• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bern · Place of Destination: Genf · Date: 30.01.1812
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bern
  • Place of Destination: Genf
  • Date: 30.01.1812
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 354‒355.
  • Incipit: „B[erne] ce 30 janvier 1812.
    J’ai reçu hier à ma satisfaction vos deux lettres du 24 et 27; je ne sais pas [...]“
    Language
  • French
B[erne] ce 30 janvier 1812.
J’ai reçu hier à ma satisfaction vos deux lettres du 24 et 27; je ne sais pas ce qui peut avoir causé le retard de la première.
Chère amie, je suis actuellement hors d’état de donner des conseils à ma belle-sœur; séparé d’elle comme je le suis, je n’ai aucune donnée pour cela. Il faut qu’elle prenne conseil de médecins sur sa santé, d’elle-même sur ses dispositions morales. Elle sait ensuite que lorsqu’elle aura pris une résolution quelconque pour l’arrangement de ses affaires, elle me trouvera toujours prêt à son service et que je mettrai tout le zèle imaginable à l’exécution de ses projets.
Je me flatte que M. de B[alk] voit un peu avec défaveur la nouvelle patrie de Frédéric, du moins ce que vous m’indiquez m’est nettement confirmé par mes propres observations – je crains aussi qu’il exagère un peu les facilités qu’un professeur allemand trouveroit dans la sienne. Cependant ce qu’il dit s’accorde assez avec les circonstances du tems.
Je méditerai votre bel article sur le Camoëns et je vous communiquerai mes petites observations; je crains n’avoir rien de bien essentiel à y ajouter, ne pouvant pas me procurer les livres nécessaires. Je vous trouve bien complaisante de fournir de ces articles-là – le cadre est trop étroit pour vous –; un abrégé de notices biographiques est écrasé par des pensées un peu vastes.
Chère amie, j’ai trouvé que vous n’usiez pas bien de ma confiance en vous érigeant en censeur et en censeur puritain d’une relation fort innocente, dont je vous avois parlé avec la plus grande sincérité – vous m’en deviez croire sur parole et ne point écouter ce que disent les autres. Il y a ensuite de l’injustice et une injustice oppressive à ne point reconnaître les besoins individuels. Vous êtes irritée de ce que j’ai trouvé pour quelques mois ce que je devrois avoir toujours. Vous m’avouerez que vous êtes trop entourée et que vous vous plaisez trop à l’être, pour que tout en appréciant le bonheur de vivre auprès de vous, on ne se sente pas souvent furieusement isolé. Il y a bien à côté de vos loisirs pour moi, souvent très bornés, un ample espace pour une amitié qui offre aussi des ressources à l’esprit et du charme à l’imagination.
Je suis bien reconnoissant aux Genevois de s’occuper de mes allées et de mes venues – je ne puis pas leur rendre la pareille – et je vous proteste que j’ignore à quelle femme qui que ce soit fait sa cour à Genève, si tant est que personne la fait. J’ai été pour mes péchés claquemuré pendant cinq ans dans ce foyer de froideur, je n’y ai jamais trouvé une femme qui eût témoigné le moindre goût pour ma conversation, et que je neusse fièrement importuné si javois imaginé de la voir tous les jours et de passer mes après-dîners chez elle. Je déteste les visites qui en restent là, je déteste la fadeur des réunions nombreuses, on ne vit que tête à tête, ou dans de petites réunions damis qui y équivalent. Cest là notre vie allemande, à nous autres, de se voir tous les jours ou de ne pas se voir du tout – je lai reprise pour quelques instants quand je lai rencontrée – et vous men faites un crime.
Mme H[aller] a de lâme, elle a de lesprit sans en avoir fait profession. Elle aime la littérature allemande, elle aime la poésie en général; mais comme elle ny a jamais mis de la prétention, jai le plaisir de lui communiquer beaucoup de belles choses qui, pour elle, ont lattrait de la nouveauté. Elle parle ma langue avec grâce, tandis que tout le monde ne fait que bégayer horriblement le welche. Elle aime mieux rester chez elle entourée de ses enfants et entendre une lecture que jouer au whist dans une soirée. Elle sait quon fait du commérage sur cette relation, elle se gêne à un point raisonnable pour lopinion dautrui, mais elle trouve quon auroit tort de sacrifier aux animadversions (sic) de la médiocrité un échange didées et de sentiments désintéressé qui enrichit lesprit, qui exalte lâme et la met, pour ainsi dire, en provision pour fournir la pénible carrière dune existence monotone. Avec une conscience pure et de la douceur dans le caractère on brave tous ces petits chuchotements qui finissent par sapaiser.
Vous me feriez plaisir de menvoyer une lettre de crédit, il a fallu payer mes dettes et faire autres dépenses extraordinaires. Mes besoins journaliers, chambre garnie, chauffage, éclairage, blanchissage, service, nourriture, etc... montent par mois à plus de dix louis. Ma pension nest guère moins chère que la vie à lauberge, cependant cest la seule convenable. Jai fait venir une somme dargent dAllemagne, autrement jaurois été dans le cas de vous demander cela plus tôt.
Mille adieux, chère amie.
On pourroit sarranger meilleur marché en prévoyant une certaine durée de séjour – mais cest linconvénient des arrangements passagers dêtre plus chers – et puis vous savez bien: point dargent, point de Suisses.
B[erne] ce 30 janvier 1812.
J’ai reçu hier à ma satisfaction vos deux lettres du 24 et 27; je ne sais pas ce qui peut avoir causé le retard de la première.
Chère amie, je suis actuellement hors d’état de donner des conseils à ma belle-sœur; séparé d’elle comme je le suis, je n’ai aucune donnée pour cela. Il faut qu’elle prenne conseil de médecins sur sa santé, d’elle-même sur ses dispositions morales. Elle sait ensuite que lorsqu’elle aura pris une résolution quelconque pour l’arrangement de ses affaires, elle me trouvera toujours prêt à son service et que je mettrai tout le zèle imaginable à l’exécution de ses projets.
Je me flatte que M. de B[alk] voit un peu avec défaveur la nouvelle patrie de Frédéric, du moins ce que vous m’indiquez m’est nettement confirmé par mes propres observations – je crains aussi qu’il exagère un peu les facilités qu’un professeur allemand trouveroit dans la sienne. Cependant ce qu’il dit s’accorde assez avec les circonstances du tems.
Je méditerai votre bel article sur le Camoëns et je vous communiquerai mes petites observations; je crains n’avoir rien de bien essentiel à y ajouter, ne pouvant pas me procurer les livres nécessaires. Je vous trouve bien complaisante de fournir de ces articles-là – le cadre est trop étroit pour vous –; un abrégé de notices biographiques est écrasé par des pensées un peu vastes.
Chère amie, j’ai trouvé que vous n’usiez pas bien de ma confiance en vous érigeant en censeur et en censeur puritain d’une relation fort innocente, dont je vous avois parlé avec la plus grande sincérité – vous m’en deviez croire sur parole et ne point écouter ce que disent les autres. Il y a ensuite de l’injustice et une injustice oppressive à ne point reconnaître les besoins individuels. Vous êtes irritée de ce que j’ai trouvé pour quelques mois ce que je devrois avoir toujours. Vous m’avouerez que vous êtes trop entourée et que vous vous plaisez trop à l’être, pour que tout en appréciant le bonheur de vivre auprès de vous, on ne se sente pas souvent furieusement isolé. Il y a bien à côté de vos loisirs pour moi, souvent très bornés, un ample espace pour une amitié qui offre aussi des ressources à l’esprit et du charme à l’imagination.
Je suis bien reconnoissant aux Genevois de s’occuper de mes allées et de mes venues – je ne puis pas leur rendre la pareille – et je vous proteste que j’ignore à quelle femme qui que ce soit fait sa cour à Genève, si tant est que personne la fait. J’ai été pour mes péchés claquemuré pendant cinq ans dans ce foyer de froideur, je n’y ai jamais trouvé une femme qui eût témoigné le moindre goût pour ma conversation, et que je neusse fièrement importuné si javois imaginé de la voir tous les jours et de passer mes après-dîners chez elle. Je déteste les visites qui en restent là, je déteste la fadeur des réunions nombreuses, on ne vit que tête à tête, ou dans de petites réunions damis qui y équivalent. Cest là notre vie allemande, à nous autres, de se voir tous les jours ou de ne pas se voir du tout – je lai reprise pour quelques instants quand je lai rencontrée – et vous men faites un crime.
Mme H[aller] a de lâme, elle a de lesprit sans en avoir fait profession. Elle aime la littérature allemande, elle aime la poésie en général; mais comme elle ny a jamais mis de la prétention, jai le plaisir de lui communiquer beaucoup de belles choses qui, pour elle, ont lattrait de la nouveauté. Elle parle ma langue avec grâce, tandis que tout le monde ne fait que bégayer horriblement le welche. Elle aime mieux rester chez elle entourée de ses enfants et entendre une lecture que jouer au whist dans une soirée. Elle sait quon fait du commérage sur cette relation, elle se gêne à un point raisonnable pour lopinion dautrui, mais elle trouve quon auroit tort de sacrifier aux animadversions (sic) de la médiocrité un échange didées et de sentiments désintéressé qui enrichit lesprit, qui exalte lâme et la met, pour ainsi dire, en provision pour fournir la pénible carrière dune existence monotone. Avec une conscience pure et de la douceur dans le caractère on brave tous ces petits chuchotements qui finissent par sapaiser.
Vous me feriez plaisir de menvoyer une lettre de crédit, il a fallu payer mes dettes et faire autres dépenses extraordinaires. Mes besoins journaliers, chambre garnie, chauffage, éclairage, blanchissage, service, nourriture, etc... montent par mois à plus de dix louis. Ma pension nest guère moins chère que la vie à lauberge, cependant cest la seule convenable. Jai fait venir une somme dargent dAllemagne, autrement jaurois été dans le cas de vous demander cela plus tôt.
Mille adieux, chère amie.
On pourroit sarranger meilleur marché en prévoyant une certaine durée de séjour – mais cest linconvénient des arrangements passagers dêtre plus chers – et puis vous savez bien: point dargent, point de Suisses.
· Übersetzung , 30.01.1812
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 282–283.
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