Chère amie, je n’ai plus eu de lettres de vous depuis celle du 26 mai, que Neipperg m’a apportée. J’ai su par le Colonel Arfwedson que vous n’avez quitté Stockholm que le 3 de ce mois. Ne pouvant pas savoir que vous resteriez si longtemps, je vous avois déjà écrit à Gothembourg; j’espère que cela vous parviendra. Je continue de même, quand même cela ne vous y atteindrait plus depuis la prise d’Hambourg; c’est à présent notre voye la plus directe pour l’Angleterre.
D’abord sur Albert. Je vous envoye une lettre du Cte de Neipperg qui ne vous confirmera que trop le mécontentement que sa conduite a excité. J’ai une lettre d’Alb[ert] du 4 juin, sans indication de lieu, probablement de Lauenburg puisque Tettenborn y a son quartier. Il écrit toujours qu’il n’a point encore reçu d’ordre pour revenir, quoique le Pr[ince] R[oyal] lui-même et le Lt-Col[onel] Camps m’ayent dit depuis longtemps positivement que cet ordre lui avait été expédié. Aussi longtemps que Hambourg tenoit, son retard pouvoit avoir quelqu’excuse; mais, au moins après l’évacuation, il auroit dû partir incessamment et il me semble que ce n’est que son aversion pour les réprimandes méritées qui le retient là-bas. Je l’ai pressé dans toutes mes lettres, ma dernière lui aura été remise par le Col[onel] Suchtelen, que j’ai prié de lui parler raison et de le détourner des projets fous dont il s’occupe. Enfin nous verrons s’il viendra – ses chevaux sont ici depuis une semaine au moins, et il m’a fallu fournir de l’argent à son palefrenier, qui en étoit absolument dénué. Le fait est qu’il déteste la subordination, qui lui seroit cependant infiniment salutaire – tout son but est de s’émanciper. Tettenborn l’a naturellement traité sur le pied de frère et compagnon, mais on dit qu’il n’est pas trop bien entouré, et il est facile de supposer que dans cet amas de nouvelles levées, formées en partie avec des patriotes zélés, en partie aussi avec des aventuriers, il doit y avoir un grand mélange de mauvaise compagnie. On a rapporté ici des propos déplacés d’AIb[ert]; on s’est plaint de son manque d’égards pour le G[énéral] Lagerbring, lors de son arrivée à Hambourg – je crois être sûr qu’il a joué tout le tems: il a voulu prendre de l’argent chez les banquiers à Hambourg et à Altona qui le lui ont refusé – s’il n’est plus dans la détresse à présent c’est qu’il aura regagné ses pertes. Enfin c’est une suite de crâneries. A présent, il voudroit se soustraire au désagrément momentané qu’il s’est attiré, cela est déraisonnable, contraire à tous les principes de conduite et même me paroît impossible. Il ne sert à rien de revenir sur son compte auprès du Pr[ince] R[oyal], j’ai fait à cet égard tout mon possible et Neipperg après moi. Mais que peut-on dire, autant (sic) que le sujet d’un juste mécontentement continue?
Si vous lui écrivez, chère amie, ayez l’air de ne pas savoir tout ceci par moi – d’ailleurs sa lettre que je vous ai expédiée avec ma dernière vous aura assez donné lieu d’en tirer des indications.
Vous me voyez toujours ici, et je ne sais pas combien ce séjour se prolongera. Vous connoissez aussi bien que moi les causes de cette inaction forcée – je vous réfère au second bulletin suédois publié le 3. Aujourd’hui Pozzo di Borgo est arrivé – je m’étois déjà inquiété de l’idée qu’il seroit tombé dans un parti ennemi, car plusieurs courriers, partis du Quartier G[énéra]l après lui, l’ont devancé ici de beaucoup. Mais il aura par précaution fait un grand détour. Je ne l’ai pas encore vu. On saura bientôt par différents symptômes s’il a pu apporter quelque chose de satisfaisant. D’après tous les rapports l’armée alliée, forte de 100.000 h[ommes], est dans le meilleur état, pourvue de tout; elle a effectué sa retraite en bon ordre et se tient concentrée dans une forte position, ayant le dos tourné vers la Haute-Silésie. Cependant Bonap[arte] tâche de la déborder sur la droite et a poussé un détachement à Breslau et peut-être au delà, son but principal semble être de pénétrer en Pologne et d’y exciter une insurrection – c’est une mauvaise engeance que ces gentilhommes polonais qui, seuls, sont le mobile de tout cela. Les alliés suivent le système de Wellington – ils ont, en se retirant de la Lusace, enlevé toutes les provisions et emmené avec eux les bestiaux. Aussi les prisonniers français à Schweidnitz assuroient-ils qu’on manquoit extrêmement de vivres dans leur armée. Les Prussiens se battent glorieusement dans toutes les occasions et quelle que soit l’issue de la campagne, ils ont certainement reconquis leur réputation militaire.