Mon cher Gourou, je Vous ai écrit avant mon départ pour lʼAngleterre, jʼai exprimé ma réconnoissance envers Vous dans la préface et les notes de mon Bh.[agavad] G.[îtâ], et je Vous en ai envoyé un exemplaire. Je me flattois de trouver quelques lignes de Votre main à mon retour de Londres dʼoù je suis revenu il y a quelques semaines sain et sauf et comme trempé dans la Gange. Mais, hélas! Vous nʼavez pas pensé à moi tandis que je traversois les mers pour avancer notre étude commune. De grace, dites-moi si Vous avez été satisfait de mon travail, parlez de moi dans le Journal asiatique, louez-moi, corrigez-moi. Jʼai confronté à Londres encore une huitaine de Manuscrits de Bh.[agavad] G.[îtâ] dans tous les passages qui présentent quelque difficulté, et jʼy ai puisé la conviction que la critique du texte est à peu près achevée. Mon émendation du dernier vers est confirmée par deux Manuscrits, lʼun de Nêpâl et lʼautre micrographique dont Mr. Colebrooke mʼa fait cadeau. Jʼai eu fort à me louer de lʼaccueil des Savans Anglois, les trésors accumulés sont immenses, mais il faut des mains actives et laborieuses pour exploiter tout cela. Le temps que jʼai pu donner à ce voyage étoit de beaucoup [2] trop court; jʼai eu la précaution dʼarriver sishya sahitah, mon écolier est resté à Londres, il fait des copies et des collations pour mon compte, et nous avançons rapidement. Lʼétude du Sanscrit va prendre un grand essor: il faut absolument quʼun ancien habitué du mont Mérou comme Vous mette la main à lʼœuvre – toutes les Apsarases Vous combleront de leurs faveurs. En voyant le prospectus que je Vous envoye Vous direz peut-être que je vais sur vos brisées. Mais, mon cher Gourou, prevenez-moi, publiez avant moi Votre travail sur le Râmâyana préparé depuis tant dʼannées, Vous en avez encore tout le temps, car lʼannée prochaine sʼécoulera avant que rien puisse être distribué. Jʼen serai enchanté, Vous possédez un talent unique pour transporter dans les formes Européennes le charme de la poésie Indienne, et moi je me borne au travail ingrat de critique et dʼinterprète.
Adieu mille tendres amitiés – ne me laissez pas sans réponse.