Il n’est rien de plus simple que le mot de Saint-Martin – il s’est un peu joué de Biot en l’arrêtant au premier pas – cependant il parloit à un mathématicien en figures de sa science. Les nombres irrationaux sont l’emblème du mal parce que leur base est contradictoire en elle-même et impossible à concevoir. D’ailleurs cette nature réfractaire d’un nombre s’oppose à toute progression vers un rang plus élevé, car pour élever un nombre à une puissance plus haute il faut replier son activité sur son centre, c’est-à-dire le multiplier avec sa racine. Or dans les nombres irrationaux cette racine est impossible à extraire. Saint-Martin a donc voulu dire que le monde a été créé pour dénaturer le mal, pour l’identifier avec le bien, et que cela ne pouvant se faire par des moyens purement naturels et raisonnables, les voyes miraculeuses étoient préétablies par la création même.
Pour que tout ceci vous devienne parfaitement clair, je ne demande qu’une petite leçon d’algèbre à Auguste sur l’extraction des racines et sur les puissances des nombres.
M. Biot, pour devenir un homme raisonnable, devroit entrer dans l’Ecole de Pythagore et se taire pendant cinq ans. Les prêtres égyptiens l’auroient envoyé promener encore bien autrement que S[ain]t-Martin.
Les savants d’aujourd’hui ont perdu l’œil de la science; ils travaillent à l’aveuglette comme les vers à soie forment leurs cocons. Celui qui voit peut ensuite en admirer le bel ovale, mais pour eux ils n’en savent rien.
Il est de grand matin, je n’ai encore pu voir personne, mais je viens de recevoir une fort aimable invitation de la part de M. de Polier.
J’ai été tout chagrin de vous voir hier si indisposée – soignez votre santé avant tout. Votre accablement provient en partie de votre état physique et en partie de l’air que vous respirez. Ces obstacles levés, vous aurez de nouveau la jouissance de vos superbes facultés.
Mille adieux, chère amie.