Je suis fort inquiète, mon cher ami, de la conduite d’Albert. Il m’écrit de Hambourg, du 6 mai; et il paraît qu’il se bat dans l’armée de Tettenborn: de qui en a-t-il la permission? Serait-il possible qu’il eût pris une telle résolution sur lui? et lorsque le Prince doit être pour nous tous, et que son frère a adopté la Suède! je vous envoie ma lettre à lui, ouverte, pour que vous vouliez bien la lire, avant de la cacheter pour la lui remettre. L’amour-propre est son principe dans toute cette affaire: il ne se trouve pas assez bien traité. Enfin c’est absurde, et je vous demande votre appui pour le guider. Voilà Brinkmann qui remplit les fonctions de chancelier de la cour, en [2] l’absence de Wetterstedt: c’est la bêtise de Waldmarck qui en est la cause; il a fait insérer un article sur la Norvège, qui est cause de la suppression de son journal.
Le bruit s’est répandu ici que les Danois vous avaient pris, à cause de votre brochure. Je voudrais bien avoir la nouvelle de votre arrivée à Stralsund, avant mon départ d’ici. Auguste réussit toujours bien; il est nommé gentilhomme de la chambre, et la clef de chambellan brille à son espoir: n’est-ce pas superbe?
Il paraît qu’on a été mécontent de Mme Thornton à Londres, et qu’elle a nui à son mari.
Douglas ne pense pas sérieusement à ma fille; il [3] y a des moments où je crains que son mariage, là, ne soit pas si facile; enfin il faut aller à travers toutes les peurs.
Le comte Neipperg vous apporte une réfutation de votre écrit, qui me paraît plus impertinente que spirituelle. On en annonce la traduction à Londres, mais sous mon nom; j’ai écrit par ce courrier pour désavouer, et mettre votre nom; et aussitôt arrivée, je fais un joli article dans l’Ambigu. J’ai écrit à Deylen, pour votre livre à déposer chez Brinkmann.
Mon Dieu! qu’il me paraît triste de partir sans vous! Croyez-vous que je ne perdrai pas mon esprit pendant tout le temps que durera votra absence? Mandez-moi les [4] nouvelles; mon cœur en bat à chaque instant. Écrivez-moi chez M. Laurent, à Gothembourg; on ne sait jamais combien les vents peuvent retenir là; et d’ailleurs cela ne retarde pas, si je suis partie. Priez pour notre passage: vous savez quelle peur la mer me fait.
On ne mande qu’on prend tous les jeunes gens de Genève pour la garde d’elite: ma pauvre cousine meurt de peur pour ses fils. Il (Napoléon) consume l’espèce humaine!
Cher ami, à qui parler quand vous n’êtes pas là? Adieu.
On dit le Prince arrivé; je reste encore demain dans l’espoir de vous savoir aussi arrivé. Je vous écrirai de Gothembourg; écrivez-moi là chez Laurent. Ah! que cela m’a ennuyée de ne pas causer avec vous!