Je ne saurois vous exprimer la colère dans laquelle m’a mis la lettre que vous venez de me communiquer. Vous voyez bien que je n’avois que trop raison dans tout ce que je disois autrefois sur cette petite cour borgne et mesquine. Vous vous y êtes ennuyée si longtems et ils ne veulent pas vous être utile à la plus petite chose. Et puis ce beau conseil de s’adresser au Pr. K. comme si nous avions besoin d’eux pour imaginer quelque chose d’aussi ingénieux! Enfin c’est une triste lettre d’un triste personnage. Cependant, il faut agir, je ne dis pas malgré cela, mais même à cause de cela, puisque le secret a été compromis. Cela auroit été plus indifférent, étant déjà à T[eplitz].
J’espère que l’arrivée de MM. de M. vous aura remontée. Ils sont auprès de vous – vous êtes donc aussi bien conseillée que vous pouvez l’être. J’ai vu à ma grande satisfaction que je m’accorde avec eux sur les points principaux.
Vous me trouverez toujours prêt à partager tout et à faire tout ce que vous déciderez. Je compte aller à Soleure lundi ou mardi, en attendant je pourrois encore avoir de vos lettres en réponse aux miennes.
Chère amie, fions-nous en la providence et pensez que tout ne paroît si difficile que pendant qu’on reste dans l’inactivité. Lorsqu’on se met en marche, les fantômes disparoissent à mesure que l’on avance vers eux. Vous aurez déjà été convaincue de la fausseté des assertions de M. Capelle.
Si vous êtes le moins du monde indisposée, faites-moi venir. Adieu, chère amie.
Vous n’aurez pas oublié d’écrire à M. Meister? Albertine ne m’écrit pas, cela me chagrine.