Monsieur,
Jʼai mille pardons à vous demander du long retard de ma réponse: jʼai été souvent indisposé et je suis continuellement accablé de travail. Jʼai lu et relu votre lettre du 17 Mai avec grande attention: ma réponse à plusieurs de vos arguments est toute prête, dʼautres demanderont encore quelques études. Mais laissons là la polémique, et occupons nous de quelque chose de plus agréable. Vous annoncez le projet dʼun voyage en Allemagne: réalisez-le je vous en conjure. Venez dʼabord à Bonn, et arrangez-vous pour y rester quinze jours. M. Dubois, lʼun des Inspecteurs de lʼUniversité de Paris, a bien passé ici dix jours, et il semblait sʼy plaire. Si vous voyagez seul, je vous prie dʼaccepter dans ma maison un appartement, qui est toujours prêt pour recevoir un ami. Cʼest le même que le Baron Schilling de Canstatt a occupé, il y a deux ans lors du congrès des naturalistes. Mon diner quelque frugal quʼil soit, vaudra bien celui de lʼhôtel. Nous feuilleterons les livres de ma bibliothèque. Le paysage est riant; nous ferons des courses dans ma voiture, et nous causerons chemin faisant. Nos vacances commencent avec le mois de Septembre, et durent jusquʼà la fin dʼOctobre. Je serai donc dégagé de toutes mes fonctions officielles, et jʼaurai aussi expédié mes volumes brahmaniques. Quelquesuns de mes collègues seront absents: mais je me flatte dʼêtre à même de vous raconter lʼAllemagne savante. Venez donc, et annoncez moi seulement votre arrivée quelques jours dʼavance.
Je nʼai pas besoin de vous détailler les différentes voyes par terre ou par fleuve entre lesquelles vous pourrez choisir. Elles sont toutes commodes et rapides. Nous sommes voisins.