la seule vue des fachines et échelles. Le commendant – ce nʼétait plus cette bête de Dupuche, mais un autre vieux appelé Jordis – avait pris une attaque de nerfs. Le Général Bubna aura sans doute couché la veille dans notre cher Coppet. – Ce misérable Capelle aura pris la fuite. Nos satisfactions commencent. Tous ceux qui nous ont seulement fait la moue doivent être pendus sans miséricorde.
Ida Brun ne doit pas être Danoise aussi enragée que sa mere – elle mʼa fait dire beaucoup de belles choses par le Comte de Bombelles.
Adieu! mille amitiés à votre mere et à votre sœur. Quel plaisir nous aurons à nous revoir. Après tous ces événemens que jʼai cependant toujours prédit comme un vrai prophète!
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