• August Wilhelm von Schlegel to Auguste Louis de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: Unknown · Date: 07.03.1820
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Auguste Louis de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: Unknown
  • Date: 07.03.1820
    Printed Text
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: 335973167
  • Bibliography: Krisenjahre der Frühromantik. Briefe aus dem Schlegelkreis. Hg. v. Josef Körner. Bd. 2. Der Texte zweite Hälfte. 1809‒1844. Bern u.a. ²1969, S. 354‒355.
  • Incipit: „Bonn 7 Mars 1820
    Jʼai été bien long-temps sans vous écrire, mon cher Auguste, – cʼest que je nʼavois rien de bien [...]“
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Bonn 7 Mars 1820
Jʼai été bien long-temps sans vous écrire, mon cher Auguste, – cʼest que je nʼavois rien de bien intéressant à vous mander, et je vous croyois absorbé par ce qui se passoit autour de vous. Cet affreux événement qui a eu lieu à Paris, mʼavoit rempli dʼinquiétudes, et jʼai été pendant nombre de jours à lʼaffût des gazettes.
Je désire savoir avant tout, si vous ferez encore votre course projetée en Angleterre, et à quelle époque. Avertissez-moi à temps, je vous en conjure, car je compte sur votre bonté pour me faire quelques commissions qui me tiennent fort à cœur.
Pour ce qui est de mes affaires personnelles, croyez-moi que je nʼai point agi avec précipitation, mais après y avoir mûrement réflêchi. Il falloit faire ce que jʼai fait, et précisément à cette epoque où je lʼai fait, – mais ce seroit trop long à expliquer. Les negociations à Berlin continuent et jʼespère obtenir quelquechose en faveur de lʼérudition. Je voudrois achever cet été mon tableau comparatif des langues en Latin, et ensuite passer lʼhiver à Paris – dans la supposition toutefois que vous y serez, vous et les vôtres. Je demande à être chargé de la part du gouvernement de faire graver et frapper des types Indiens, ce qui ne peut se faire nulle part mieux et à meilleur marché quʼà Paris. Je tâche dʼattirer lʼimprimerie Indienne à Bonn, mais cela paroît douteux, et je crains quʼà la fin il faudra me transporter à Berlin. Quoiquʼil arrive, jʼirai vous voir auparavant, soit à Coppet, soit à Paris.
Je continue de vivoter paisiblement, je travaille beaucoup, ma santé est meilleure, mais elle nʼest pas encore bien affermie – la moindre déviation de mon régime me dérange. Cet hiver rigoureux mʼéprouve, jʼattends avec impatience le printemps pour prendre des bains fortifians et faire de longues promenades. Je vois rarement du monde chez moi, cependant jʼai eu dernièrement une grande soirée où étoit tout le beau monde Bonnais. On a pris du goût aux lectures, et je me suis remis à reciter Shakspeare. Nous avons formé un petit cercle où lʼon se distribue les rôles. Il y a ici un homme fort riche: il a la maison la mieux arrangée, les chevaux les plus fringans, et la plus jolie femme de la ville – enfin cʼest Monsieur Kan-niet-verstan. Cette femme qui est belle comme le jour, et qui chante comme un ange, a lʼambition de bien reciter les vers, et je lui donne quelques petites leçons. Vous voyez que les talens sont bons à quelque chose.
Les lettres génévoises mʼont fort amusé – ce que cʼest quʼune pareille republicuncule! Les mites dans leur fromage sont colossales à coté de cela – ce que jʼavois désiré éventuellement nʼétoit pourtant autre chose que ce que Dumont mʼavoit proposé; à peu près comme si cela dépendoit de lui. Ils veulent mʼendoctriner sur la littérature française – allez je mʼy connois mieux quʼeux, et les hommes de lettres français qui savent de quoi il sʼagit, aiment mieux mes critiques des formes conventionelles que leur stupide admiration. Ils ne mʼauront pas, quoiquʼil arrive – cela est bien sûr. Jʼai dʼautres cordes à mon arc.
Ma traduction du livre de Madame Necker est achevée depuis quelque temps, et jʼen attends des exemplaires. Jʼy ai mis une petite préface dont elle sera contente jʼespére.
Vous ne me dites rien sur ce pauvre Ekendahl – probablement que vous ne savez rien pour lui.
Je vous avois prié de mʼarranger à Paris ou à Londres une belle édition de mes deux élégies traduites en vers latins – si cela ne sʼarrange pas à Paris, il nʼy aura certainement point de difficulté en Angleterre où mon nom est connu; et où lʼon aime la poésie latine. Si vous y allez je pourrois vous envoyer un exemplaire.
Informez vous, de grace, qui remplace Mr de Forbin pendant son absence. Jʼai une grande commission de faire venir des plâtres de Paris pour notre musée – mais il faudroit être sûr dʼavoir de bons exemplaires, bien emballés. Oserois-je implorer vos bontés pour mʼarranger cela? Je vous écrirai prochainement une grande pancarte sur cette affaire que jʼai déjà trop retardée.
Nʼy a-t-il donc plus de Tottiés par le monde? Jʼai fait un mandat de 1500 francs pour Mr Aubernon, pour tirer mes rentes – jʼai mis lʼéchéance à la mi-avril – ainsi jʼespère que Mr Aubernon sera en fonds – car jʼai vu dans son compte courant que lʼannée passée le semestre a été payé le 27 Mars. Je nʼaurois pas eu besoin de tirer de lʼargent de Paris, sʼil nʼy avoit pas eu des arriérés de mon établissement. A présent je suis à jour. Mes appointemens doivent à peu près suffire à mes dépenses ordinaires.
Jʼai vu que Mr de Broglie a prononcé un discours dans la chambre des Pairs – jʼen ai tiré un augure favorable pour sa santé Ira-t-il toujours aux eaux des Pyrénées? – Votre sœur ne mʼécrit pas – que je sache du moins quʼelle se porte bien.
Dites mille choses à Mlle Randall – jʼai pris une part bien sincère à la perte quʼelle a faite, dʼautant plus que jʼai éprouvé, il y a nombre dʼannées, un chagrin semblable. Mon frere aux Indes aussi étoit mort depuis six mois avant que nous en eussions la nouvelle, et je fus singulièrement frappé de cette longue ignorance.
Adieu mon cher Auguste – écrivez-moi, ne fût ce que quelques lignes. Mille et mille amitiés.
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Bonn 7 Mars 1820
Jʼai été bien long-temps sans vous écrire, mon cher Auguste, – cʼest que je nʼavois rien de bien intéressant à vous mander, et je vous croyois absorbé par ce qui se passoit autour de vous. Cet affreux événement qui a eu lieu à Paris, mʼavoit rempli dʼinquiétudes, et jʼai été pendant nombre de jours à lʼaffût des gazettes.
Je désire savoir avant tout, si vous ferez encore votre course projetée en Angleterre, et à quelle époque. Avertissez-moi à temps, je vous en conjure, car je compte sur votre bonté pour me faire quelques commissions qui me tiennent fort à cœur.
Pour ce qui est de mes affaires personnelles, croyez-moi que je nʼai point agi avec précipitation, mais après y avoir mûrement réflêchi. Il falloit faire ce que jʼai fait, et précisément à cette epoque où je lʼai fait, – mais ce seroit trop long à expliquer. Les negociations à Berlin continuent et jʼespère obtenir quelquechose en faveur de lʼérudition. Je voudrois achever cet été mon tableau comparatif des langues en Latin, et ensuite passer lʼhiver à Paris – dans la supposition toutefois que vous y serez, vous et les vôtres. Je demande à être chargé de la part du gouvernement de faire graver et frapper des types Indiens, ce qui ne peut se faire nulle part mieux et à meilleur marché quʼà Paris. Je tâche dʼattirer lʼimprimerie Indienne à Bonn, mais cela paroît douteux, et je crains quʼà la fin il faudra me transporter à Berlin. Quoiquʼil arrive, jʼirai vous voir auparavant, soit à Coppet, soit à Paris.
Je continue de vivoter paisiblement, je travaille beaucoup, ma santé est meilleure, mais elle nʼest pas encore bien affermie – la moindre déviation de mon régime me dérange. Cet hiver rigoureux mʼéprouve, jʼattends avec impatience le printemps pour prendre des bains fortifians et faire de longues promenades. Je vois rarement du monde chez moi, cependant jʼai eu dernièrement une grande soirée où étoit tout le beau monde Bonnais. On a pris du goût aux lectures, et je me suis remis à reciter Shakspeare. Nous avons formé un petit cercle où lʼon se distribue les rôles. Il y a ici un homme fort riche: il a la maison la mieux arrangée, les chevaux les plus fringans, et la plus jolie femme de la ville – enfin cʼest Monsieur Kan-niet-verstan. Cette femme qui est belle comme le jour, et qui chante comme un ange, a lʼambition de bien reciter les vers, et je lui donne quelques petites leçons. Vous voyez que les talens sont bons à quelque chose.
Les lettres génévoises mʼont fort amusé – ce que cʼest quʼune pareille republicuncule! Les mites dans leur fromage sont colossales à coté de cela – ce que jʼavois désiré éventuellement nʼétoit pourtant autre chose que ce que Dumont mʼavoit proposé; à peu près comme si cela dépendoit de lui. Ils veulent mʼendoctriner sur la littérature française – allez je mʼy connois mieux quʼeux, et les hommes de lettres français qui savent de quoi il sʼagit, aiment mieux mes critiques des formes conventionelles que leur stupide admiration. Ils ne mʼauront pas, quoiquʼil arrive – cela est bien sûr. Jʼai dʼautres cordes à mon arc.
Ma traduction du livre de Madame Necker est achevée depuis quelque temps, et jʼen attends des exemplaires. Jʼy ai mis une petite préface dont elle sera contente jʼespére.
Vous ne me dites rien sur ce pauvre Ekendahl – probablement que vous ne savez rien pour lui.
Je vous avois prié de mʼarranger à Paris ou à Londres une belle édition de mes deux élégies traduites en vers latins – si cela ne sʼarrange pas à Paris, il nʼy aura certainement point de difficulté en Angleterre où mon nom est connu; et où lʼon aime la poésie latine. Si vous y allez je pourrois vous envoyer un exemplaire.
Informez vous, de grace, qui remplace Mr de Forbin pendant son absence. Jʼai une grande commission de faire venir des plâtres de Paris pour notre musée – mais il faudroit être sûr dʼavoir de bons exemplaires, bien emballés. Oserois-je implorer vos bontés pour mʼarranger cela? Je vous écrirai prochainement une grande pancarte sur cette affaire que jʼai déjà trop retardée.
Nʼy a-t-il donc plus de Tottiés par le monde? Jʼai fait un mandat de 1500 francs pour Mr Aubernon, pour tirer mes rentes – jʼai mis lʼéchéance à la mi-avril – ainsi jʼespère que Mr Aubernon sera en fonds – car jʼai vu dans son compte courant que lʼannée passée le semestre a été payé le 27 Mars. Je nʼaurois pas eu besoin de tirer de lʼargent de Paris, sʼil nʼy avoit pas eu des arriérés de mon établissement. A présent je suis à jour. Mes appointemens doivent à peu près suffire à mes dépenses ordinaires.
Jʼai vu que Mr de Broglie a prononcé un discours dans la chambre des Pairs – jʼen ai tiré un augure favorable pour sa santé Ira-t-il toujours aux eaux des Pyrénées? – Votre sœur ne mʼécrit pas – que je sache du moins quʼelle se porte bien.
Dites mille choses à Mlle Randall – jʼai pris une part bien sincère à la perte quʼelle a faite, dʼautant plus que jʼai éprouvé, il y a nombre dʼannées, un chagrin semblable. Mon frere aux Indes aussi étoit mort depuis six mois avant que nous en eussions la nouvelle, et je fus singulièrement frappé de cette longue ignorance.
Adieu mon cher Auguste – écrivez-moi, ne fût ce que quelques lignes. Mille et mille amitiés.
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