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August Wilhelm von Schlegel to Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
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Place of Dispatch: Chaumont-sur-Loire GND · Place of Destination: Chaumont-sur-Loire GND · Date: [1810]
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Metadata Concerning Header
- Sender: August Wilhelm von Schlegel
- Recipient: Anne Louise Germaine de Staël-Holstein
- Place of Dispatch: Chaumont-sur-Loire GND
- Place of Destination: Chaumont-sur-Loire GND
- Date: [1810]
- Notations: Datum sowie Absende- und Empfangsort erschlossen.
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Printed Text
- Bibliography: Pange, Pauline de: Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’apres des documents inédits. Paris 1938, S. 268‒269.
- Incipit: „Je ne sais pas, en effet, Madame, ce que vous appelez ma conduite. D’indépendant que j’étois, je me suis mis volontairement [...]“
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Language
- French
Je ne sais pas, en effet, Madame, ce que vous appelez ma conduite. D’indépendant que j’étois, je me suis mis volontairement dans votre dépendance; j’ai quitté mon païs, ma famille, mes amis depuis six ans et demi, je me suis attaché à suivre votre destinée d’une manière tout à fait désintéressée, sans consulter mes penchans et sans penser à mon avenir. Certes la perspective de revenir dans ma patrie, vieilli et après y avoir rompu ou négligé toutes les relations, lorsqu’un second mariage ou quelque autre changement survenu me rendra impossible de vivre dans votre maison. Voilà ma conduite et je la continuerai aussi longtemps que vous le voudrez vous-même. En échange je ne vous demande en aucune façon de vous intéresser à mon bonheur. Je ne pense pas que je vous entretiens beaucoup de moi. J’aime mieux épancher mon cœur auprès d’un ami à trois cents lieues de distance. C’est une bagatelle que je voudrois obtenir, de jouir dans votre salon de même droit que tous ceux qui s’y présentent: c’est-à-dire d’être tels qu’ils sont, et de ne pas se soumettre, à quarante ans passés, à une nouvelle éducation. Je vous assure, je m’étudie à plaire à la société. Si je n’y réussis guère, réfléchissez que la société ne réussit pas non plus toujours auprès de moi, et que nous nous devons quelque indulgence réciproque. Si l’on me tracasse sur chaque minutie sociale, si l’on m’en fait des reproches prolongés pendant six heures, cela doit nécessairement augmenter ma contrainte, mon embarras et mon aversion d’entrer dans cette société que les trois quarts du tems je ne choisirois pas de mon propre gré.
Je ne sais pas, en effet, Madame, ce que vous appelez ma conduite. D’indépendant que j’étois, je me suis mis volontairement dans votre dépendance; j’ai quitté mon païs, ma famille, mes amis depuis six ans et demi, je me suis attaché à suivre votre destinée d’une manière tout à fait désintéressée, sans consulter mes penchans et sans penser à mon avenir. Certes la perspective de revenir dans ma patrie, vieilli et après y avoir rompu ou négligé toutes les relations, lorsqu’un second mariage ou quelque autre changement survenu me rendra impossible de vivre dans votre maison. Voilà ma conduite et je la continuerai aussi longtemps que vous le voudrez vous-même. En échange je ne vous demande en aucune façon de vous intéresser à mon bonheur. Je ne pense pas que je vous entretiens beaucoup de moi. J’aime mieux épancher mon cœur auprès d’un ami à trois cents lieues de distance. C’est une bagatelle que je voudrois obtenir, de jouir dans votre salon de même droit que tous ceux qui s’y présentent: c’est-à-dire d’être tels qu’ils sont, et de ne pas se soumettre, à quarante ans passés, à une nouvelle éducation. Je vous assure, je m’étudie à plaire à la société. Si je n’y réussis guère, réfléchissez que la société ne réussit pas non plus toujours auprès de moi, et que nous nous devons quelque indulgence réciproque. Si l’on me tracasse sur chaque minutie sociale, si l’on m’en fait des reproches prolongés pendant six heures, cela doit nécessairement augmenter ma contrainte, mon embarras et mon aversion d’entrer dans cette société que les trois quarts du tems je ne choisirois pas de mon propre gré.