Chère amie, je ne vous écris d’ici que quelques lignes pour vous dire que je suis de retour et à vos ordres. Depuis Vienne jusqu’ici je ne vous ai point écrit. C’étoit une autre affaire en allant, je m’éloignois de vous et je parsemois la route de petits chiffons qui volaient en arrière pour vous rejoindre. A présent je m’avançois vers vous à grands pas et je ne pouvois pas espérer que mes billets allassent plus vite que moi-même. D’ailleurs, allant toujours en poste et presque sans exception jour et nuit, je ne me suis pas donné le tems d’écrire, il m’a paru qu’il valoit mieux venir. Je vous ai écrit de Vienne neuf fois par quatre courriers, deux fois chacun par les différentes voyes. La dernière fois je vous ai écrit le 17 juillet directement, je suis parti le 18 matin, j’ai été d’un trait, exceptés quelques petits retards involontaires, de Vienne à Salzbourg. Là je me suis refait pendant près d’un jour, je n’ai pas pu voir le prince royal, il étoit absent pour une fête de campagne. De là j’ai été à Innsbruck où je me suis encore un peu reposé, la dernière reprise jusqu’ici a été la plus forte, elle est de dix-sept postes et demi et en partie d’affreuses montagnes. Je repars demain à la pointe du jour, après-demain matin j’espère être à Zurich et y trouver de vos nouvelles.
Je me flatte que sur un voyage d’à peu près cinq cent lieues fait en cinq semaines vous ne trouverez pas un retard de trois jours inexcusable. Je mets ceci à la poste ici dans la supposition que je pourrois arriver à Zurich après elle, le départ du courrier qui doit vous apporter ceci au moins lundi. La tête me tourne de cinq nuits passées en voiture sur deux où je me suis couché, mais enfin j’ai voulu manquer aussi peu que possible à ma promesse. Tout ce qui concerne les conseils que j’ai à donner à ma belle-sœur, je l’ai écrit dans mes lettres précédentes, mais je le rappellerai encore. Je suis d’avis qu’elle achète une terre, qu’elle aille aux bains à T., que de là elle négocie ultérieurement ses affaires. Je voudrois pour tout au monde causer avec elle ou avec une personne de sa confidence, beaucoup de choses ne se communiquent pas par écrit, quand même on se donneroit toute la peine du monde pour y parvenir. Je pourrois aller à la rencontre de cette personne, jusqu’à Berne je n’y vois point d’inconvénient.
Adieu, chère amie, je tombe de lassitude; j’écrirai en chemin d’ici à Zurich et je le mettrai à la poste en arrivant.