• Eugène Burnouf to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Paris · Place of Destination: Bonn · Date: 22.09.1834
Edition Status: Single collated printed full text without registry labelling not including a registry
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Eugène Burnouf
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Paris
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 22.09.1834
    Printed Text
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: 362738858
  • Bibliography: Burnouf, Eugène: Choix de lettres d’Eugène Burnouf 1825–1852. Suivi d’une bibliographie. Paris 1891, S. 461‒465.
  • Incipit: „[1] Paris, 22 septembre 1834.
    Monsieur,
    Si jʼai tardé aussi longtemps à vous écrire et à vous exprimer ma vive reconnaissance pour toutes [...]“
    Manuscript
  • Provider: Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresden
  • OAI Id: DE-611-38972
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.3,Nr.115
  • Number of Pages: 3 S., hs. m. U. u. Adresse
  • Format: 24,8 x 19,1 cm
[1] Paris, 22 septembre 1834.
Monsieur,
Si jʼai tardé aussi longtemps à vous écrire et à vous exprimer ma vive reconnaissance pour toutes les bon tés que vous avez eues pour moi pendant mon séjour à Bonn, cʼest, que je désirais pouvoir vous dire quelque chose de certain sur la commission dont vous mʼavez chargé relativement au Journal asiatique. Je mʼen suis occupé déjà, et jʼai lʼespérance de vous envoyer un bon nombre des numéros qui vous manquent; mais nous aurons quelque peine à retrouver les plus anciens, par exemple le n° 3, parce que les premiers volumes de la série ont tous été brochés, et quʼon ne peut plus en détacher les numéros. Toutefois, vous pouvez être certain que je ne négligerai aucune démarche pour tâcher de vous satisfaire à cet égard.
Aux marques nombreuses dʼintérêt que vous mʼavez données il y a quinze jours, vous joignez encore une lettre remplie des sentiments les plus bienveillants pour moi. Je ne saurais vous dire, Monsieur, combien jʼen suis touché. Mais je redoute de tomber dans votre opinion, si vous continuez à faire attention à mes rapsodies zendiques, et vous êtes beaucoup trop indulgent dʼappeler mes commentaires des chemins tortueux. Pour un homme comme vous, ce doit être (indépendamment des fautes réelles que vous y trouvez) une lecture nauséabonde. Mais quel est le second orientaliste européen qui soit à la fois érudit, poète et écrivain, et qui joigne à la patience de lʼéditeur la chaleur de lʼimagination et la finesse du goût? Ce nʼest certainement pas M. Bopp. Quand on vous a pour juge, il faut donc sʼattendre à se voir condamné pour plus dʼune faute, et les prévenus que vous appelez à votre tribunal ne peuvent en être quittes à bon marché. Je nʼen suis que plus flatté dʼavoir mérité cet honneur redoutable; jʼy trouve un immense profit pour mes études, et, permettez-moi de le dire, quelque satisfaction pour ma vanité, si tant est que mon fatras vaille la peine que je mʼy intéresse à ce point. Si vous le permettez, je ferai usage de vos observations; car jʼaurai bien des additions et corrections à faire, et je ne négligerai [2] pas de réparer les omissions dont ma mémoire mʼa rendu coupable; si la faute a été publique, la réparation le sera aussi. MM. Lassen et Windischmann mʼont déjà fourni dʼexcellentes remarques; les vôtres et celles de ces hommes savants seront les véritables ornements de mon volume.
Il est bien heureux que M. Rosen nʼait pas (comme font, à ce quʼil parait, MM. Benary et Pott) épousé les querelles de M. Bopp. Cʼest que M. Rosen nʼa pas, dans son caractère, la virulence de pédantisme qui a dégoûté ici quelques personnes de la lecture des Jahrbücher für Wissensch. Kritik. M. Rosen est bien heureux dʼavoir séjourné assez longtemps à Londres pour pouvoir y recueillir des manuscrits. Nous y gagnerons des notes nouvelles pour votre Bhâgavad-gîta, ouvrage pour lequel vous continuez, à notre grand profit, dʼavoir la tendresse dʼun père. Une des gloires de lʼécole de Bonn, ce sera de sʼêtre appliquée à la connaissance des choses, et pas seulement à celle des mots; et cette gloire vous appartiendra tout entière comme au fondateur de cette belle école. Le choix dʼun morceau comme le Bhâgavad-gîta était bien significatif; peu lʼont, compris cependant, et on a continué à éparpiller les fragments de ces grandes et vénérables compositions de la poésie indienne, qui ne peuvent pas plus être brisées en morceaux que les pyramides massives, immenses et ornées comme elles, qui en reproduisent aux yeux les richesses et les proportions. Mais, tôt ou tard, justice sera faite, et vous ne devez pas être en peine de lʼavenir pour le sort du séminaire indien qui sʼhonorera dʼavoir été fondé par vous.
Puisque vous avez assez de bonté pour me transmettre le souvenir, si précieux pour moi, dont mʼhonore M. Lassen, jʼoserai vous prier de lui dire que je ne lʼai pas non [3] plus oublié, et que je me donnerai le plaisir de lui écrire bientôt. En ce moment, je gémis sous une masse dʼépreuves qui se sont accumulées sur mon domicile pendant mon absence, masse aussi épaisse et aussi pauvre que la couche marneuse qui recouvre le bassin de Paris. Pour un os de paléothérium, que de plâtre et de craie utile! Je me souviendrai toute ma vie que M. Lassen sʼest condamné à descendre dans ces catacombes, et que cette promenade pénible nʼa pas changé les sentiments quʼil mʼavait témoignés jusquʼà ce moment, depuis lʼépoque où la conformité de lʼâge et la différence immense du savoir, qui était si grand chez lui et si petit chez moi, nous avaient rapprochés sous les auspices dʼun homme qui vous admirait profondément, Abel Rémusat. Je ne négligerai pas lʼoccasion de lui exprimer moi-même combien je suis sensible à son amitié.
Mais je mʼaperçois que jʼabuse de vos moments précieux; je ne puis cependant plus me croire à Bonn, partageant avec M. Lassen ces entretiens auxquels vous mʼavez fait lʼhonneur de mʼadmettre. Si je ne suis plus assez heureux pour en jouir, il me reste vos écrits, que je méditerai, quoique indigne, et dans lesquels je trouverai de quoi acquérir des connaissances, mais non de quoi augmenter lʼadmiration profonde que je vous ai vouée, et dont je vous prie, Monsieur, de vouloir bien, en ce moment, agréer lʼexpression sincère.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Eugène Burnouf.

P. S. – Mon père me prie de vous présenter ses respectueux hommages.
[4]
[1] Paris, 22 septembre 1834.
Monsieur,
Si jʼai tardé aussi longtemps à vous écrire et à vous exprimer ma vive reconnaissance pour toutes les bon tés que vous avez eues pour moi pendant mon séjour à Bonn, cʼest, que je désirais pouvoir vous dire quelque chose de certain sur la commission dont vous mʼavez chargé relativement au Journal asiatique. Je mʼen suis occupé déjà, et jʼai lʼespérance de vous envoyer un bon nombre des numéros qui vous manquent; mais nous aurons quelque peine à retrouver les plus anciens, par exemple le n° 3, parce que les premiers volumes de la série ont tous été brochés, et quʼon ne peut plus en détacher les numéros. Toutefois, vous pouvez être certain que je ne négligerai aucune démarche pour tâcher de vous satisfaire à cet égard.
Aux marques nombreuses dʼintérêt que vous mʼavez données il y a quinze jours, vous joignez encore une lettre remplie des sentiments les plus bienveillants pour moi. Je ne saurais vous dire, Monsieur, combien jʼen suis touché. Mais je redoute de tomber dans votre opinion, si vous continuez à faire attention à mes rapsodies zendiques, et vous êtes beaucoup trop indulgent dʼappeler mes commentaires des chemins tortueux. Pour un homme comme vous, ce doit être (indépendamment des fautes réelles que vous y trouvez) une lecture nauséabonde. Mais quel est le second orientaliste européen qui soit à la fois érudit, poète et écrivain, et qui joigne à la patience de lʼéditeur la chaleur de lʼimagination et la finesse du goût? Ce nʼest certainement pas M. Bopp. Quand on vous a pour juge, il faut donc sʼattendre à se voir condamné pour plus dʼune faute, et les prévenus que vous appelez à votre tribunal ne peuvent en être quittes à bon marché. Je nʼen suis que plus flatté dʼavoir mérité cet honneur redoutable; jʼy trouve un immense profit pour mes études, et, permettez-moi de le dire, quelque satisfaction pour ma vanité, si tant est que mon fatras vaille la peine que je mʼy intéresse à ce point. Si vous le permettez, je ferai usage de vos observations; car jʼaurai bien des additions et corrections à faire, et je ne négligerai [2] pas de réparer les omissions dont ma mémoire mʼa rendu coupable; si la faute a été publique, la réparation le sera aussi. MM. Lassen et Windischmann mʼont déjà fourni dʼexcellentes remarques; les vôtres et celles de ces hommes savants seront les véritables ornements de mon volume.
Il est bien heureux que M. Rosen nʼait pas (comme font, à ce quʼil parait, MM. Benary et Pott) épousé les querelles de M. Bopp. Cʼest que M. Rosen nʼa pas, dans son caractère, la virulence de pédantisme qui a dégoûté ici quelques personnes de la lecture des Jahrbücher für Wissensch. Kritik. M. Rosen est bien heureux dʼavoir séjourné assez longtemps à Londres pour pouvoir y recueillir des manuscrits. Nous y gagnerons des notes nouvelles pour votre Bhâgavad-gîta, ouvrage pour lequel vous continuez, à notre grand profit, dʼavoir la tendresse dʼun père. Une des gloires de lʼécole de Bonn, ce sera de sʼêtre appliquée à la connaissance des choses, et pas seulement à celle des mots; et cette gloire vous appartiendra tout entière comme au fondateur de cette belle école. Le choix dʼun morceau comme le Bhâgavad-gîta était bien significatif; peu lʼont, compris cependant, et on a continué à éparpiller les fragments de ces grandes et vénérables compositions de la poésie indienne, qui ne peuvent pas plus être brisées en morceaux que les pyramides massives, immenses et ornées comme elles, qui en reproduisent aux yeux les richesses et les proportions. Mais, tôt ou tard, justice sera faite, et vous ne devez pas être en peine de lʼavenir pour le sort du séminaire indien qui sʼhonorera dʼavoir été fondé par vous.
Puisque vous avez assez de bonté pour me transmettre le souvenir, si précieux pour moi, dont mʼhonore M. Lassen, jʼoserai vous prier de lui dire que je ne lʼai pas non [3] plus oublié, et que je me donnerai le plaisir de lui écrire bientôt. En ce moment, je gémis sous une masse dʼépreuves qui se sont accumulées sur mon domicile pendant mon absence, masse aussi épaisse et aussi pauvre que la couche marneuse qui recouvre le bassin de Paris. Pour un os de paléothérium, que de plâtre et de craie utile! Je me souviendrai toute ma vie que M. Lassen sʼest condamné à descendre dans ces catacombes, et que cette promenade pénible nʼa pas changé les sentiments quʼil mʼavait témoignés jusquʼà ce moment, depuis lʼépoque où la conformité de lʼâge et la différence immense du savoir, qui était si grand chez lui et si petit chez moi, nous avaient rapprochés sous les auspices dʼun homme qui vous admirait profondément, Abel Rémusat. Je ne négligerai pas lʼoccasion de lui exprimer moi-même combien je suis sensible à son amitié.
Mais je mʼaperçois que jʼabuse de vos moments précieux; je ne puis cependant plus me croire à Bonn, partageant avec M. Lassen ces entretiens auxquels vous mʼavez fait lʼhonneur de mʼadmettre. Si je ne suis plus assez heureux pour en jouir, il me reste vos écrits, que je méditerai, quoique indigne, et dans lesquels je trouverai de quoi acquérir des connaissances, mais non de quoi augmenter lʼadmiration profonde que je vous ai vouée, et dont je vous prie, Monsieur, de vouloir bien, en ce moment, agréer lʼexpression sincère.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Eugène Burnouf.

P. S. – Mon père me prie de vous présenter ses respectueux hommages.
[4]
· Abschrift , 22.09.1834
· Bibliothèque nationale de France
· NAF 1060, ff 232-234recto
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