S.V.B.E.E.V.
Nous sommes heureusement arrivés hier soir quoique par une grande obscurité. A mon entrée, j’ai trouvé ici une foule de personnes très bien mises, qui, ayant appris que j’étois sur mon départ, ont voulu me voir encore une fois. Nous nous sommes embrassés avec attendrissement. C’étoit une centaine de mes livres nouvellement reliés.
Je crois, chère amie, que je suis le Burggeist de votre château, astreint d’y rester jusqu’à ce qu’une force de magie supérieure l’enlève.
Voici les livres que vous avez désirés. Nathan doit se trouver parmi ceux que vous avez pris avec vous. En tout cas il est inséré dans l’esprit de Lessing publié par mon frère que j’ai prêté à M. Turretini. M. de Voght doit pouvoir vous procurer Emilia Galotti et Minna von Barnhelm puisqu’il les a récitées ici. Wallenstein ne se trouve pas. J’ai fouillé partout. On ne me l’a jamais rendu depuis que vous l’avez donné à M. Const[ant]. Je ne trouve que le second volume du roman de Gœthe; qui a le premier? Si les livres vont comme cela de main en main, et si l’on se permet d’en prendre dans la bibliothèque allemande, je ne puis plus répondre de rien.
Je vous prie de faire des complimens empressés à Mlle Randall, qui étoit, à ce que je crains, piquée contre moi à notre départ, je ne sais pas pourquoi.
Adieu, chère amie, donnez-moi bientôt de bonnes nouvelles de votre disposition intérieure et amusez-vous un peu de la foule de visites genevoises.
Avez-vous pris avec vous un volume de l’Odyssée de Voss? Je ne le trouve pas. Si vous l’avez vous pourriez le faire lire à Albertine que je salue de tout mon cœur. Je souhaite un prompt rétablissement à Albert.
Ayez la bonté de m’envoyer un peu d’argent par Uginet, je n’en ai plus du tout et j’ai des petites dettes ici.