• Anselme Jean Rous to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Paris · Place of Destination: Bonn · Date: 10.01.1834
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Anselme Jean Rous
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Paris
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 10.01.1834
  • Notations: Rous macht kaum einen oder keinen Unterschied zwischen großem und kleinem J, daher wurde an dieser Stelle der Konvention entsprechend entschieden.
    Manuscript
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: DE-611-35028
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.18,Nr.124
  • Number of Pages: 3 S. auf Doppelbl., hs. m. U. u. Adresse
  • Format: 24,5 x 20 cm
  • Incipit: „[1] Paris le 10 Janvier 1834.
    Monsieur le Professeur,
    L’intérêt, que vous avez daigné me témoigner pendant mon séjour à [...]“
  • Editors: Förtig, Christina · Varwig, Olivia
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[1] Paris le 10 Janvier 1834.
Monsieur le Professeur,
L’intérêt, que vous avez daigné me témoigner pendant mon séjour à
Bonn, me fait croire, que vous apprendrez de mes nouvelles avec plaisir. D’ailleurs à mon départ vous me donnates la douce et honorable commission de vous ecrire lorsque je serais etabli en France. Cette commission dont je n’eus point de peine a me charger, je l’accomplis aujourd’hui d’autant plus volontiers, qu’en vous ecrivant, je satisfais à un devoir que la reconnaissance exige et que la politesse commande.
Mon voyage, Monsieur le Professeur, fut agréable mais bien couteux pour un pauvre Bracmane. Il dura environ un mois, c. a. d. autant que mon argent. Quinze jours furent employés a visiter les belles provinces du Rhin et les villes interessantes qui avoisinnent ce fleuve,
Coblence, Mayence, Francfort, Heidelberg, Manheim, Carlsrouhe, Strasbourg e.ct je vis avec surprise plus de puissances, de dominations, de chœurs et de trônes entassés sur les bords du Rhin que n’en avait elevés dans le ciel l’imagination déréglée de quelques theologiens mystiques. J’employai un peu plus de quinze jours a parcourir les pays charmans de l’Alsace, de la Lorraine, et de la champagne patrie de ce vin mousseux dont MM les professeurs de Bonn aiment a se conforter dans leurs pieux pèlerinages à Godesberg. Arrivé a Paris, je consacrai les six premières semaines a revoir en pleine liberté cette grande ville qui s’embellit avec chaque année. Je visitai en même temps mes connaissances, dont plusieurs etoient encore à la campagne. Je fus présenté à des personnages marquans, et vos lettres de recommandations me valurent partout une reception honorable. on me fit beaucoup de promesses mais qui malheureusement n’eurent aucun effet. Mr le Ministre de l’instruction publique se montra surtout prodigue de belles paroles, mais avare d’actions. Il voulait, disait-il, penser a moi dans deux, dans trois, que sais-je, dans six mois. C’êtait à peu près la même histoire auprès [2] de Mr Cousin dont les discours et les procédés décèlent une arrogance insupportable et une petite connaissance des hommes. Vous sentez, Monsieur le Professeur, qu’il me fallait à moi quelque chose de plus que des pensées. Comme donc je leur avais été recommandé de la manière la plus pressante par MM de Schlegel, de Sacy et Letrône, je crus que mon honneur et le respect dû à mon état m’interdisoient toute autre demarche auprès d’eux, et toute autre apparition dans les cabinets ministériels, obsédés aujourdhui comme autrefois par l’ambition et l’intrigue. Je quittai donc ce chemin où je m’etais enrayé, et grâce à mes bons certificats qui eurent plus d’effet auprès du clergé qu’auprès du ministère, je fus, quoique etranger au diocèse de Paris, préféré à beaucoup d’autres sujets. Deux places me furent offertes. L’une devait m’attacher à l’eglise de la Madeleine (une des premieres eglises de Paris) et fixer par conséquent mon séjour dans le quartier le plus brillant de la Capitale. Les dépenses et les desagremens inséparables de cette place me la firent refuser. J’acceptai l’autre par la quelle je devins un des vicaires de l’eglise royale St Louis en l’île. Formée par deux bras de la Seine qui coulent autour, l’ile St Louis, ainsique monsieur le Professeur le sait, peut être regardée comme une petite ville à part au sein de la Capitale de la France. Son peu d’etendue facilite le service de la paroisse, et son isolement contribue beaucoup a conserver une certaine piété et une certaine pureté de mœurs parmi les habitans, qui font en general assez riches. Quoique le gouvernement ne me donne pas un centime, j’ai de quoi vivre honnêtement. La fabrique me fait douze cents francs de fixe, les messes et le casuel s’approcheront de six cents; je reçois ensuite quelques petits présents des pensions où je vais faire le catéchisme, j’ai de plus un beau logement gratis, dont le loyer m’aurait couté au moins quatre cents francs par an dans une autre paroisse. Mon poste est donc un assez joli commencement. Je me trouve néanmoins un peu gêné la premiere année; j’ai deja acheté pour 12 cents francs de meubles, et il me faudra dépenser encore bien d’avantage, pour garnir mes appartemens d’une manière solide et propre, comme il convient a Paris, sans depasser toutefois les bornes de la modestie ecclesiastique. Il est vrai que j’ai un autre moyen de subvenir à mes besoins tout en fesant le bien. Ma manière de prêcher a plu beaucoup à Paris, et déja deux eglises m’ont offert les trois stations, c. a. d. les sermons du carême, d’aprés Paques, et de l’Avent de 1834. Une seule station vaut quelquefois d un prédicateur habile cinq ou six cents francs; au commencement il faut se contenter avec [3] deux ou trois cents. Cependant je n’ai point encore accepté l’offre, parceque, si je me livre à la prédication, il me faudra, faute de temps, negliger entièrement les langues orientales. Je dois du reste vous avouer, Monsieur le Professeur, que l’amour de ces langues a diminué considerablement en moi par la consideration que ces etudes laissent en France la plupart de ceux qui s’y livrent dans l’obscurité et l’indigence. Il n’en est pas ainsi de la predication; la xxxxx plupart de nos évêques lui doivent leur élévation: et la foule innombrable de tout rang, de tout âge et de toute religions que je vois accourir aux sermons de quelques prédicateurs distingués qui se trouvent maintenant à Paris, me prouve que la chaire est encore très honorée parmi nous: c’est que l’eloquence publique joue en France un tout autre rolle qu’en Allemagne. Il est donc possible qu’il arrive un changement dans le genre de mes occupations, mais il n’en surviendra aucun dans les sentimens de ma reconnaissance envers vos bontés, dont le souvenir seul a pu m’enhardir à vous raconter tous ces petits détails. C’est cette reconnaissance qui m’inspire aussi les vœux sincères que je forme pour votre bonheur au commencement de cette nouvelle année. Il est vrai que les grands hommes ne divisent point les ans comme le vulgaire: ils ne comptent les âges que par des actions d’eclat ou par des livres savans. Puisse donc la providence vous accorder la santé pour terminer les ouvrages que vous avez déja poussés si avant, et qui doivent ouvrir une ère nouvelle dans la littérature orientale.
Veuillez agréer les sentimens respectueux avec lesquels j’ai l’hon
[neur] d’être,
Monsieur le Professeur,
votre très humble et
très obeissant serviteur
L’abbé A. J. Rous
L’abbé Rous au
presbytère de l’île St Louis à Paris.
[4] Monsieur
Monsieur de Schlegel professeur
à
l’université de Bonn en Prusse.
à
Bonn.
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[1] Paris le 10 Janvier 1834.
Monsieur le Professeur,
L’intérêt, que vous avez daigné me témoigner pendant mon séjour à
Bonn, me fait croire, que vous apprendrez de mes nouvelles avec plaisir. D’ailleurs à mon départ vous me donnates la douce et honorable commission de vous ecrire lorsque je serais etabli en France. Cette commission dont je n’eus point de peine a me charger, je l’accomplis aujourd’hui d’autant plus volontiers, qu’en vous ecrivant, je satisfais à un devoir que la reconnaissance exige et que la politesse commande.
Mon voyage, Monsieur le Professeur, fut agréable mais bien couteux pour un pauvre Bracmane. Il dura environ un mois, c. a. d. autant que mon argent. Quinze jours furent employés a visiter les belles provinces du Rhin et les villes interessantes qui avoisinnent ce fleuve,
Coblence, Mayence, Francfort, Heidelberg, Manheim, Carlsrouhe, Strasbourg e.ct je vis avec surprise plus de puissances, de dominations, de chœurs et de trônes entassés sur les bords du Rhin que n’en avait elevés dans le ciel l’imagination déréglée de quelques theologiens mystiques. J’employai un peu plus de quinze jours a parcourir les pays charmans de l’Alsace, de la Lorraine, et de la champagne patrie de ce vin mousseux dont MM les professeurs de Bonn aiment a se conforter dans leurs pieux pèlerinages à Godesberg. Arrivé a Paris, je consacrai les six premières semaines a revoir en pleine liberté cette grande ville qui s’embellit avec chaque année. Je visitai en même temps mes connaissances, dont plusieurs etoient encore à la campagne. Je fus présenté à des personnages marquans, et vos lettres de recommandations me valurent partout une reception honorable. on me fit beaucoup de promesses mais qui malheureusement n’eurent aucun effet. Mr le Ministre de l’instruction publique se montra surtout prodigue de belles paroles, mais avare d’actions. Il voulait, disait-il, penser a moi dans deux, dans trois, que sais-je, dans six mois. C’êtait à peu près la même histoire auprès [2] de Mr Cousin dont les discours et les procédés décèlent une arrogance insupportable et une petite connaissance des hommes. Vous sentez, Monsieur le Professeur, qu’il me fallait à moi quelque chose de plus que des pensées. Comme donc je leur avais été recommandé de la manière la plus pressante par MM de Schlegel, de Sacy et Letrône, je crus que mon honneur et le respect dû à mon état m’interdisoient toute autre demarche auprès d’eux, et toute autre apparition dans les cabinets ministériels, obsédés aujourdhui comme autrefois par l’ambition et l’intrigue. Je quittai donc ce chemin où je m’etais enrayé, et grâce à mes bons certificats qui eurent plus d’effet auprès du clergé qu’auprès du ministère, je fus, quoique etranger au diocèse de Paris, préféré à beaucoup d’autres sujets. Deux places me furent offertes. L’une devait m’attacher à l’eglise de la Madeleine (une des premieres eglises de Paris) et fixer par conséquent mon séjour dans le quartier le plus brillant de la Capitale. Les dépenses et les desagremens inséparables de cette place me la firent refuser. J’acceptai l’autre par la quelle je devins un des vicaires de l’eglise royale St Louis en l’île. Formée par deux bras de la Seine qui coulent autour, l’ile St Louis, ainsique monsieur le Professeur le sait, peut être regardée comme une petite ville à part au sein de la Capitale de la France. Son peu d’etendue facilite le service de la paroisse, et son isolement contribue beaucoup a conserver une certaine piété et une certaine pureté de mœurs parmi les habitans, qui font en general assez riches. Quoique le gouvernement ne me donne pas un centime, j’ai de quoi vivre honnêtement. La fabrique me fait douze cents francs de fixe, les messes et le casuel s’approcheront de six cents; je reçois ensuite quelques petits présents des pensions où je vais faire le catéchisme, j’ai de plus un beau logement gratis, dont le loyer m’aurait couté au moins quatre cents francs par an dans une autre paroisse. Mon poste est donc un assez joli commencement. Je me trouve néanmoins un peu gêné la premiere année; j’ai deja acheté pour 12 cents francs de meubles, et il me faudra dépenser encore bien d’avantage, pour garnir mes appartemens d’une manière solide et propre, comme il convient a Paris, sans depasser toutefois les bornes de la modestie ecclesiastique. Il est vrai que j’ai un autre moyen de subvenir à mes besoins tout en fesant le bien. Ma manière de prêcher a plu beaucoup à Paris, et déja deux eglises m’ont offert les trois stations, c. a. d. les sermons du carême, d’aprés Paques, et de l’Avent de 1834. Une seule station vaut quelquefois d un prédicateur habile cinq ou six cents francs; au commencement il faut se contenter avec [3] deux ou trois cents. Cependant je n’ai point encore accepté l’offre, parceque, si je me livre à la prédication, il me faudra, faute de temps, negliger entièrement les langues orientales. Je dois du reste vous avouer, Monsieur le Professeur, que l’amour de ces langues a diminué considerablement en moi par la consideration que ces etudes laissent en France la plupart de ceux qui s’y livrent dans l’obscurité et l’indigence. Il n’en est pas ainsi de la predication; la xxxxx plupart de nos évêques lui doivent leur élévation: et la foule innombrable de tout rang, de tout âge et de toute religions que je vois accourir aux sermons de quelques prédicateurs distingués qui se trouvent maintenant à Paris, me prouve que la chaire est encore très honorée parmi nous: c’est que l’eloquence publique joue en France un tout autre rolle qu’en Allemagne. Il est donc possible qu’il arrive un changement dans le genre de mes occupations, mais il n’en surviendra aucun dans les sentimens de ma reconnaissance envers vos bontés, dont le souvenir seul a pu m’enhardir à vous raconter tous ces petits détails. C’est cette reconnaissance qui m’inspire aussi les vœux sincères que je forme pour votre bonheur au commencement de cette nouvelle année. Il est vrai que les grands hommes ne divisent point les ans comme le vulgaire: ils ne comptent les âges que par des actions d’eclat ou par des livres savans. Puisse donc la providence vous accorder la santé pour terminer les ouvrages que vous avez déja poussés si avant, et qui doivent ouvrir une ère nouvelle dans la littérature orientale.
Veuillez agréer les sentimens respectueux avec lesquels j’ai l’hon
[neur] d’être,
Monsieur le Professeur,
votre très humble et
très obeissant serviteur
L’abbé A. J. Rous
L’abbé Rous au
presbytère de l’île St Louis à Paris.
[4] Monsieur
Monsieur de Schlegel professeur
à
l’université de Bonn en Prusse.
à
Bonn.
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