• August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Meiringen · Place of Destination: Coppet · Date: 3. August [1807]
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Meiringen
  • Place of Destination: Coppet
  • Date: 3. August [1807]
  • Notations: Datum (Jahr) sowie Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 200‒201.
  • Incipit: „Lundi ce 3 août [1807] à Meyringen. Dans le Hasli.
    Chère amie, j’espère que vous aurez heureusement terminé votre course à la [...]“
    Language
  • French
Lundi ce 3 août [1807] à Meyringen. Dans le Hasli.
Chère amie, j’espère que vous aurez heureusement terminé votre course à la faveur du beau tems, du moins nous avons eu un ciel délicieusement serein jusqu’au samedi soir. De Bern nous avons été en char à Thun, ensuite traversé le lac et par Unterseen à pied jusqu’à Lauterbrunn. Le jour suivant nous avons vu le Staubbach dans toute sa beauté, nous avons traversé le Wenger Alp, où la Jungfrau se présente plus majestueusement qu’on ne voit le Mont Blanc à Chamony. Nous arrivâmes le soir à Grindelwald et le jour suivant nous avons été voir le glacier. Hier nous espérions voir la fête des lutteurs sur la Scheideik, mais elle n’eut pas lieu à cause du mauvais tems, ce qui me contraria beaucoup. Nous avons marché pendant sept heures dans la pluye, et les brouillards qui nous privoient entièrement de la belle vue. Nous voici dans la plus riante vallée, et dans le pays des plus belles paysannes, qui coiffent leur superbe chevelure à la grecque. Le mauvais tems nous y tient prisonniers pour un moment, car je suis très décidé à ne passer le Grimsel que par un tems parfaitement serein, sans cela on se hasarde inutilement.
Du reste ce séjour est si agréable qu’on s’y enfermeroit volontiers tout un été pour oublier ce qui se passe dans le monde. Vis-à-vis de ma fenêtre la magnifique cascade du Reichenbach fait retentir la vallée. Le tems paroit s’éclaircir, l’après-dîner nous pourrons faire une promenade dans les environs et nous remettre en route demain.
Le peuple m’intéresse encore plus dans ce voyage que la nature; je suis ravi de voir des contrées qui font croire à la dignité de l’homme. J’ai beaucoup pensé à un petit livre que je compte faire et dont le sujet sera non seulement ce voyage, mais aussi ceux d’Italie et de France. Il sera tout rapsodique, mêlé de poésies, de réflexions générales, de comparaisons, de tableaux, etc... J’y mettrai plusieurs morceaux déjà écrits en prose et en vers et je l’appellerai Umrisse auf Reisen gezeichnet. J’espère pouvoir y manifester indirectement mon sentiment national. C’est le voyage qui m’a donné cette nouvelle impulsion. Je vous ai beaucoup de reconnoissance de l’aima-ble congé que vous m’avez accordé pour le faire.
Albert se porte bien, il fait quelques progrès dans l’allemand. Du reste son sang se trahit bien par son amour pour la causerie. Il m’affuble de tous les voyageurs qu’il peut accrocher, et hier il n’a pas déparlé toute la journée, quoique la pluye lui tombât constamment dans la bouche. Cela me désole un peu parce que je cherche avant tout le silence et la solitude, mais son penchant est irrésistible.
La poste pour Berne ne repart d’ici que vendredi; cependant j’y mettrai cette lettre, ne prévoyant pas d’où j’en pourrai vous faire parvenir une plus vite. J’ai quelque idée de revenir par Fribourg et la Val Sainte, alors nous pourrions nous rencontrer à Vevay, mais je vous écrirai cela plus exactement. Adieu chère amie, il me tarde d’avoir de vos nouvelles et cela me fera hâter mon arrivée à Lucerne. Mille complimens à Madame Récamier et M. de Sabran.
Lundi ce 3 août [1807] à Meyringen. Dans le Hasli.
Chère amie, j’espère que vous aurez heureusement terminé votre course à la faveur du beau tems, du moins nous avons eu un ciel délicieusement serein jusqu’au samedi soir. De Bern nous avons été en char à Thun, ensuite traversé le lac et par Unterseen à pied jusqu’à Lauterbrunn. Le jour suivant nous avons vu le Staubbach dans toute sa beauté, nous avons traversé le Wenger Alp, où la Jungfrau se présente plus majestueusement qu’on ne voit le Mont Blanc à Chamony. Nous arrivâmes le soir à Grindelwald et le jour suivant nous avons été voir le glacier. Hier nous espérions voir la fête des lutteurs sur la Scheideik, mais elle n’eut pas lieu à cause du mauvais tems, ce qui me contraria beaucoup. Nous avons marché pendant sept heures dans la pluye, et les brouillards qui nous privoient entièrement de la belle vue. Nous voici dans la plus riante vallée, et dans le pays des plus belles paysannes, qui coiffent leur superbe chevelure à la grecque. Le mauvais tems nous y tient prisonniers pour un moment, car je suis très décidé à ne passer le Grimsel que par un tems parfaitement serein, sans cela on se hasarde inutilement.
Du reste ce séjour est si agréable qu’on s’y enfermeroit volontiers tout un été pour oublier ce qui se passe dans le monde. Vis-à-vis de ma fenêtre la magnifique cascade du Reichenbach fait retentir la vallée. Le tems paroit s’éclaircir, l’après-dîner nous pourrons faire une promenade dans les environs et nous remettre en route demain.
Le peuple m’intéresse encore plus dans ce voyage que la nature; je suis ravi de voir des contrées qui font croire à la dignité de l’homme. J’ai beaucoup pensé à un petit livre que je compte faire et dont le sujet sera non seulement ce voyage, mais aussi ceux d’Italie et de France. Il sera tout rapsodique, mêlé de poésies, de réflexions générales, de comparaisons, de tableaux, etc... J’y mettrai plusieurs morceaux déjà écrits en prose et en vers et je l’appellerai Umrisse auf Reisen gezeichnet. J’espère pouvoir y manifester indirectement mon sentiment national. C’est le voyage qui m’a donné cette nouvelle impulsion. Je vous ai beaucoup de reconnoissance de l’aima-ble congé que vous m’avez accordé pour le faire.
Albert se porte bien, il fait quelques progrès dans l’allemand. Du reste son sang se trahit bien par son amour pour la causerie. Il m’affuble de tous les voyageurs qu’il peut accrocher, et hier il n’a pas déparlé toute la journée, quoique la pluye lui tombât constamment dans la bouche. Cela me désole un peu parce que je cherche avant tout le silence et la solitude, mais son penchant est irrésistible.
La poste pour Berne ne repart d’ici que vendredi; cependant j’y mettrai cette lettre, ne prévoyant pas d’où j’en pourrai vous faire parvenir une plus vite. J’ai quelque idée de revenir par Fribourg et la Val Sainte, alors nous pourrions nous rencontrer à Vevay, mais je vous écrirai cela plus exactement. Adieu chère amie, il me tarde d’avoir de vos nouvelles et cela me fera hâter mon arrivée à Lucerne. Mille complimens à Madame Récamier et M. de Sabran.
· Übersetzung , 3. August [1807]
· Pange, Pauline de: August Wilhelm Schlegel und Frau von Staël. Eine schicksalhafte Begegnung. Nach unveröffentlichten Briefen erzählt von Pauline Gräfin de Pange. Dt. Ausg. von Willy Grabert. Hamburg 1940, S. 146–147.
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