Voilà Auguste arrivé, cher Wilhelm; mais rien ne peut guérir la blessure de votre absence; on ne se communique qu’avec le même âge et la même hauteur d’esprit. Voici une lettre qu’il a apportée pour vous, et une autre de ma cousine. Ce qu’il dit de plus marquant en fait de nouvelles, c’est que les proclamations russes ayant choqué l’amour-propre militaire en France, il s’en est suivi que la conscription de 1814 s’est levée sans une difficulté.
Madame de Humboldt m’écrit qu’elle croit à la déclaration de l’Autriche à la mi-mai, et qu’on y a un grand enthousiasme pour le Prince royal: dites-le lui; mais [2] il saura par M. d’Engeström que Neipperg a reçu d’amères plaintes sur les retards qu’on avait fait éprouver à M. de Weissenberg en Suède, et de grandes doléances sur ce que le Prince se détourne pour la Norvège de la cause commune. Ce qu’il ne dira pas, et ce que je vous confie pour le dire au Prince, c’est qu’il a reçu avant-hier l’ordre de sa cour de lui expliquer les rapports de la Suède et du Danemark, et qu’il l’a fait comme l’aurait fait Wetterstedt.
M. de Löwenhielm me mande que votre ouvrage a le plus grand succès au quartier général russe, et qu’il voudrait le faire réimprimer [3] en Allemagne.
Il faut dire au Prince que mon fils aîné a su qu’on avait tiré, le 23 octobre, du sein de l’armée française, contre son maître: ce qui correspondait avec la conjuration Malet.
Les Suisses ont refusé de compléter leurs bataillons écharpés à la Bérésina: on l’a supporté. S’il me revient quelques faits, je vous les dirai; en attendant, tâchez de me regretter.
Je profite de l’occasion de Binder, et je vous écrirai par la poste. Le comte Neipperg est appelé à l’armée; vous le verrez. Nous partirons à peu près ensemble, je crois, vers le 25; écrivez-moi toujours ici. J’ai trouvé Auguste tout désorganisé; mais j’espère [4] le remettre. Ah! si vous étiez ici! mais vous êtes mieux là-bas. Remerciez le Prince pour moi de son aimable accueil à mon fils; c’est à Helsingborg qu’ils se sont vus. Diteslui bien, au Prince, que je suis à lui, à la vie et à la mort; mais qu’il inspire tant d’enthousiasme en Allemagne, qu’il leur doit quelque chose pour cela. Dites à Albert que je lui ai écrit le dernier courrier, que son frère se désole de ne l’avoir pas vu; et vous, songez que vous êtes de la famille; et revenez au nid, quand vous aurez fini votre noble entreprise.
Adieu, cher ami, adieu, ecrivez-moi; j’ai tant besoin de ne pas me croire séparée de vous!