Gothique. Sanscrit. Grec. Latin.
t
d
th ta τ t
t da δ d
d dha tha θ
th
La même formule s’applique aussi aux deux autres organes. Grimm a eu tort, à mon avis, de dire que le Goths n’ont pas eu de gutturale aspirée; le h chez eux fait évidemment double fonction. La parallèle des dentales est cependant le plus important, parce qu’on peut la vérifier dans quelques pronoms et dans la conjugaison, par exemple: sanscr. tad = goth. thata; 3e personne du singulier prés., sanscr. ati, ετι, it = goth. ith; 2e personne plur. imper.; sanscr. ata, ετε, ite = goth. ith. Il y a des exceptions dans la 2e pers. sing. et la 2e personne du duel du prétérit, où la règle exigerait d, et où il y a t, et ats; mais cette exception est justifiée par la suppression d’u[3]ne voyelle. La moyenne s’est durcie une fois comme finale, l’autre fois par le voisinage du s. Sans doute le gothique se rapproche quelquefois du zend en s’écartant des trois autres langues; mais on ne pourra pas donner cette observation comme une règle générale. Je ne puis pas non plus vous accorder que dans le gothique l’aspiration soit provoquée par le r, puisqu’elle est introduite, et même deux fois dans le même mot, où il n’y a pas de r du tout savoir dans faths pour pati. Tout ce qu’on peut dire, c’est que, tandis que le concours de plusieurs consonnes arrête souvent la permutation, la présence d’un r ne l’empeche point. L’aspirée sanscrite perd même son aspiration à côté d’un r, dans bhrâtrĭ qui est brôthar. Remarquez encore que le gothique n’ayant point d’â long, l’oméga répond toujours à â. Voila donc en un seul mot trois per mutations parfaitement en règle. La règle ci-dessus sert aussi à décider des cas douteux; par exemple, faut-il identifier wairthan (devenir) avec vrĭdh ou vrĭt? La règle décide pour la seconde racine: wairthith, vertit, vartaté. La même chose a lieu lorsque les gutturales et les labiales alternent, fimf, πέμπε, quinque. Tout le monde sait aujourd’hui ce que j’ai observé, je crois, le premier, que śa = κ, c : il faut ajouter śa = h, dans daça, δέκα, decem, taihun: paçu, pecus, faihu. Nous trouvons aussi: kṣa = hs, dans dakchina, δεξίος, dexter, taihswo. De même cha initial = σχ, sc, sk; j’en connais deux exemples. Il [4] y a un rapprochement curieux à faire entre fairhous et pârçνa. L’identité selon les permutations est parfaite: mais comment accorder le sens? Dans Ulfilas, cela exprime mundus; mais il paraît que c’est proprement la totalité des êtres vivants. Du moins le mot dont faιrhvus est dérivé, mais qui ne se trouve pas dans nos textes, signifie vie; c’est, dans l’ancien haut-allemand, ferah. De là, dans les Nibelunge , ferch- wunde, blessure vitale, c’est - à - dire mortelle.
Nos linguistes ont été frappés de l’étrangeté du mot atathni (année). Reinwald a déjà vu que ce mot était dérivé du persan adad, ou du sanscrit âditya. Mais à cause de l’â long initial, il faudra recourir à adidi, qui pourrait bien avoir été une personnification de l’année, puisque ses douze fils figurent le soleil dans les douze signes du zodiaque. Les permutations sont alors en règle.
Les voyelles gothiques sont sujettes à des variations dont je n’ai pas encore pu découvrir la loi. lt paraît que la quantité est plus fixe que la qualité; mais il ne faut pas oublier que les diphthongues ai et au ont deux valeurs diverses et sont souvent brèves. Les métamorphoses des significations sont merveilleuses. Un renversement complet n’est pas rare. C’est pourquoi l’on n’en peut pas conclure grand’ chose, quand il s’agit du déchiffrement d’une langue inconnue. Pour vous, le gothique est une œuvre surérogatoire, s’il ne devient pas un moyen d’intelligence...... Votre rappro[5]chement de prâma et de φρήν est spécieux, mais, à mon avis, non admissible, le premier mot étant composé et le second simple. D’ailleurs φρήν signifie primitivement le diaphragme, où les Grecs homériques plaçaient le siége de l’âme. Je le dérive de φρε, d’où vient φρέαρ, φράσσω, etc. Je ne vois d’autres traces du verbe sanscrit an que ἄνεμος, animus , et dans Ulfilas uz-ôn (exspirativ).
[M. Burnouf annote: Il y a dans ces observations une justesse trop frappante, pour qu’elles puissent être un instant contestées. L’analogie plus ou moins considérable que présentent les dialectes germaniques avec le zend, ne peut et ne doit être qu’un objet secondaire dans le travail que je publie en ce moment, etc.]