• August Wilhelm von Schlegel to Guillaume Favre

  • Place of Dispatch: Coppet · Place of Destination: Genf · Date: 31.07.1816
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Guillaume Favre
  • Place of Dispatch: Coppet
  • Place of Destination: Genf
  • Date: 31.07.1816
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Adert, Jules: Mélanges dʼhistoire littéraire par Guillaume Favre. Avec des lettres inédites dʼAuguste-Guillaume Schlegel et dʼAngelo Mai. Bd. 1. Genf 1856, S. XCIII‒XCIV.
  • Incipit: „[1] Coppet, 31 juillet 1816.
    Je suis charmé, Monsieur, de vous voir encore occupé de ma bagatelle florentine. Je souhaiterais quʼune courte [...]“
    Manuscript
  • Provider: Genf, Bibliothèque de Genève
  • Classification Number: Ms. suppl. 968, f. 49r-50v
  • Provenance: 2 S., hs. m. U.
    Language
  • French
  • Greek
  • Latin
[1] Coppet, 31 juillet 1816.
Je suis charmé, Monsieur, de vous voir encore occupé de ma bagatelle florentine. Je souhaiterais quʼune courte notice des deux écrits qui traitent du même sujet fût insérée dans la Bibliothèque Universelle, et vous seriez bien aimable de vous en charger.
Voici quelques réponses à vos objections.
Il me paraît évident que les chevaux de Venise ont formé lʼattelage dʼun quadrige. Ils sont parfaitement appareillés, leur marche est symétrique, quoique variée de la droite à la gauche; enfin, on ne voit aucune trace sur leur dos quʼils aient jamais porté un cavalier. Lorsque les chevaux de selle, dans les monuments antiques, ont un poitrail semblable, il sert à attacher la housse, car il ne paraît pas que les anciens aient eu lʼusage de sangler les chevaux; or il ne se trouve point de trace dʼune housse ou dʼun autre ephippion quelconque.
Dans le passage dʼHérodote ἐπίχρυσος signifie certainement couvert de plaques dʼor, puisque le mot ἐπάργυρος est tout à côté. Croyez-vous que les grands seigneurs de Perse aient été assez [2] mesquins pour avoir des chouches seulement argentées? Cʼétaient sans doute des lits de bois, couverts en entier ou en partie de plaques dʼor ou dʼargent Les chevaux de Venise sont dorés à notre manière, cʼest-à-dire par une solution de lʼor dans le vif argent quʼon faisait ensuite évaporer par lʼeffet du feu. Pline décrit tous les procédés de la dorure au feu, quoique dʼune manière peu intelligible pour moi, qui ne suis pas chimiste. Mais les anciens employaient aussi souvent la dorure froide, pour laquelle on préparait dʼavance des feuillets, bracteæ. Les plus épaisses sʼappelaient chez les Romains bracteæ prænestinæ, dʼaprès une statue de la Fortune à Præneste qui en était très-massivement (fidelissime) dorée. Le regrattage de nos dorures infidèles pouvait être bon pour des Juifs, mais des voleurs à Delphes en auraient-ils eu le loisir et auraient-ils choisi cela de préférence, dans un endroit qui regorgeait dʼobjets en or massif? Si la statue de Pallas eût été dorée par un amalgame, les becs des oiseaux auraient endommagé lʼairain autant que lʼor, et lʼun et lʼautre faiblement, au lieu que si cʼétaient des bractées, ils pouvaient [3] en arracher des lambeaux. Mon motif pour croire que Néron avait employé la dorure froide et massive pour sa statue dʼAlexandre, est tout simple: la dorure au feu nʼauraient rien gâté aux contours, et on aurait eu tort de vouloir lʼenlever. Les expressions des Byzantins χρυσόβαφα et ἐληλιμμένα χρυσῷ expriment admirablement bien notre dorure par solution. Je voudrais savoir si quelque auteur classique du bon temps emploie ces termes.
Je penche toujours à croire que les chevaux de Venise sont de Lysippe ou sortis de son école, laquelle parmi toutes a été la plus féconde en ouvrages de ce genre. Lysippe, fecit quadrigas multorum generum. Il faut chercher lʼauteur parmi les statuaires dont on cite des chevaux, et les artistes de Chios, nommés par Mustoxidi ne sont pas de ce nombre. Le style range notre quadrige dans le siècle dʼAlexandre le Grand. M. Seitz a montré une grande ignorance de lʼhistoire de lʼart en voulant attribuer ce monument à Myron ou à Polyclète qui positivement nʼont jamais fait de chevaux, et dont le style dʼailleurs écarte cette supposition.
[4] Au nom du ciel, faites remettre pour moi chez Paschoud Cluverii Italia antiqua; Beaufort, sur lʼincertitude de lʼhistoire romaine, Rycking, de primis Ital. colonis (ad calcem Holstenii), et, sʼil est possible, les fragments dʼEnnius, etc., etc. Cependant, les deux premiers de ces livres me sont les plus nécessaires, et je ne saurais guère achever mon travail actuel sans les avoir.
Jʼai été dernièrement à la Grange avec Mme de Staël, mais sans vous trouver. Je serais déjà revenu à Genève, si le temps nʼavait pas été si affreux. Mais voilà le déluge qui arrive, et qui pourrait bien noyer toutes nos recherches dʼantiquités.
Tout à vous,
SCHLEGEL.
[1] Coppet, 31 juillet 1816.
Je suis charmé, Monsieur, de vous voir encore occupé de ma bagatelle florentine. Je souhaiterais quʼune courte notice des deux écrits qui traitent du même sujet fût insérée dans la Bibliothèque Universelle, et vous seriez bien aimable de vous en charger.
Voici quelques réponses à vos objections.
Il me paraît évident que les chevaux de Venise ont formé lʼattelage dʼun quadrige. Ils sont parfaitement appareillés, leur marche est symétrique, quoique variée de la droite à la gauche; enfin, on ne voit aucune trace sur leur dos quʼils aient jamais porté un cavalier. Lorsque les chevaux de selle, dans les monuments antiques, ont un poitrail semblable, il sert à attacher la housse, car il ne paraît pas que les anciens aient eu lʼusage de sangler les chevaux; or il ne se trouve point de trace dʼune housse ou dʼun autre ephippion quelconque.
Dans le passage dʼHérodote ἐπίχρυσος signifie certainement couvert de plaques dʼor, puisque le mot ἐπάργυρος est tout à côté. Croyez-vous que les grands seigneurs de Perse aient été assez [2] mesquins pour avoir des chouches seulement argentées? Cʼétaient sans doute des lits de bois, couverts en entier ou en partie de plaques dʼor ou dʼargent Les chevaux de Venise sont dorés à notre manière, cʼest-à-dire par une solution de lʼor dans le vif argent quʼon faisait ensuite évaporer par lʼeffet du feu. Pline décrit tous les procédés de la dorure au feu, quoique dʼune manière peu intelligible pour moi, qui ne suis pas chimiste. Mais les anciens employaient aussi souvent la dorure froide, pour laquelle on préparait dʼavance des feuillets, bracteæ. Les plus épaisses sʼappelaient chez les Romains bracteæ prænestinæ, dʼaprès une statue de la Fortune à Præneste qui en était très-massivement (fidelissime) dorée. Le regrattage de nos dorures infidèles pouvait être bon pour des Juifs, mais des voleurs à Delphes en auraient-ils eu le loisir et auraient-ils choisi cela de préférence, dans un endroit qui regorgeait dʼobjets en or massif? Si la statue de Pallas eût été dorée par un amalgame, les becs des oiseaux auraient endommagé lʼairain autant que lʼor, et lʼun et lʼautre faiblement, au lieu que si cʼétaient des bractées, ils pouvaient [3] en arracher des lambeaux. Mon motif pour croire que Néron avait employé la dorure froide et massive pour sa statue dʼAlexandre, est tout simple: la dorure au feu nʼauraient rien gâté aux contours, et on aurait eu tort de vouloir lʼenlever. Les expressions des Byzantins χρυσόβαφα et ἐληλιμμένα χρυσῷ expriment admirablement bien notre dorure par solution. Je voudrais savoir si quelque auteur classique du bon temps emploie ces termes.
Je penche toujours à croire que les chevaux de Venise sont de Lysippe ou sortis de son école, laquelle parmi toutes a été la plus féconde en ouvrages de ce genre. Lysippe, fecit quadrigas multorum generum. Il faut chercher lʼauteur parmi les statuaires dont on cite des chevaux, et les artistes de Chios, nommés par Mustoxidi ne sont pas de ce nombre. Le style range notre quadrige dans le siècle dʼAlexandre le Grand. M. Seitz a montré une grande ignorance de lʼhistoire de lʼart en voulant attribuer ce monument à Myron ou à Polyclète qui positivement nʼont jamais fait de chevaux, et dont le style dʼailleurs écarte cette supposition.
[4] Au nom du ciel, faites remettre pour moi chez Paschoud Cluverii Italia antiqua; Beaufort, sur lʼincertitude de lʼhistoire romaine, Rycking, de primis Ital. colonis (ad calcem Holstenii), et, sʼil est possible, les fragments dʼEnnius, etc., etc. Cependant, les deux premiers de ces livres me sont les plus nécessaires, et je ne saurais guère achever mon travail actuel sans les avoir.
Jʼai été dernièrement à la Grange avec Mme de Staël, mais sans vous trouver. Je serais déjà revenu à Genève, si le temps nʼavait pas été si affreux. Mais voilà le déluge qui arrive, et qui pourrait bien noyer toutes nos recherches dʼantiquités.
Tout à vous,
SCHLEGEL.
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