Vous maudirez mes délais, chère amie, cependant il n’y a absolument pas de ma faute, comme je vous l’ai expliqué par ma lettre d’hier. Il faut aller d’un trait de Genève à Schaffhouse où il faut attendre la diligence suivante, ou il faut prendre des voituriers.
Notre négociant bernois étoit de retour de la foire de Leipzig, ce que je ne croyois pas, il n’en étoit pas plus facile à trouver parce qu’il va continuellement à la campagne. Quelque peu d’heures après mon arrivée que je me rendisse chez lui hier, il étoit déjà reparti et il n’est rentré que tard. Je lui envoyai donc un billet pour lui dire que j’allois voir Frédéric et qu’en passant ici j’avois besoin de lui parler. Aussitôt rentré il m’a envoyé quelqu’un de ses gens et m’a invité fort obligeamment à dîner pour aujourd’hui. N’étant pressé par le départ d’aucune diligence, j’ai accepté sans hésiter, car j’ai pensé que nous causerions de cette façon plus à notre aise affaires de commerce. Dans l’après-dîner je partirai pour Soleure et j’y remettrai demain matin votre billet, qui seul m’a paru valoir la peine de faire ce détour de quelques lieues. Si je trouve d’abord la personne, je me mettrai de bonne heure en route pour Zurich, où je serai en tout cas après-demain. Je ne gagnerois rien en allant directement à Schaffhouse, c’est quelques lieues de moins, mais en revanche les routes sont mauvaises. Lundi je serai à Schaffhouse avec la diligence: je n’aurois pu y arriver que mardi et la différence du prix avec les paquets que j’ai est peu considérable. En partant la nuit de Schaffhouse j’arriverai mardi de bonne heure à Ulm, je ferai autant de diligence que je pourrai pour arriver le 1er juillet au lieu de ma destination. Ce sont mes commissions qui m’ont arrêté ici.
Voici une pluye battante et qui a l’air de devoir durer. Quand on est couvert cela vaut encore mieux que la chaleur.
Mille adieux, je m’en vais porter ceci moi-même à la poste. Il m’est bien dur d’être si longtemps sans vos nouvelles.